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sur 343 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
A presque trente ans, Julien Libérat en est à dresser le morne constat de ses désillusions : musicien raté survivant chichement d'un « bullshit job » ubérisé, le voilà réduit à migrer dans un clapier en banlieue sud, à Rungis, alors que sa compagne vient de le mettre à la porte de leur morne vie commune. A bout de solitude, d'ennui et de manque de perspectives, il trouve un jour un dérivatif à sa déprime : Heaven, un monde parallèle reproduit, grandeur nature et à l'identique du nôtre, par un génie du métavers, Adrien Sterner.


Chronique piquée d'humour de ce que le numérique a déjà fait de nos vies, cette histoire extrapole le monde contemporain jusqu'à la dystopie, nous projetant dans le vertige de ces transformations à venir, dont nous nous doutons qu'elles seront majeures sans encore être capables de les appréhender. Au milieu des autres addicts aux écrans et au scrolling, englués avec leurs followers, leurs selfies, leurs likes et leurs posts dans la toile des réseaux sociaux, Julien vit « ensemble et séparé », connecté mais solitaire, hypnotisé par un mirage continu d'images affadissant un quotidien qui ne lui fait plus envie. Lorsqu'il découvre « une planète B virtuelle où tout est bien meilleur que chez vous », un métavers à taille réelle rendu habitable par la 3D et la réalité augmentée, par les avatars et les casques de réalité virtuelle, il se transforme en hikikomori du futur. Sans plus aucun désir de sortir de cet univers où ses succès, entre argent facile en crypto-monnaie et célébrité acquise en y écrivant des poèmes, n'ont aucune commune mesure avec ses déboires dans la vie réelle, il s'y immerge jusqu'à s'identifier à son reflet numérique : Julien devient son avatar Vangel.


Aussi terrifiant que fascinant, drôle et imaginatif, un brin caricatural, le récit pose de nombreuses questions : très humoristiquement, comme au travers de ce débat fictif sur l'avenir de la littérature, entre Alain Finkielkraut et Frédéric Beigbeder à La Grande Librairie ; mais aussi plus largement, sur des sujets métaphysiques. Comment expliquer le besoin d'un substitut virtuel si semblable au monde réel ? Tel le dieu de son Antimonde, Adrien Sterner se contente d'abord de mettre son Eden à la libre disposition des avatars, mais déçu par la médiocrité sans imagination de ces pâles copies d'humains qui reprennent tous nos travers, il se mue en dieu biblique, jaloux et vengeur, distribuant capricieusement faveurs et châtiments. Au milieu de tous ces zombies soumis comme des marionnettes à leur démiurge, un seul trouve toutefois le moyen d'affirmer son libre arbitre : Julien, au travers des poésies contestataires de son avatar, et, dès le préambule du récit, par son suicide retransmis en direct sur les réseaux sociaux.


Moralité : s'il est vrai que « les livres inventent, à leur manière, une réalité virtuelle » et qu' « imaginer des antimondes » est « la définition même de la littérature », ils sont aussi cet irremplaçable vecteur d'une liberté de pensée et d'expression que les technologies les plus puissantes, même aux mains des pires dictateurs, ne pourront jamais museler. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Le roman de Nathan Devers, "Les liens artificiels"(Albin Michel) inscrit sur le liste du prix Goncourt est l'un des moins mauvais romans français de la rentrée littéraire 2022.


N'en déplaise aux critiques négatives, respectables pour celles qui sont sincères, l'auteur fait montre de l'intelligence du pessimiste raisonnable par la description de la désolation du monde tel qu'il est et où il va - des travers du métavers à la folie de ses adeptes ignorants et subsistant par procuration.


L'objectif de Nathan Devers n'était pas d'écrire un essai philosophique, ou de plagier Michel Houellebecq, mais de montrer, au moyen d'un roman facile à lire, bien écrit , clairvoyant et distrayant, une réalité atrocement effrayante et détestable.


Je conseille ce livre de ce jeune auteur particulièrement brillant.


Bonne lecture.


Michel


Lien : https://fureur-de-lire.blogs..
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**** Rentrée Littéraire 2022 #6 ****

L'auteur, est né à la fin des années 90, et appartient à la première génération qui n'aura pas connu le monde sans les écrans. Qui aura découvert le réel à travers le virtuel. Une génération ensemble et séparée. Tout le monde est connecté, tout le monde est solitaire.

