Aujourd'hui je vais évoquer L'usure d'un monde récit de
François-Henri Désérable. Ce texte est sous-titré Une traversée de l'Iran. le romancier en raison de la pandémie de Covid-19 avait reporté son projet de suivre les traces de l'écrivain-voyageur suisse
Nicolas Bouvier, mais en novembre 2022 il s'envole, visa en poche pour Téhéran. La date de son voyage coïncide à quelques semaines près aux émeutes et aux manifestations suite à la mort de Mahsa Amini.
François-Henri Désérable, malgré l'avertissement des services des Affaires étrangères met à exécution son projet et quelques mois après en publie le compte-rendu détaillé et haletant.
Il explique en référence au titre que : « la découverte de Bouvier, vers vingt-cinq ans, fut une déflagration comme j'en ai peu connues dans ma vie de lecteur. » Avec L'usure d'un monde, Désérable se confronte au monde contemporain et à ses turbulences, assez loin du terreau habituel de ses fictions. Pendant un peu plus d'un mois alors que les occidentaux sont très rares en Iran et les journalistes quasiment absents sur place il va voyager presque librement sur les routes du pays. Son road-trip est l'occasion de prendre le pouls du pays à un moment de probable bascule, avec les femmes qui protestent contre le régime et une proportion importante des hommes les plus jeunes qui les soutiennent. le slogan qui accompagne ce périple est Femme, vie, liberté. Désérable constate : « depuis quarante-trois ans, et même bien davantage, la peur était pour le peuple iranien une compagne de chaque instant, la moitié fidèle d'une vie. Les Iraniens vivaient avec dans la bouche le goût sablonneux de la peur. Seulement, depuis la mort de Mahsa Amini, la peur était mise en sourdine : elle s'effaçait au profit du courage. (...). Début novembre, à Téhéran, la moitié des filles de moins de trente ans sortaient sans le voile. » Il assiste à cet élan, mais la parole n'est pas totalement libre, il faut se méfier des gardiens de la Révolution qui rôdent. le narrateur est curieux, il veut suivre son itinéraire et découvrir l'Iran en dehors de la capitale. Ses destinations sont Ispahan, Chiraz, Zāhedān entre autres. Il espère refaire le trajet de Bouvier et aller à la rencontre du peuple et de sa culture. le récit de voyage est rattrapé par l'actualité, la méfiance est de mise ; d'ailleurs il finira par être arrêté et à défaut d'être incarcéré il lui est intimé l'ordre de quitter la région où il se trouve et dans la foulée le pays. Ce voyage est celui de belles rencontres, quelques voyageurs émérites à l'écart du bruit du monde et surtout des iraniens et des iraniennes (mais aussi des réfugiés kurdes) qui aspirent à la liberté. Désérable n'est pas Bouvier, Tesson, Gras ou Blanc-Gras. Il précise : « voyager rend modeste : vous vous croyez bourlingueur inlassable, arpenteur des temps modernes, mais tôt ou tard vous finissez toujours par croiser des globe-trotteurs, des vrais, qui vous renvoient à votre condition de touriste. (...). Si l'on voyage, ça n'est pas tant pour s'émerveiller d'autres lieux : c'est pour en revenir avec des yeux différents. Et dilater le temps qui passe : chez soi, les heures nous filent entre les doigts : en voyage, un seul jour a l'épaisseur d'une semaine. »
L'usure d'un monde révèle une autre facette de la littérature de
François-Henri Désérable. le jeune romancier est plein de fougue et de courage mais a conscience que ce témoignage personnel demeure modeste et ne parviendra pas seul à faire ployer le régime.
Voilà, je vous ai donc parlé de L'usure d'un monde de
François-Henri Désérable paru aux éditions Gallimard.
Lien :
http://culture-tout-azimut.o..