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3,87

sur 2926 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'on retrouve Vernon, cet ancien disquaire qui s'est retrouvé à la rue après avoir squatté à droite, à gauche chez des connaissances. du parc des Buttes-Chaumont où il a trouvé une planque, Paris paraît accueillante. Hallucinant d'une fièvre brûlante, il n'a émergé qu'au bout de plusieurs jours. Charles, un SDF bruyant et loufoque, a d'abord râlé en le voyant sur « son » banc puis s'est occupé de lui. Vernon s'est adapté à cette vie marginale. Laurent et Olga, deux autres SDF, lui sont toujours fidèles. Vernon ne sait toujours pas que ses amis sont après lui à propos de la cassette posthume d'Alex et pourraient bien se rapprocher de lui...

Après un premier tome accrocheur et réussi, le deuxième était, évidemment, attendu. Qu'est-il arrivé à Vernon et la ribambelle d'amis qui lui tournent autour? Tour à tour, ils prennent la parole et Virginie Despentes s'attarde sur chacun. de ces tranches de vie, elle dépeint une société amère, un peu frustrée, sachant se montrer aussi bien violente que généreuse. Vernon sert de fil conducteur à ce roman choral, il est d'ailleurs peut-être moins présent, l'auteur ne cherchant pas à mettre l'un ou l'autre de ses personnages en avant. Au contraire, chacun a bien sa place et elle s'y attarde longuement, nous offrant ainsi de très beaux portraits, généreux et profonds. Ce roman, plus politique, moins rock et moins sombre mais toujours aussi ancré dans notre société, nous offre de jolis portraits, de l'ancienne star du porno au SDF. L'écriture, quant à elle, est toujours aussi riche, dense et parfaitement maîtrisée.

Vernon Subutex, un être à part...

Merci Cécile...
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Dans la continuité du premier tome, la suite des aventures du disquaire déchu se lit avec autant de plaisir. Une fois raccrochés les wagons (bonne idée que le rappel de la distribution des personnages, pour peu que l'intervalle entre les 2 tomes dépasse quelques mois, ce qui est le cas quand on a sauté sur le premier et attendu le deuxième), on reprend vite le fil de l'histoire.
Vernon est toujours à la rue, et il s'y fait. Alors curieusement lorsque la bande se reconstitue autour d'un intérêt commun pour le fameux enregistrement sur cassettes d'Alex Bleach, que Vernon détenait jusqu'à ce que, confiées à Émilie , elles soient volées par la Hyène, ce sont les inclus qui se rassemblent autour de lui (les quelques propositions d'hébergement entre 4 murs lui ont donné un désagréable sentiment de claustrophobie).

Et ce qui suit est un curieux phénomème de groupe, que n'expliquent pas uniquement la solidarité et le souhait de venger le décès de Vodka Satana, qu'Alex Bleach considère comme un assassinat. La vengeance ne se fait guère attendre et les révélations arment des mains de jeunes femmes qui se prennent pour Lisbeth Salander.
L'agression dont avait été victime Xavier dans le premier tome a des conséquences dramatiques et c'est finalement ce qui va déclencher un mouvement collectif, dont le pacte est scellé dans un troquet miteux ou le champagne coule à flot.

Le diable est dans les détails, et c'est avec le même humour et un sens de l'observation particulièrement développé que l'auteur poursuit la saga des aventures de Vernon "dont le nom évoque un vieux matelas". Pas de complaisance pour les personnages, tous assez bruts de décoffrage, ce qui fait tout leur charme. Pas d'apitoiement non plus, leur destin est en marche, résultante de décisions personnelles dans un contexte social donné.

Malgré tout, l'ambiance est plutôt à la fête, et l'on s'attend à tout pour la suite....

Pas de déception donc pour ce deuxième tome, qui vaut bien le premier.

