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Benoîte Dauvergne (Traducteur)
EAN : 9782815943444
496 pages
L'Aube (19/08/2021)
3.95/5   76 notes
Résumé :

Avec ce premier roman, Nicole Dennis-Benn évoque tout à la fois la dynamique explosive des relations familiales et amoureuses, la sexualité, l'homophobie, la prostitution, le racisme, mais aussi la vie de la classe ouvrière jamaïcaine et l'aspect destructeur du tourisme.
Un grand roman social.

Jamaïque, petit village de pêcheurs. Une famille : la mère, Dolores, qui vend des pacotilles aux touristes américains. La fille aînée, Margot, q... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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Quand on pense à la Jamaïque, on pense reggae. Et même si j'apprécie beaucoup cette musique, j'apprécie aussi la blague qui demande ce que dit un rasta qui arrête de fumer de la ganja....: "C'est quoi cette musique de merde ?". Après avoir lu le roman de Nicole Dennis-Benn, je me dis que ce qu'un Jamaicain qui arrête de fumer de l'herbe doit se dire c'est "C'est quoi ce pays de merde ?".

En effet, loin des cartes postales et des plages idylliques, c'est à partager la réalité du quotidien de ses concitoyens que nous convie l'auteure. Tout en soulignant la beauté de certains couchers de soleil, c'est bien l'horreur qu'elle décrit, celle des relations qui peuvent se tisser entre des habitants dont le seul rêve est de s'extirper de la misère où ils vivent. Elle explore particulièrement l'histoire familiale de Dolores, Margot et Thandi, une mère et ses deux filles qui ont appris à se détester et à dépendre les unes des autres. Ce climat de haine est omniprésent dès les premières pages et ne fait que se renforcer tout au long du récit. Alors qu'on pense que la situation est déjà la plus oppressante qui soit, elle ajoute une explication, un pan du passé d'une des protagonistes qui tout en nous permettant de mieux comprendre les relations qui se nouent, ne fait qu'ajouter au poids sur les épaules de chacune.

Les hommes apparaissent comme la source de tous les problèmes de ces femmes, par leurs agressions, leurs fuites lâches (omni-absence des pères, la plupart du temps partis avec l'argent de la famille), leur paresse, leur volonté de domination. Ils semblent attendre tout des femmes sans vouloir participer, sont le plus souvent attablés au café à les regarder passer, au maximum à les transporter en taxi, mais toujours avec les regards lubriques et l'intention de profiter de leurs charmes.

Le fonctionnement pervers qui pousse ces trois femmes à se faire du mal dans l'espoir de parvenir à s'extirper de leur condition, inter-dépendantes et ne pouvant ni se séparer, ni se soutenir correctement est parfaitement décrit. On se retrouve comme invités dans le système puisqu'on ne peut nous-même que les détester à tour de rôle tout en étant conscients de l'impossibilité pour elles d'agir autrement... et pour nous de nous détacher de leur histoire. Plus que dans le style de la phrase, assez simple, c'est dans la construction de la narration que l'auteure installe cette atmosphère qui parvient à garder sa force tout au long du récit.

L'objectif de découverte de cette île bien connue des Antilles est atteinte. A l'image de celle de la République Dominicaine que m'avait offerte récemment Junot Diaz, elle me permet de dépasser les images de paradis pour touriste et d'atteindre à une certaine vérité. On se doute tous bien sûr des terribles réalités qui se cachent dans l'ombre des parasols, mais il est important qu'elles prennent corps dans ces histoires, pour qu'on ne puisse se laisser illusionner et oublier le quotidien de ces gens qui nous accueillent.

