La plupart des romans racontent comment un individu affronte de nombreux défis, rencontre divers individus, bref comment il se nourrit et mûrit, comment il devient plus sage, même si c'est la désillusion qui lui tient lieu de sagesse.
«
Au loin » bazarde toutes les conventions du roman traditionnel. le héros fait du surplace, il voyage et se transforme sans rien engranger.
L'essentiel de l'histoire est un long flash-back et si à la fin la boucle est bouclée, celui qui se raconte tourne effectivement en rond: parce que la Terre est ronde et que partir
au loin revient à ne pas bouger, mais surtout parce qu'on n'est d'aucun pays sinon du pays où des gens vous aiment - encore faut-il en trouver. Hawk marche - beaucoup. Apprend - beaucoup. Et cela ne lui sert à rien. Venu de Suède, il parle l'anglais mais sans parvenir à se faire comprendre. S'Il se découvre un don pour soigner, ceux qu'il soigne ne guérissent que pour être tués en meilleure santé. Habile à tanner les peaux, il se fera un manteau d'arlequin qui l'éloignera plus encore du monde des humains. Tout ce qu'il sait et apprend ne le leste pas davantage qu'une valise vide.
Hawk se frotte parfois au monde des hommes et ne les comprend pas. Au rebours des romanciers qui mettent leur lecteur en surplomb, tel
Stendhal se moquant d'un Fabrice tellement plus naïf que ceux qui le lisent, Diaz nous met au diapason de son héros, que nous suivons sans comprendre davantage le monde où il se meut ni ce que les gens qu'il rencontre lui veulent. Étranger radical, Hawk n'a pas même de nom ; lui, dont le corps est incapable de porter vêtements ou chaussures, se terre dans ses fourrures et ses tunnels et semble moins vieillir que remonter vers l'animal primordial.
D'où vient alors que cet ours grisonnant et mal léché nous donne une telle leçon d'humanité?