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Dire que j'avais adoré le premier est un doux euphémisme. Mais le second plus on avance dans l'histoire est plus ça m'a gavé, j'ai fini par sauter quelques chapitres vers la fin. D'ailleurs l'histoire … Quelle histoire ? Des tranches de vies de personnages désoeuvrés ? Ne pas lire ce tome en écoutant Barbara alors que le brouillard envahi la place et que mes nuits sont plus longues que vos jours, c'est un coup à se mettre un pistolet sur la tempe.
Vernon Subutex, ancien disquaire, a élu domicile près des buttes-Chaumont. Il zone un peu, s'essayant au rôle de SDF. La plupart des connaissances de son ancienne vie le recherche. Il serait en possession de bande d'Alex Bleach, ancienne star à la mode, mort d'une OV dans un hôtel. Tous finissent par le retrouver et vont se mettre à graviter autour de lui. Tels des papillons autour d'un lampadaire ou d'un Jésus entouré de ses disciples. Chacun voudrait le sauver ...
Ici tout est pourriture et se conjugue avec no future. Heureusement qu'il y a la verve de Virginie Despentes qui sais de quoi elle parle. Difficile d'inventer une galerie de personnages plus vrai que nature. Mais trop c'est trop, pour moi il y a cent pages de trop. Et aucun espoir ne surgit de tout ce désespoir ambiant. Tout le monde en prend pour son grade, à la fin ça a fini par me lasser ... J'aime pas les gens qui passent leur temps à se plaindre.
L'autre truc qui me gave, c'est l'unanimité dithyrambique de la presse qu'on nous étale sur le quatrième de couverture … Grrrrrrrrrrr ! Déjà faut se les farcir à la téloche et la radio avec leur campagne de promo et en plus on t'en remet une couche histoire de bien te faire comprendre que s'y tu ne le lis pas t'es qu'un grosse merde.
A la médiathèque ils n'ont pas le trois … Tant mieux ça va me laisser le temps de digérer celui-ci.
Oui, j'ai tout de même mis quatre étoiles car je l'ai avalé presque aussi vite qu'un calva cul sec.
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C'est beau, Montmartre, la nuit.
C'est sinistre et effrayant, quand on y vit dehors, même l'été.
C'est ici que l'on retrouve Vernon. Tel qu'on l'avait laissé - pire, même, la rue n'est pas un bain de jouvence...

Alors, ce deuxième opus tant attendu est-il aussi excellent que le premier ? Virginie Despentes avait promis qu'il serait "le plus différent possible du tome 1, sans non plus "jump the shark", c'est à dire faire tout à fait n'importe quoi". (Obsküre Magazine, avril 2015)

Différent, il l'est.
Pas si sex & drug & rock'n roll. On sort des immeubles parisiens friqués/branchés avec coke et pipes à tous les étages. On est dans la rue, entre Montmartre et le superbe parc des Buttes-Chaumont, en galère, dans le monde de la précarité, de la débrouille et de la solidarité, au côté de Vernon et puis d'autres, vous verrez...
On suit Sélim, un papa aussi ordinaire que formidable en plein désarroi depuis que sa fille ado lui a échappé avec sa conversion religieuse.
On apprend assez rapidement ce qu'il y a sur les cassettes laissées par Alex, on n'attendra donc pas le troisième opus en piaffant. Même si bien sûr, on a envie de connaître le sort des deux personnes en fuite...

On retrouve tous les personnages du premier volet. N'ayez pas peur de vous y perdre, les quelques lignes de présentation consacrées à chacun en préambule vous montreront que vous ne les aviez pas oubliés. Mais alors qu'ils étaient éparpillés dans le précédent épisode, que les changements de narration pouvaient être fastidieux à suivre, cela semble plus simple ici - il faut dire qu'ils sont souvent regroupés, dans cette histoire.