Nathan Denvers commence son roman par une scène paradoxale. En direct, sur facebook, dans le plus grand silence, Julien ouvre la fenêtre de son appartement, regarde sa caméra en selfie et se suicide. le suicide, c'est l'acte par excellence de l'autodestruction, et le selfie, c'est l'acte par excellence de l'affirmation de soi. Une mort à la fois en s'affirmant et en s'autodétruisant, à la fois sur les écrans et sur la vie, la mort elle-même est virtualisée. Une banalisation du mal.

Débute ensuite une analepse. L'histoire de deux hommes qui ne se connaissent pas et qui n'ont rien en commun. D'une part Julien Ribérat, un jeune homme qui a presque 30 ans, et déjà au bout de sa vie. Il est professeur de piano et ne supporte plus son métier. Il rêve d'être chanteur et pour couronner le tout il devient addict aux écrans. Il passe sa vie à sroller sur les réseaux, avec un sentiment de plus vivre. Et d'autre part, Adrien Sterner, le grand architecte du monde de demain, qui au contraire est une sorte de milliardaire prophétique, qui passe sa vie à relire la bible, plus particulièrement le nouveau testament, surtout l'apocalypse de Jean. Ce texte qui exprime la naissance de l'idée de paradis dans l'histoire de l'occident. Visionnaire, un peu à l'image de Steve Jobs, d'Elon Musk, de Zuckerberg et qui est l'inventeur de « l'Antimonde ». le premier métavers grandeur nature. Une plateforme virtuelle en 3D immersive, qui réplique la totalité de la planète terre auquel on accède en mettant un casque de réalité virtuelle, une combinaison, et qui permet de vivre une seconde vie à travers son avatar, dans un monde totalement virtuel, inexistant. Une vie plus folle, plus libre, plus riche, exploiter des perspectives qu'on n'a pas dans notre vraie vie.

L'auteur nous dresse le portrait de notre génération où le virtuel et le réel se réverbèrent, se mélangent, s'inversent et se pénètrent l'un l'autre sans cesse. Et même si technologiquement, le métavers est quelque chose de nouveau, ça ne fait que réactiver la pulsion la plus ancienne qui soit de l'humanité, la plus enracinée dans la condition humaine... le désir d'ailleurs, le désir de paradis, le désir d'une autre réalité et qui s'exprime dans la religion à travers le paradis, d'inventer un autre réel.

« Les liens artificiels » est un roman vertigineux, à la dimension de questionnement philosophique, à la fois poétique, musical, et apocalyptique avec une touche d'humour. La poésie et la musique occupent une place très importante à travers l'histoire de ce Julien, un peu poète, qui rêve d'être chanteur, et grand admirateur de Gainsbourg. L'apocalypse du réel à travers ce métavers, cette époque qui dépasse l'empire de la réalité et qui en finit avec les choses pour les remplacer par des mirages, par du fake, par des hologrammes, par des écrans etc... et apocalyptique aussi parce que l'apocalypse biblique est très présente dans le roman.

Au travers de ce roman, le rôle de la littérature est de se compromettre, de sortir de son espace naturel, d'aller là où elle n'a pas sa place, de se frotter à ce qui la menace. A l'heure où l'on dit toujours que les écrans menacent peut-être la lecture, menacent peut-être les livres, il est important de réconcilier les écrans et les livres. Malgré un sujet antilittéraire, Nathan Denvers essaie de faire sortir le roman de sa zone de confort, pour l'emmener là où il ne pouvait plus aller.

