Résumé des épisodes précédents :
Tome 1 :
Vernon Subutex a un magasin de disques à la République. Revolver. Référence au LP des Beatles qui contient la chanson Tomorrow Never Knows, https://www.youtube.com/watch?v=pHNbHn3i9S4, certainement la chanson la plus évoluée et la plus novatrice du groupe Bien que « tenant » un magasin, Vernon ne vends pas de disques, il fait aimer la musique à tous ceux qui entrent à Revolver. Il a un talent inné pour apprivoiser les sons et faire partager ses passions aux habitués. Mais l'époque est rude. Il n'a pas su, pas vu, ou pas pu « anticiper » la « révolution » du CD. Il est très vite out, vit sur sa réputation, brade son stock de LP pour vivre et puis rien. Il est expulsé et se retrouve à la rue à la fin du Tome 1.
Tome 2 : La mobilisation autour du cas Vernon est rapide. Ses « amis » font tout pour le prendre en change et le sortir de la rue. Mais rien n'y fait. Vernon décide de poursuivre l'action musicale qu'il menait au magasin Revolver, dans la rue. Avec l'aide de ses amis anciens et nouveaux, il organise des sessions musicales en plein air. Au début autour du parc des Buttes Chaumont, puis dans toutes la France.
Dans le dernier tome, l'action de Vernon devient universelle puis planétaire. le rite des « convergences », ces raves mystiques autour du son et de la rencontre des humains, s'impose. Il se transmet à travers le temps et les générations, bien après sa disparition, pour se terminer autour de 2186.
La fin du roman est surprenante, elle démontre la capacité de l'auteure à explorer des styles de littérature qui ne sont pas de son domaine habituel. Mais ne nous y trompons pas, ses analyses, quelles que soient les générations, quelles que soit l'époque, quels que soient les personnages restent toujours aussi affutée et féroces que lorsqu'elle parle de notre société.
Le troisième tome est encore une fois, à l'occasion des voyages de Vernon dans la France des années 2010, de passer au scanner les dérives sociales, économiques, médiatiques, politiques, de mesurer leurs impacts sur les individus et leur vision des réalités sociales, avec ce sens de la formule qui fait mouche et que l'on ne peut souvent que partager tant il est réaliste.
« Aux alentours de Saint-Brieuc ou de Perpignan, les mêmes hypermarchés, Go Sport, Boulanger, Auchan, Décathlon, Jardiland, Darty, les mêmes bâtisses vendant du bio, les mêmes grands surfaces de chaussures à prix d'usine et de matériel de bricolage. (…) La France est le pays d'Europe qui massacre le plus ses zones périphériques, c'est un vrai cancer cette merde-là. C'était joli, pourtant, avant, ce pays. Les promoteurs se foutent de savoir si les centres commerciaux fonctionnent ou non, ils valorisent les murs par procédé comptable…c'est absurde, on est gouvernés par des imbéciles. »
Xavier, un ami de Vernon, stigmatise l'action des terroristes, « (…) des guerriers de l'apocalypse (…) capable de semer la terreur, mais infoutus de s'attaquer à ce qui fait chier le monde. », mais poursuit-il, « le ciment le plus facile à trouver pour souder un groupe restera toujours l'ennemi commun. », « comment t'expliques qu'il n'y a pas de Scouts de France dans la Seine Saint Denis ? (…) ces cons de chrétiens se sont rassemblés dans les quartiers les plus riches pour célébrer des messes en latin. »
A l'aéroport Vernon subit le contrôle et pense « La sécurité est annexe, là-dedans. Tout ce qui compte c'est la discipline. Qu'on apprenne à obéir à n'importe quelle consigne, sans discuter. »
Sylvie, depuis sa disgrâce sociale et « (…) depuis qu'elle a dû effectuer pour elle-même toutes les démarches d'obtention du RSA et des allocations qu'elle pouvait toucher, elle n'est pas arrivée au légendaire pactole mensuel qu'on évoque dans les dîners de riches. » ne voit plus le monde comme avant…
Sur les chaînes TV, c'est pas la joie non plus, soupirent les producteurs, « (…) Quelle que soit la promesse d'origine, ça se termine comme ça. Julie Lescaut avec une vieille kalach qui traîne dans un coin du décor. »
Selim, le prof d'origine algérienne qui a élevé, seul, sa fille, lui a enseigné la philosophie des lumières, la poésie, la voit sans plaisir épouser la religion musulmane, se lever tôt le matin pour ses ablutions, se voiler et partir pour l'université. Il ne comprend pas ces donneurs de leçon qui défendent le port du voile comme un signe de liberté ou d'indépendance.
On pourrait multiplier les exemples qui montrent qu'avec la série
Vernon Subutex,
Virginie Despentes s'affirme comme une auteure essentielle du XXIème siècle. Elle décrit les dérives d'une société avec ses mots et son langage, sa philosophie propre en montrant comment les groupes sociaux en viennent à se détacher les uns des autres, jusqu'à ne plus se comprendre, à s'ignorer, puis à se déchirer.
La parabole Subutex, et le rite des convergences, suggère-t-ils que seul un mouvement s'affranchissant des dogmes du système au travers de la musique comme autrefois les catholiques avec la religion, pourrait sauver le monde ? le parallèle est étonnant :
« A partir de 2010, les groupes pratiquant les convergences dans la clandestinité furent persécutés puis exécutés. »
Je vous laisse deviner la suite.
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