Encore un roman historique que je dévore. Choisi pour son sujet, les débuts de la fabrication de la porcelaine dure à la manufacture de Sèvres, il me captive.
Dans les
salons de Versailles a lieu tous les ans en décembre, sous le patronage de Madame de Pompadour, la vente des porcelaines tendres fabriquées à Sèvres. Mais la « bonne amie » du roi désire désormais que ces ateliers façonnent également de la porcelaine dure, comme celle produite en Saxe. Louis XV va d'ailleurs en cette nouvelle année 1760, devenir seul propriétaire de Sèvres, dont il n'était encore qu'actionnaire majoritaire. Il en va donc de l'honneur de la France.
En Auvergne deux frères décident de quitter leur province après avoir enterré leur mère, laissant le plus jeune, Eustache, au collège des Jésuites, dont ils ont eux-mêmes suivi l'enseignement. Anselme est passionné par les sciences et particulièrement par la minéralogie et par la chimie. le cadet Mathieu, aveugle de naissance, ne vit que pour la musique pour lequel il a un don, et que l'époque,
Diderot en tête, croit inaccessible à un non-voyant. Munis de lettres de recommandations à l'adresse de Marmontel et de l'abbé Chappe, anciens élèves des Jésuites de Mauriac, ils débarquent à Paris.
Très vite grâce à Marmontel, Mathieu joue de l'orgue à l'église des Jésuites de la rue Saint-Antoine tandis qu'Anselme rejoint la manufacture des porcelaines. Manufacture qui est le siège de manoeuvres diverses visant à attirer la couverture à soi, ou à retarder sous couvert de difficultés, le moment de la réussite des recherches portant sur la pâte de kaolin.
Par ailleurs en Alsace, Paul Hannong qui a réussi à créer une porcelaine dure quoique de décor assez frustre, cherche à vendre son secret à Sèvres. C'est son fils
Pierre-Antoine qui parviendra à monnayer bien que très mal son savoir-faire.
Le récit des aventures tant de la mise au point de la formule, que des deux frères et de leurs amis est, à mes yeux, passionnant. On apprend beaucoup sans lourdeur, tout en vivant les bonheurs et les inquiétudes des personnages.
Les deux frères Masson ne semblent pas être des personnages historiques bien qu'ils soient, surtout Anselme au coeur du roman.
L'histoire frôle d'autres sujets que la porcelaine et l'auteur ne se contente pas de les évoquer mais développe, nous parlant ainsi des travaux scientifiques en faveur de la « réinsertion » - quoique le terme et la notion soit alors inconnus - des infirmes ; des relations de certains intellectuels avec Catherine II de Russie ; .... Cela rend le roman encore plus vivant puisque traçant un tableau plus complet de ces années 1760 -1769.
J'ai aimé aussi le regard que
Jean-Paul Desprat porte sur la famille royale et en particulier sur Madame Adélaïde, gentiment habillée pour l'hiver.