L'ambiance est donc bien différente, je l'ai trouvée plus sombre. La savoureuse touche Despentes est là, pas de souci : c'est politiquement incorrect, percutant, grinçant, et drôle grâce au sens de la formule de l'auteur. A travers les voix de ses protagonistes, Virginie Despentes balance des réflexions tous azimuts sur la politique, la religion, la société, le couple, l'éducation, l'amitié... Ces idées sont parfois dérangeantes, surtout lorsqu'elles sont très argumentées - ça donne le tournis et bouscule nos petites certitudes, tout ça. Le ton m'a semblé encore plus virulent que dans le premier tome, est-ce l'effet "7 janvier" ? Despentes serait-elle encore moins complaisante ? Gratte-t-elle encore plus là où ça fait mal ? C'est ce que j'aime chez elle, même si ça rend le propos dense et la lecture parfois plombante.
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Vernon Subutex / tome 2 : je suis au milieu de la tranche de vie de ce disquaire déchu, devenu squatteur puis SDF, et je m'attache, je m'attache...
non seulement à lui , mais à sa bande de potes aussi bizarrement assortis qu'harmonieusement rassemblés.
Clodos, bobo, facho, lesbiennes , trans, putes, hardeuses, islamiste et au milieu des alcooliques (plus très) anonymes, depuis que Miss Despentes, les a pris sous sa plume.
Portraits individuels ou portraits de groupes : Virginie nous les donne à comprendre, nous les donne à aimer . Sous sa touche impressionniste , réaliste, trash et cash, on suit des destins qui s'imbriquent les uns dans les autres avec un liant que je pensais improbable. .
Au moment où j'écris, j'ai déjà entamé le tome 3 qui clôt cette trilogie , complétement accro à Subutex , aux lignes ...de mots de Virginie.
Et je ne sais pas pourquoi me vient cette chanson de Thiefaine que j'ai connu grâce à un disquaire ( qui n'était pas Vernon, mais qui lui aussi a fermé boutique ...) : " Les Dingues et les paumés" ...
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Le tome 1 de Vernon Subutex m'avait séduite par sa sublime galerie de portraits de paumés. Il ne se passait pas grand chose, et cela me convenait très bien, car cela laissait plus de place à la description des personnages.

Dans ce tome 2, on retrouve ces mêmes paumés géniaux... mais ils ont maintenant la détestable manie de faire des choses... en vrac se battre, enquêter, planer, danser, discuter, militer... Cela montre le talent de Virginie Despentes pour se renouveler autour d'un même thème. Mais j'avoue avoir été moins passionnée par les activités de ces paumés que par leurs pensées et difficultés !

Malgré ce bémol (peut-être normal tant la musique joue un rôle important dans le roman), j'ai aimé l'ironie de l'auteure, sa critique de notre société des apparences, sa tendresse pour ceux qui ne rentrent pas dans le moule et même son ébauche d'optimisme à certains moments. Je retrouverai donc sans aucun doute Vernon dans le tome 3, en espérant qu'il y retourne à la contemplation et à la psychologie.
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Silence, on tourne ! Vernon Subutex, deuxième !

Souvenez-vous, il y a une semaine, je vous parlais de mes premiers essais avec Vernon Subutex. Une découverte teintée d'amertume et de déception. Les pages dégoulinantes de sexe, de drogue, de déchéance m'avaient mise mal à l'aise et donné envie de quitter ce livre promptement.
Pourtant, quelque chose dans l'écriture de Virginie Despentes m'avait retenue. Ce quelque chose c'était comme une bande originale à la fois lancinante et captivante. Une musique que votre conscience refuse mais que vous ne pouvez pas vous empêcher d'écouter parce qu'elle ouvre en vous un espace de liberté, une piste d'envol vers de nouveaux horizons. de sombres horizons certes … mais n'éprouve-t-on pas parfois l'envie de se vautrer dans la boue, de s'enfoncer vers de ténébreuses et capiteuses méandres ?


Ouh la ! du calme TheWind.. t'as fumé ou quoi ?


Non, non, j'ai juste lu Vernon Subutex.


Un roman qui ne laisse pas indifférent. C'est d'ailleurs pour ça que je lui ai laissé une seconde chance.