Cette histoire et une comédie racontée par un homme qui pleure, ou une tragédie racontée par un homme qui rit. Un peu comme les clairs-obscurs en peinture. C'est un livre « triste-drôle » à la fois.
A tous les rêveurs, à tous ceux qui ne sont pas satisfaits par la réalité, qui rêvent d'une autre vie, d'une autre identité, d'assouvir des rêves, une part d'eux-mêmes qu'ils n'ont pas pu accomplir et réaliser dans leur existence concrète. A tous ceux qui sont imprégnés dans l'océan des écrans, dans le tsunami des réseaux sociaux, dans ce monde de like, ce monde de story, de compte, d'ami virtuel, qui peuvent avoir l'impression d'une façon tout à fait naturelle que c'est un peu les livres contre les écrans. Quand on n'est un peu comme ça imprégné par les écrans, qu'on n'a pas l'impulsion naturelle d'aller vers un roman où on peut avoir l'impression que c'est un peu l'un contre l'autre. Avec « Les liens artificiels », Nathan Devers réussit à faire rentrer les écrans dans les livres, et faire sortir les livres d'eux-mêmes pour aller vers les écrans....un gros coup de coeur !
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Julien Libérat est un puaniste talentueux mais en mal de notoriété, il n'a réellement jamais percé dans le monde de la musique...
Appaté,comme beaucoup d'autres utilisateurs des réseaux sociaux, par le metavers Heaven, il va très rapidement y prospérer à coups d'investissements judicieux dans la crypto-monnaie, son avatar Vangel y devenant une des personnes les plus influentes...
Un scénario digne d'un épisode de Black Mirror, où toute ressemblance avec l'avènement des réseaux sociaux et Méta de Facebook n'est pas fortuite...
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Julien Libérat, la trentaine désabusée vit de petits boulots dont celui d'animateur pianistique chichement rémunéré d'une petite boite de nuit et de quelques cours particuliers qui satisfont plus les parents que les élèves. En dérivatif à sa déprime, il découvre un monde parallèle, « Heaven », un métavers imaginé par Adrien Sterner dans lequel il s'engouffre et agit en tant que Vangel, avatar qui va lui permettre de vivre des aventures extraordinaires. L'imagination délirante de l'auteur est bourrée d'humour et pose des questions débattues entre autres par Beigbeider et Finkielkraut à la grande librairie de Bunel. Monde virtuel, antimonde, planète B dans laquelle on peut s'épanouir mais aussi se perdre. Très bon roman débouchant sur des question existentielles contemporaines parfaitement envisagées par l'auteur.
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"L'Antimonde leur offrait la possibilité d'avoir une vie privée à l'intérieur de leur vie privée. Si bien qu'au soir où il s'y inscrivit, Julien n'était que le énième représentant d'une tendance globale : rebaptisé Vangel, voici qu'il rejoignait la contre-société croissante où se réunissaient les déçus du réel."

Un très bon récit satirique, très bien écrit. En plongeant son antihéros en plein métavers, Nathan Devers se livre à une critique de la société actuelle ultraconnectée, en fait peut-être tout simplement ultramalheureuse.

