AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,68

sur 1626 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je viens de terminer la lecture de ce " petit roman " et , bien sûr , comme après chacune de mes découvertes, me voici à m'interroger sur mon ressenti , sur les émotions qui ont pu ( ou non ) m'envahir..
Tout d'abord , la première des choses qui m'a interpellé avant même de commencer , c'est de savoir que ce roman a obtenu " le Goncourt des lycéens ." Bon , je sais , les prix , c'est comme les feuilles mortes , ça tombe en automne , ça fait des tas et ça donne du boulot pour les ramasser . Bref , un prix , ça ne veut pas toujours dire grand chose , l'aspect économique et les querelles des maisons d'édition pour " attraper la queue du Mickey " passant parfois avant l' intérêt du lecteur . C'est comme ça , si on se ruait un peu moins vite vers les " récompensés " , on verrait sans doute mieux les pépites souvent dissimulés par les gros arbres ...Bref , je reviens au prix des lycéens. Si je ne m'abuse , il s'agit d'un prix attribué par des lecteurs et même de jeunes lecteurs de première ou terminale , des lecteurs " neufs " , pleins de verve , d'envie de savoir , d'envie de connaître le monde dans lequel ils vont vivre , soucieux d'un avenir qu'on leur prédit bien sinistre..Alors , oui , nous en sommes parfois un peu (beaucoup ) jaloux de ces " petits cons " que nous avons nous - même été ....ouhlà là , ça fait tant que ça..??? Sauf que les " petits cons " en question ( Oui , ça peut choquer mais à leur tour, un jour , hein...) quand on leur confie la tache de décerner un prix , ils ne s'embarrassent ni de préjugés, ni de contraintes économiques et n'ont pas de " chouchou " . Il faut les voir aller discuter avec les auteurs , questionner , critiquer lors des fêtes du livre . Cet âge est sans pitié ."Un spectacle" que j'ai pu observer à Brive . Et le " Goncourt des lycéens " c'est un prix attribué avec les " tripes " de tous ces citoyens en herbe , et , à mon avis , c'est toujours un bon roman...
Bon , là , des lecteurs facétieux pourraient dire qu'ils l'ont choisi parcequ'il était court . Oui , bon , je n'insiste pas , ce serait de mauvais goût, même si , parfois , et je l'ai vu , "la longueur" d'un ouvrage peut être source de découragement....
Je vous ai dit que le lauréat , ils allaient le chercher avec leurs tripes et , le moins que l'on puisse dire , c'est que cet ouvrage n'en manque pas . La tranchée libère des hommes dont les tripes vont s'étaler dans les franges boueuses du champ de batailles . Scènes choquantes , violentes , insoutenables dans un début d'histoire poignant raconté par un tirailleur sénégalais dont la raison va vaciller lorsque son ami , son autre moi , va succomber dans ses bras après d'atroces souffrances qu'il n'a pas voulu , pas pu abréger malgré les supplications.
Et la violence va encore déferler lorsque le devoir va céder la place à la vengeance . L'humain perd de son aura , " les dents claquent , des auréoles teintent les pantalons " , la guerre racontée ainsi frappe au plus profond et l'horreur qu'elle retrace ne peut que toucher des jeunes qui , dans leur grande majorité, n'en veulent pas , heureusement ...Les anciens ne sont plus là pour raconter , pour rappeler les valeurs , le temps apaise les souffrances , les souvenirs s'estompent et ...le danger , sournoisement , fait son oeuvre .
Dans ce roman , il me semble y voir tout ça , une foison d'idées exprimées par la transcription sur le papier d'une légende africaine orale qu'il ne faut pas oublier , de codes d'honneur .... Oui , c'est parfois redondant , répétitif , comme une litanie obsédante qu'on aurait envie de chasser de soi mais qui nous protégera tant que nous l'entendrons . La " sagesse africaine " .
Les jeunes ( petits cons dont j'ai parlé plus haut ) ont tous un air bravache pour nous ressasser ces " je sais , je sais " qui nous irritent tant mais ils ont une énorme faculté , celle de puiser , ensemble , les idées qui les façonneront dans des livres comme celui - ci , car je crois qu'ils se reconnaissent dans la vie d'Alpha avant la guerre , dans les premiers émois....
Le style , brutal , sied au message , me semble - t- il .On peut aborder ce court ouvrage sous bien des angles il offre tant d'ouvertures que je voudrais bien être le témoin d'une discussion de lycéens à son sujet , je crois que nous en tirerions bien des enseignements , voire de belles surprises .
Allez , maintenant , on attend les " prix " .Vous l'avez compris , ils ne m'intéressent pas , sauf l'incontournable " Goncourt des lycéens ".
Commenter  J’apprécie          11119
Ce livre m'a été offert par mon chéri. Il ne m'offre jamais de fleurs mais des livres, c'est moi qui préfère, "Parce que les fleurs c'est périssable", "puis les" bouquins "c'est tellement" bien...

