Puisqu'il est question aujourd'hui de la suite de Blade Runner, sortie au cinéma ce mois-ci, nous allons remettre un peu ce bon vieux Philip à l'honneur. Il y a quelques temps, je vous parlais de Radio Libre Albemuth, le préquel à
la Trilogie Divine dont SIVA est le commencement. Les deux romans sont étrangement liés puisque là encore,
Philip K. Dick part de son expérience personnelle et mélange réalité subjective et fiction dans un récit schizophrène où deux protagonistes se disputent la personnalité de l'auteur.
Encore une fois, la réalité se couvre de voiles, de surimpressions, de métaphysique et de mysticisme, mais dans SIVA c'est Dieu qui lui vole la vedette. C'est autour de la religion que se tourne ce récit, sous forme de dialogues, principalement, entre sceptiques et catholiques, délirants et raisonnables.
Pour ne pas sombrer dans la folie après son épisode mystique incompréhensible et intense, Fat se lance corps et âme dans la question de Dieu, de la vie et de la mort, de la folie et du glissement de réalité. le récit évolue au fil des nouvelles théories, et évidemment, on y voit le prélude parfait à l'Exégèse, qu'il cite allègrement dans ce livre par fragments entiers. Ce serait donc plutôt un prétexte pour placer là les nombreuses réflexions qui ont alimenté la vie de
Philip K. Dick au cours des années 70 jusqu'à sa mort - sachant que l'Exégèse n'était pas à la base destinée à être publiée et que c'est pourtant l'oeuvre majeure de l'auteur, puisque la plus intime, la plus poussée, la plus aboutie (et la plus absurde).
Le point d'orgue arrive lorsque les personnages principaux se rendent au cinéma pour voir le film SIVA, sorte d'OCNI improbable aux messages subliminaux qui reprendra énormément de détails de l'expérience divine vécue par Fat. C'est à ce moment qu'ils décident de rencontrer les réalisateurs et se retrouvent heurtés à une famille d'illuminés déjantés. Pour le meilleur et pour le pire.
En bref, c'est un roman hautement personnel, plutôt théorique, où il y a finalement peu d'action - en quelque sorte, un serpent qui se mord la queue continuellement (ceux qui ont déjà mis un pied dans l'Exégèse n'en seront pas étonnés, on dira même qu'ils sont déjà plus que rodés ; pour les autres, eh bien, ce sera peut-être une révélation ?) On pourrait dire que c'est le jumeau de Radio Libre Albemuth, dont certaines parties sont reprises ici dans le film, créant une mise en abyme qui appuie d'autant plus sur l'idée de réalités parallèles et de temps superposés. Et peut-être est-ce que cela réussit plutôt bien à
Philip K. Dick, car c'est dans l'autobiographie que son écriture est la plus poussée, la plus réfléchie, et qu'il fait le plus preuve d'humour. On y voit quelqu'un qui se prend à la fois trop au sérieux et pas du tout, quelqu'un qui aurait surtout aimé avoir des réponses, quelqu'un qui a l'amour de la recherche, de la réflexion, de l'analyse, quelqu'un qui croit sincèrement à ce qu'il écrit dans ses livres, même les plus fous. Quelqu'un de pathologiquement atteint par l'absurdité de la vie et dont la possibilité d'une intelligence supérieure bienveillante qui l'emporterait sur le mal absolu est le seul salut.
Thérapeutique, dingue, éclairé, désespéré, addictif et impossible : voilà qui résumerait bien ce premier tome de
la Trilogie Divine. A suivre, donc, avec l'Invasion divine.
(voir la critique intégrale sur le blog)
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