Un bon moment de clairvoyance !
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Brillant ! Parmis ceux de la liste que j'ai lus, celui-ci aurait pu faire un bon Goncourt 2022 !
L'auteur, Nathan Devers n'a que 24 ans; il est normalien, agrégé de philo et publie avec Les Liens artificiels son 4ème livre. Ce n'est pas vraiment de la science fiction, ni même de l'anticipation, c'est une sorte d'anticipation à la Houellebecq. D'ailleurs un internaute l'a traité de sous-Houellebecq. Et bien moi je le qualifierais plutôt de Houellebecq augmenté: plus fin, plus drôle (enfin différemment drôle), plus romanesque, plus fluide. Devers décrit lui aussi une société occidentale à bout de souffle agonisant (croyant s'évader) dans le metavers, qualifié d'antimonde. le trait de génie de Devers ce n'est pas avoir imaginé un monde virtuel idéal ou dystopique mais un monde virtuel identique au monde réel mais encore plus décomplexé en raison de l'anonymat des avatars. Isolement, narcissisme, quête d'identité, star system, malgré les thèmes apparemment futiles, le questionnement est profond. Mais Nathan Devers a de l'humour et le bon goût de se moquer d'abord de lui-même. Il réalise de mon point de vue un ouvrage haut de gamme, passionnant mais populaire. Une sorte de roman philosophique pour les nuls. Que diable n'a-t-il pas eu au moins le Goncourt des Lycéens ?!
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Alors que le sujet des geeks évoluant dans un monde virtuel et le métavers n'avait rien pour m'attirer je me suis laissée prendre au jeu.
Avec "Les liens artificiels" Nathan Devers montre qu'il maîtrise parfaitement un thème d'actualité à l'époque où Marc Zuckerberg présente le métavers comme le futur d'Internet même si les Français Canal+ et Cryo avaient déjà posé les bases d'une société virtuelle en ligne avec le deuxième monde, à la fin du 20ème siècle.
Dans ce roman nous avons affaire à une sorte d'antihéros Houellebecquien, Julien Libérat, qui se suicide en direct sur Facebook alors qu'il n'a pas atteint les trente ans. Je ne dévoile rien puisque l'on connaît la fin dès l'introduction. Pianiste professionnel qui a du mal à finir ses fins de mois et parfois même à les commencer, sa rupture avec May, avec qui il a vécu cinq années, a renforcé son addiction aux écrans.
Un peu par hasard, il va adhérer à l'Antimonde. Ce n'est pas vraiment un jeu mais un monde virtuel qui offre la possibilité d'avoir une vie privée à l'intérieur de la vie privée. Rebaptisé Vangel, julien va rencontrer le PNJ de Gainsbourg et autres avatars des déçus de la société.
Après avoir réussi dans la spéculation immobilière Vangel deviendra poète, riche et médiatisé, à l'opposé de son créateur. La Contre-société, le réseau social de l'Antimonde, lui permettra d'être adulé sur la terre entière. Vangel rencontrera même l'avatar de François Busnel dans la contre-émission de la grande librairie. L'illusion des liens artificiels atteint sa perfection en se confondant avec la réalité. On s'en doute un peu connaissant la fin.
J'aime beaucoup la façon dont Nathan Devers raconte cette histoire aux multiples rebondissements. Si le métavers est un enjeu de société, il n'en demeure pas moins que l'auteur dévoile les ficelles de manipulations à des fins mercantiles qu'il faut être bien naïf pour ne pas comprendre. La construction de ce roman est particulièrement intelligente et ce n'est pas de l'intelligence artificielle…
J'ai lu ce livre en avant-première en tant que jury du 21ème Prix du roman Fnac pour la rentrée littéraire 2022 et j'ai apprécié cette découverte.
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AUDACIEUX
Julien Libérat, jeune artiste s'installe en lisière de Paris, à Rungis, là où le loyer est moins cher. Il arrondit ses fins de mois en jouant du piano au PianoVache.

Après une période de confinement, ses doigts dansent sur le clavier pris sous l'emprise du syndrome de l'imposteur. Il végète entre un bullshit job et des rêves de célébrités.

Julien, pris dans le séisme d'une séparation, dont les hurlements et les promesses non tenues ont achevé son couple, se met à scroller pendant des heures sur Facebook.
Dans cet immense champ de solitude et de désolation, il découvre un nouvel univers, le metavers.

Alors qu'en 2000, sous la plume de Niel Stephenson, le metavers n'en est qu'à ses balbutiements, Adrien Sterner invente l'anti-monde Heaven, un réseau de liens artificiel s rempli de promesses de paradis.

L'anti- monde renverse les fondements mêmes de notre civilisation, Adrien Sterner devient le créateur d'un nouveau monde, un dieu vivant.
Julien s'y engouffre. Julien vit à travers Vanger, son double. Vanger capitalise, écrit des poèmes et découvre un univers effroyable...

Un roman original et audacieux, entre réalité et metavers, à la lecture addictive!

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Une part de sociologie mêlée de philosophie dans notre modernité déviante et naît cette dystopie « les liens artificiels ».
Julien se suicide en direct sur les réseaux sociaux. Suite à des ratés (pour ne pas le réduire à ce terme), il se réfugie dans le monde virtuel, le metavers, où il trouve les remèdes aux symptômes de sa génération.

Ne vous fiez pas à la couverture, c'est très moderne ! Personnellement, l'illustration m'avait dans un premier temps rebutée, même si elle est merveilleusement bien pensée.

C'est un roman étonnant pour une sélection Goncourt tout comme l'Anomalie d'Hervé le Tellier en 2020, qui l'a remporté ! Il sort du lot par son sujet mais aussi par son écriture. Un style accessible pour aborder des sujets métaphysiques qui donnent à réfléchir. Mais en même temp un roman plein d'humour et de références.
Il mérite d'être lu, un livre qui ne parle pas de l'ego de son auteur, divertissant et enrichissant sur lequel on a envie de débattre.
A LIRE ABSOLUMENT
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