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Je ne suis jamais allée en Jamaïque et je l'imagine île paradisiaque, vent doux, mer bleue, flore merveilleuse avec un espèce de nonchalance de vivre.
Ce que Nicole Dennis-Benn m'a fait découvrir est tout autre. J'aime bien connaître le destin de femmes, leurs histoires belles ou non, leurs aspirations et parfois leur désespérance.
Trois femmes, Delores, là mère, Margot l'aînée et Thandi la plus jeune, élève modèle, brillante et en qui la famille met tout ses espoirs pour qu'elle puisse connaitre une autre sorte de vie. Delores vend des babioles aux touristes sur les plages et rame intensément afin de subvenir aux besoins de la famille. Margot a de la chance elle (vraiment?) . Elle travaille dans un grand hôtel et rapporte l'argent à la maison et pourvoit aux besoins de sa jeune soeur: école privée, cours particuliers, costumes, effets scolaires , tout quoi ! Thandi oui elle est brillante à l'école et surtout, adore dessiner.
Ce que nous présente l'autrice, c'est un portrait au quotidien de ce que doivent vivre les habitants . C'est presque l'horreur vécue, cachée dans des paysages époustouflants. Car y-a-t-il autre chose pour ces femmes que de devenir domestiques, petit personnel , prostituée, servir exclusivement les touristes? Même les hommes décrits ici ne sont pas très impressionnants. Ils sont violents, ignorants, lâches et j'en passe.
Les gens se font du mal entre eux, tout le temps, afin de tenter de se sortir de leur condition et c'est ce qui m'a frappé. Les relations malsaines, psychologiquement et physiquement violentes sont déchirantes. Les thèmes abordés sont déroutants: le racisme, se blanchir la peau afin de s'y soustraire; l'homosexualité prohibée sinon criminalisée et l'aspect lesbien de celui-ci hautement décrié; les croyances païennes et la religion dominant les moeurs; le développement touristique au détriment de l'environnement et des établissements humains...
Avec des phrases incisives, ce récit est surprenant mais surtout, je crois, lucide et clairvoyant.
Cauchemars et désespoir sous couchers de soleil idylliques.
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Pas de description d'une île tropicale paradisiaque ici et sans doute cette histoire pourrait se dérouler dans de nombreux pays...
Trois femmes jamaicaines, une mère Delores, et ses filles Margot la plus âgée, la trentaine et Thandi, adolescente sont les héroïnes de "Rends moi fière". Les relations entre elles sont complexes, pleines de non-dits et d'incompréhension. Mais l'auteure distille peu à peu l'intrigue, les secrets, les rêves, les souffrances et traumatismes de chacune. Alors le lecteur comprend mieux leurs choix, leurs envies et leurs obligations. Comment réagir lorsqu'on n'a pas la chance de vivre, mais seulement de survivre, que le regard des autres et les croyances empêchent de mener sa vie sereinement. Quel poids aussi lorsque l'espoir d'une vie meilleure de ses proches est portée par de frêles épaules.
La prostitution, l'homophobie, la corruption, la misère sont au centre de cette oeuvre, mais sans voyeurisme ou exagération.
Un roman social riche et sans jugement.
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En Jamaïque, Thandi est une jeune fille sur qui reposent tous les espoirs de sa soeur et sa mère. Margot, la soeur, a tout sacrifié pour qu'elle ne vive pas les mêmes horreurs et puisse envisager un meilleur avenir, au prix de sa propre liberté. Dolores, la mère, fonde aussi son avenir sur les frêles épaules de Thandi après une vie misérable. Les trois femmes vivent le quotidien que le pays leur impose de manière plus ou moins différente, jusqu'à un certain point...