Et alors ?


Et alors, Vernon a pris une étoile en plus. Je m'y suis sentie plus à l'aise. J'y ai trouvé comme un nouveau souffle d'air. J'ai enfin respiré un peu, quoi !
Moins trash, moins glauque.
On retrouve les personnages comme de vieux copains de classe perdus depuis des lustres et qu'on avait fini par oublier dans toute cette jungle subutesque. Personnages auxquels on finit par s'habituer et pour lesquels on finit par éprouver une bonne dose de compassion, voire pour certains, des relents de dégoût …


Il est fort possible que j'aille retrouver The Vernon Band un de ces quatre matins mais pour l'instant, je vais laisser le temps faire son office. Peut-être aurais-je plus de plaisir à les retrouver.
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Vernon a doucement dégringolé sa (Des) pente.

Le voilà SDF , aux Buttes-Chaumont avec une cour …des miracles autour de lui . Mais son magnétisme est intact, et même plutôt décuplé…

Ce tome 2 , c'est vraiment Théorème de Pasolini transposé sur la butte Bergeyre, face au Sacré- Coeur, tout dégoulinant de mysticisme kitch. Vernon devient, malgré lui, le Messie de la Butte, le Berger de Bergeyre, avec son troupeau de brebis bêlantes et égarées...Chacun, auprès de lui, trouve son karma, sa voie, sa transfiguration, sa rédemption , son épiphanie…

Il y en aura pour tout le monde ! Ne vous bousculez pas, et prenez la file : écoutez la parole de l'Ange au visage sale et aux yeux magnétiques…

Prophète des Buttes et des putes, magicien d'Oz d'un Zoo de branquignols, Vernon est consulté, chouchouté, adulé comme un guru. Il est même douché, bichonné et...astiqué par une Hyène toujours lesbienne mais pleine d'empathie mystique...Scène d'anthologie!

Ca vire à la secte, dans ces « convergences » où l'on danse, en transe, sous les hautes fréquences…

Mais ça ne plait pas à tout le monde, ces bacchanales christiques revisitées: le producteur Dupalet, par exemple, fait la fine bouche. C'est un délicat, cet homme, même s'il a bon dos - un dos pas laid, grâce aux talents de Céleste et de son improbable meilleure copine.

C'est qu' il a bien des choses à se reprocher.

Il mettrait bien la main sur les cassettes d'Alex, star défunte mais star des feintes, qui pourrait bien lancer -post mortem- quelques pétards pas shiteux du tout dans ce Landernau peace –and- lovien…

J'ai continué à bien aimer cette parodie gonflée du Christ aux oliviers, pleine de disciples chevelus, alcoolisés et shootés, se livrant aux mains et aux langues expertes d'une troupe de Marie-Madeleine du X, sous l'oeil bleu et attendri d'un Messie crasseux et complètement hors sol…Mais je crains un peu que la déferlante de bons sentiments n'emmène tout ce joli monde au pays des lieux communs…

J'attends le tome 3 au tournant…

Addendum: je viens de rechercher quelques citations dans le tome 2...et, du coup, mon impression d'une intrigue qui tourne à la béatitude sectaire se corrige..

Despentes garde l’œil bien ouvert et le verbe affûté!

Les personnages de Sélim et de sa fille Aïcha sont, en particulier, l'occasion de réflexions bien senties et d'aphorismes bien envoyés contre la bien-pensance de tout poil.

Son regard sur l'exclusion qu'il s'agisse des "immigrés" à qui on demande sans cesse plus de preuves de leur "citoyenneté" récente ou ancienne, ou de celle des SDF , cette population hors du monde sur laquelle glissent nos regards culpabilisés, est toujours d'une aussi implacable lucidité.
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J'ai aimé ce second tome de Vernon Subutex, c'est un des livres que je n'ai pas envie d'engloutir à la vitesse de l'éclair tellement j'apprécie le récit de Virginie Despentes.

