Elle est charmante, bonne et dévouée au possible, intelligente et instruite, très certainement, mais quant à la traiter de femme remarquable, supérieure, non, cela ne viendrait pas à l’idée; Marian, à la bonne heure ! dit-il avec un enthousiasme contenu. Elle unit à la grâce féminine, à une beauté incontestable, des qualités d’esprit toutes viriles, une droiture et une fermeté de principes qui font mon admiration… Et quelle intelligence, Resweld ! Le jour où elle serait délivrée des entraves de cette vie de gêne, de cette obligation d’un travail forcé et fastidieux, elle deviendrait en peu de temps un de nos écrivains les plus remarquables et une des colonnes du mouvement féministe… le bon, j’entends.
… Le malheur, c’est d’être pauvre, méprisée, de travailler pour vivre, de ne pouvoir mettre en jeu, faute d’un peu d’argent, les forces vives d’un esprit qui demande à se répandre… Le malheur, Liane, c’est de ne pouvoir répondre à une affection absolue et sincère, de se condamner à demeurer solitaire pour la vie, afin d’éviter la terrible gêne dans le ménage, ce fantôme effrayant qui pâlit et consume tant de malheureuses femmes, qui annihile la volonté et réduit l’intelligence à n’être plus qu’un instrument stupide au service de préoccupations vulgaires.
Elle parlait avec calme et dans son regard on ne discernait aucune trace de regret ou de déception. Le sacrifice quotidien l’avait fortement trempée, sans rien lui enlever de sa tendresse de cœur et de sa compassion pour les petits ennuis d’autrui, sans ternir en elle cette fleur de jeunesse, cette spontanéité, cette gaieté tranquille et douce qui étaient son charme le plus exquis.
Marian est une créature tellement supérieure ! On ne peut lui demander d’imiter les autres femmes : elle est hors du domaine commun et ne peut agir que d’une façon toute personnelle, inaccessible à la critique par le fait même de son élévation au-dessus de l’habituel niveau. Je l’ai toujours compris ainsi, j’ai toujours considéré Marian comme la sagesse même…
Riche ou pauvre, belle ou laide, je vous adresserais la même demande, car ce qui m’a attiré en vous, ce n’est pas votre position pénible chez le docteur Helwill, mais, en premier lieu, vos qualités morales, votre belle âme de femme chrétienne, tendre et courageuse, telle que je l’ai toujours rêvée.