Un livre coup de poing pour un lecteur novice de la littérature jamaïcaine. Pour les plus aguerris, on retrouve les thèmes récurrents habituels ainsi que ce fameux patois qui change l'orthographe des mots et ordonne une gymnastique auditive (la traduction française ne rend cependant pas la complexité du patois écrit en anglais, on y perd quand même pas mal à ce niveau-là).
Pourtant, Nicole Dennis-Benn réussit clairement à se sortir du lot avec ce premier roman captivant et efficace au nombre incalculable de phrases incisives. Tout aussi clairvoyante que ses autres compatriotes auteurs, elle ajoute une dimension personnelle clairement atypique en Jamaïque en développant des personnages lesbiens. Rappelons que l'homosexualité est très sévèrement condamnée dans le pays et carrément criminalisée pour les relations entre hommes. de tous les ouvrages de fiction jamaïcaine disponibles, je n'ai pour l'instant vu que celui-ci aborder de front la question.
Aussi, l'histoire nous plonge dès le départ dans des thèmes lourds comme l'envie de se blanchir la peau pour espérer une meilleure position dans la société (colorisme et racisme), la prostitution comme moyen de survie, le tourisme à la fois destructeur de l'environnement mais surtout à mille lieues de la vie réelle des habitants qui se font exploiter et voler leurs terres pour y construire toujours plus de complexes hôteliers de luxe, le viol et la violence générale envers les femmes, la vision des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne comme seules et uniques portes de sortie qui méritent le respect...
C'est vraiment un roman très fort, poignant, criant de violence quotidienne sous formes variées, intelligemment écrit et construit, très lucide. Les beautés de la nature sont presque toujours mises en parallèle des horreurs du récit... C'est saisissant.
Une belle surprise que je recommande.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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« Rends-moi fière » de Nicole Dennis-Benn est une épopée implacable et juste. Un kaléidoscope en Jamaïque. Une plongée dans une famille pittoresque. Les habitus éclatent à l'instar du fruit la grenade. On pénètre dans l'histoire riche d'idiosyncrasie au fort caractère. Les protagonistes principaux sont trois femmes. Delores, et ses deux filles Margot et Thandi. Emblème d'une Jamaïque qui bridait les femmes en proie à une religiosité et aux coutumes bien trop ancrées. Fascinantes, elles sont le symbole des femmes éprouvées. La vie bousculée par les difficultés pécuniaires, la pauvreté et pour Margot et Thandi la peau bien trop noire. Cette saga est une prouesse. le souffle d'un pays qui élève les poussières, les fortes chaleurs, le tourisme caricaturé et la sociologie dépasse les clivages des quartiers pauvres. Pas de pathos. Ici, c'est la féminité qui est décryptée. Margot : «  Elle savait déjà que l'impuissance est synonyme de faiblesse et qu'il est inutile d'avoir la foi en Dieu. Ce n'est pas lui qui fait bouillir la marmite et paye la scolarité de sa soeur. »
Au coeur de ce roman dense d'évènementiel il y a la gravité d'une homosexualité tabou, la prostitution cachée comme la poussière sous le tapis. Deux femmes ne peuvent s'aimer. C'est le drame de cette saga alliée aux torpeurs intestines des disparités sociétales. La mère Delores est certes aigrie, violente et méchante mais son travail est le seul moyen d'échange pour l'éducation scolaire de ses filles. A contrario elle voit l'inceste dans son antre et aucun son ne vient bafouer ce qui se passe. Ses filles sont la cartographie des moeurs et palpitations d'un pays ployé sous les croyances, les non-dits et le désir de liberté et d'émancipation. « Rends-moi fière » est l'adage crucial de ce roman douloureux mais lumineux. Magnétique et captivant c'est un futur grand film sur grand écran. le meilleur livre de l'année selon le New York Times . Traduit avec brio de l'anglais (Jamaïque) par Benoîte Dauvergne. Publié par les majeures Éditions de l'Aube.
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critiques presse (1)
LaPresse
09 janvier 2022
Derrière ces murs aux teintes vives se cache par ailleurs une société qui continue de souffrir du colonialisme et qui, par son homophobie, notamment, est capable d’une violence sans bornes envers les siens. Une lecture inoubliable qui ne rend que plus vive notre impatience devant la traduction du deuxième roman de l’auteure, Patsy.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Quand elle vit Margot sourire ce jour-là, elle éprouva l'envie d'étouffer ce qu'elle voyait dans les yeux de sa fille : une étincelle qui brillait comme ce soleil infernal que Delores rêvait d'arracher au ciel.
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Cette menteuse folle à lier qui se blanchit la peau sait que les filles de Delores la détestent. Cette femme qui n’a rien de bon à vendre et que les clients ignorent ouvertement connaît son point faible. Ce rictus moqueur que Delores rêve de faire disparaître est tout à fait révélateur ; et même si elle réussit à la faire blêmir (plus efficacement que l’eau de Javel), cela n’effacera pas le fait que Mavis a probablement de meilleures relations avec son fils que Delores n’en aura jamais avec ses filles.
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Margot tente de les compter pour se calmer. Bien sûr qu’elle a des rêves. Elle en a toujours eu. Son but est de partir le plus loin possible d’ici. Peut-être en Amérique, en Angleterre, quelque part où elle pourra se réinventer. Devenir une nouvelle personne, une femme désinhibée ; quelque part où elle pourra satisfaire les désirs auxquels elle résiste depuis si longtemps. En réalité, l’hôtel ne lui verse qu’un maigre salaire, mais Margot ne peut le révéler à personne. Elle s’habille élégamment pour aller travailler : son uniforme gris tourterelle est soigneusement repassé, ses plis soigneusement ajustés ; ses cheveux lisses et peignés sont ramassés en un chignon serré dont rien ne dépasse, à l’exception du duvet qu’elle plaque avec du gel autour de son front et sur ses tempes ; maquillé avec un soin minutieux, son visage est suffisamment poudré pour paraître plus clair ; plus clair que celui d’une vulgaire domestique.
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Tu peux continuer à te blanchir la peau, ça ne changera rien, dit Margot à Thandy dont les bras se couvrent de chair de poule. Crois moi, ca ne changera pas ta place dans la société, ni le regard que les autres posent sur toi.
p 279
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Tout ce que souhaite Margot, c'est enfouir le visage dans la poitrine de cette femme qui ne l'a jamais aime, serrée dans ses bras, doucement bercée, ni caressée. Mais Delores se contente de lui cracher à la figure. Un filet de salive coule lentement sur la joue droite de Margot, pareil à une larme épaisse.
( p 308)
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Videos de Nicole Dennis-Benn (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nicole Dennis-Benn
Déconstruire le récit dominant n'est pas une mince affaire. le chemin est encore long pour rendre compte de la complexité des expériences vécues. Plus que jamais, ces voix sont essentielles. Des femmes marginalisées issues des communautés autochtones aux femmes noires dont les corps sont sexualisés, il y a une histoire commune qui ne raconte pas autre chose que le pouvoir ascendant de la masculinité. Ces trois formidables autrices nous disent combien, ici et ailleurs, l'espace littéraire est un lieu idéal où faire vibrer ces voix. Nicole Dennis-Benn, Emma Cline et Terese Marie Mailhot
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