Au final c'est un récit vraiment différent de ce que j'aime lire en général mais la magie opère comme avec le premier tome, que j'ai aimé retrouvé tous ces personnages. J'aime aussi énormément la façon dont on passe d'un personnage à l'autre.

Je comprends désormais pourquoi je vois autant de gens lire cette trilogie dans les transports et je lirais avec grand plaisir le dernier tome.

Virginie Despentes ne nous narre pas de happy end, mais elle sait parfaitement narré la condition humaine aux travers les situations des divers personnages.

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Hier après-midi, pendant que je faisais l'école buissonnière, j'ai pris deux sacrés coups de soleil sur les épaules. Pendant ce temps, mes collègues étaient assis autour de la table ronde de la salle de réunion, à se creuser la binoche pour concocter le questionnaire d'embauche du futur alternant. Quand je vous disais que c'est de plus en plus compliqué de trouver un boulot. Même ce pauvre alternant qui sera payé 400€ par mois fait l'objet d'un minutieux examen. J'espère qu'il vit chez ses parents ou dans une chambre de bonne à ce prix-là. Ah oui, c'est vrai, il y a la prime d'objectif. le chef me disait : tu verras, c'est génial, ça met vraiment du beurre dans les épinards. On la reçoit tous les trois mois. J'ai touché 160€. Il va encore falloir que j'attende trois mois pour la prochaine. Entre temps, j'aurais tout dépensé pour les quelques anniversaires qu'il faut bien souhaiter. Rajoutons à cela la prime d'intéressement annuelle versée par le groupe Carrefour qui a racheté notre boîte il y a quelques années de cela, et dont le montant s'élève à 16€ et des poussières. Avec ça, je peux m'offrir un repas à Flunch, un peu comme si c'était jour de fête. Je pourrais peut-être même prendre un pichet de rosé. Dans ma bonté, je laisse tous ces privilèges au futur alternant qui me remplacera. Moi je serai au soleil à rien foutre pendant que lui, il sera enfermé dans cet open space avec la clim qui tourne à fond et qui te fait pointer les tétons comme un jour d'ovulation. Quand tu ressors de ce turbin après huit heures de boulot, t'as tellement de crottes au fond du pif que t'es obligé de te racler devant tout le monde en attendant le bus. Quand le bus arrive, il y a tellement de monde dedans qu'il n'y a même plus de place pour coller ses crottes. Moi, j'ai vingt-sept ans, je n'ai plus l'âge de galérer comme ça pour des cacahuètes. Je veux garder les mains propres. Et pendant que je réfléchissais à tout ça, pendant mon heure d'école buissonnière, échappant à la terrible interro à laquelle il faut que tout le monde participe, c'est le principe de la table ronde, qu'on ait quelque chose à dire ou qu'on s'en branle, je sirotais un kir pas dégueulasse qui devait être aux cassis. Je préfère le kir à la châtaigne mais on ne choisit pas toujours. Et le soleil me brûlait les épaules.


Le lendemain, je passai à la pharmacie pour acheter de la crème solaire. Jusqu'alors, je m'étais toujours soigneusement interdit d'acheter ce genre de connerie mais je commence à croire ce qu'on raconte dans les journaux et ce que me disent les gens bien intentionnés. 14.99€ le spray de 150 millilitres. Niveau quantité/prix, rien de plus correct. Il aurait fallu aller à Babou pour trouver moins cher, mais tant pis. Je sortis et rejoignis mon parterre de détente. Jusqu'à présent, le lieu secret où je me réfugiais pendant la pause déjeuner avait toujours été désert mais depuis que le soleil avait viré les nuages, le parc était rempli. Des groupes de gens réunis à cause du boulot plus que par véritable affinité étaient assis dans l'herbe et ils bouffaient de la merde. Ils portaient des casquettes. Ils préféraient quand même rester dans l'ombre. Je ne comprends pas. Pourquoi rester dans l'ombre si c'est pour être dehors ? Ou l'inverse peut-être. J'allai plus loin, sur mon piédestal en béton, contre le mur d'une tour aux parois revêtues de fenêtres réfléchissantes. On peut se regarder dedans sans jamais savoir si quelqu'un nous voit derrière. Autant dire que je prenais le plus grand soin à ne jamais croiser mon propre regard dans ces vitres. Je m'asseyais toujours à côté d'un vieux matelas en mousse défoncé. Un truc pour un clodo sans doute. le clodo ne vient sans doute plus depuis longtemps car le matelas ne bouge pas d'un jour sur l'autre. En dessous du piédestal, des buissons remplis de canettes de bières et de bouteilles en verre. du vin de pelure d'oignon. Jamais bu un truc pareil. Une fois j'avais bu un genre de liqueur d'ail mais c'est tout. Parfois, des odeurs de pisse viennent me flatter le museau. Mais comme le soleil est germinicide, j'ai l'espoir qu'avec les beaux jours, cette poisse marécageuse s'assèche et me foute la paix.


Au début, j'ai pas voulu mettre la crème solaire. Je venais de traverser le parc et j'avais peur que les gens désoeuvrés voient que je venais me faire bronzer exprès avec ma crème solaire. Ils auraient pu me prendre pour un genre d'Arielle Dombasle, la honte. J'ai sorti mon bouquin pour me donner une contenance (Le Buveur de Hans Fallada, vachement mieux écrit que Vernon mais c'était un autre siècle) et j'ai commencé à lire mais au bout de quelques minutes, mes jambes viraient déjà à l'écrevisse. En général, je me prends un ou deux bons coups de soleil et ensuite ça bronze tout seul et je ne crains plus rien. Mais faut dire que jusqu'à présent, on a eu un temps de merde et le premier vrai bain de soleil à la mi-avril, ça fait un peu tard. Je préfère commencer en février/mars pour habituer la peau en douceur. Bon, je sors le spray de mon sac, je vérifie que personne se fout de ma gueule et je m'en recouvre sans oublier le nez, c'est terrible le nez, que ce soit l'hiver parce qu'il fait froid ou l'été parce que j'ai un coup de soleil, il ne rate jamais une occasion pour devenir rouge. Si je picole encore par-dessus tout ça, c'est foutu. Un vrai nez de poivrote. Je dois avoir du gène de Bukowski en moi. Je reprends mon bouquin avec les mains poisseuses. Les cheminots sont en train de défiler sur la route derrière. Six jours en arrière ils faisaient le même cirque. C'était alors un vendredi, comme par hasard le jour où je me casse du boulot à midi et que je veux vite rentrer chez moi dans le silence et l'ennui. Eh bien non, figurez-vous qu'ils défilaient en se tordant le cul sur la route qu'emprunte habituellement mon bus. C'est assez hallucinant de voir des gens, comme ça, qui sacrifient leur pause déjeuner pour des actions politiques sans lendemain. La manif est à la politique ce que le coup d'un soir est à l'amour. Ils feraient bien mieux d'aller se prendre une bière et de pas y retourner au boulot, au lieu de se fatiguer comme ça à crier et à porter des banderoles trop lourdes pour leurs petits corps flétris. le soir, ils doivent être tellement fatigués d'avoir marché et gueulé comme ça qu'ils ne peuvent même plus baiser.


Ce deuxième tome de Vernon Subutex était bien moins passionnant que le premier. Sans doute qu'on commence à trop connaître les personnages et qu'il ne leur arrive plus grand-chose de fantastique, à part cette intrigue censée nous passionner concernant le parcours de Vernon. C'est un peu comme dans la vraie vie. On rencontre quelqu'un, il nous semble passionnant, on décide de vivre avec et on se rend compte qu'il ne se passe plus rien que la vie de tous les jours et on s'éloigne peu à peu. On est bien trop blasés, moi je vous le dis.
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