"Frère d'âme" est un roman sur la Guerre Mondiale, la première, celle des tranchées et des tirailleurs sénégalais, mais pas que...

Alfa Ndiaye vit dans une petite ville du Sénégal quand son ami Mademba Diop, son frère choisi, son "plus que frère", légèrement influencé par le bourrage de crâne de l'école française, décide de se porter volontaire pour rejoindre les tranchées et défendre la Patrie. Alfa le suit dans ce choix qui pour eux est un passeport pour la liberté : s'ils rentrent sains et saufs, l'argent gagné leur permettra de travailler et de vivre une vie décente.
Nous suivons donc les deux frères dans cette guerre infâme, où la boue et le sang se mélangent, où la peur s'insinue dans la moindre parcelle de l'être, où survivre devient le seul credo, où survivre signifie parfois devenir sauvage jusqu'aux limites même de la raison.

L'écriture est très belle et poétique. Entre les lignes paraissent quelques vérités cachées sur cette comédie qu'est la guerre, sur son hypocrisie dans l'utilisation des colonies, grandes pourvoyeuses de "chair à canon".
Plus qu'un roman de guerre c'est un roman de guerre et d'amour, l'amour d'un frère pour un autre. de l'amour à la mort, quand la guerre s'en mêle, il y a moins que la largeur d'une tranchée. du désespoir à la folie, il y a moins que la portée d'un fusil.
Doux et subtil, ce roman dénonce très adroitement la folie démesurée de la Guerre.
Commenter  J’apprécie          10610
Voici un roman à la beauté époustouflante lu d'une traite .
Il nous plonge au coeur de la terreur, dans les tranchées de la Grande Guerre, vues par un tirailleur sénégalais .
Ce très beau récit, puissant et déchirant à la fois montre la capacité de l'homme à se surpasser "parfois "dans la violence , ce sont les circonstances qui réveille ces pulsions sanguinaires ....
Un matin de la grande guerre , les soldats s'élancent à l'assaut de l'ennemi allemand sous les ordres du capitaine Armand .
Alfa Ndiyae et "son plus que frère" , Mademba Diop : (ils ont été élevés ensemble ), deux tirailleurs sénégalais jaillissent de leur tranchée , enrôlés dans la guerre , de la chair à canon.....venue d'un autre continent ....
Soudain Mademba tombe , blessé à mort sous les yeux d'Alfa, son presque frére .....

Dans l'horreur ambiante , bouleversé par la mort de Mademba : " Les tripes à l'air[ ....], comme un mouton dépecé par le boucher rituel après son sacrifice ...."
Alfa se retrouve seul dans la folie du massacre.
Sa Raison s'enfuit .
La colére et la rage deviennent le moteur de ce survivant , " dévoreur d'âmes " , prêt à massacrer quiconque se trouvera sur son chemin....
Détaché de tout, devenu fou par la douleur, Alfa sème l'effroi , tue tant qu'il peut, coupe des mains comme s'il cueillait des fleurs, chacun de ses camarades prend peur....
" Dans le monde d'avant , je n'aurais pas osé , mais dans le monde d'aujourd'hui , par la vérité de Dieu , je me suis permis l'impensable ...." .
L'auteur dans une belle langue simple , délicate , imagée , ponctuée de temps très forts , qui colle parfaitement au trouble de son héros donne voix à ce soldat,, plus lui- même, perdu par la douleur et l'aveuglement , désemparé et sanguinaire ....
Il redonne vie à ces milliers d'hommes ces "Chocolats d'Afrique Noire ", jamais entendus jusqu'alors ou si peu qu'on envoyait se faire trouer la peau au coeur d'un conflit qui n'était pas le leur ....

Revenu à l'arrière , Alfa se remémore son enfance et son amour pour sa belle ....

Cet ouvrage est aussi une réflexion à propos de la violence et de l'amitié absolue, au delà de tout , peut être aussi, un questionnement sur les rapports ambigus entre la France et l'Afrique coloniale, à la fois lointaines et proches ....
Un Trés Bel Ouvrage , ce n'est que mon avis bien sûr .
Commenter  J’apprécie          10421
Incantatoire, itérative, douloureuse, lancinante, est la complainte d'Alfa pleurant Mademba, mort sur le champ de bataille. Nous sommes pendant la Première Guerre mondiale, les deux amis se sont engagés aux côtés de leurs frères tirailleurs sénégalais. Dans la grande boucherie, parce que Mademba est mortellement blessé, Alfa perd la raison dans son refus d'achever son presque frère. Il tue désormais comme « un sauvage », mutilant l'ennemi aux yeux bleus, en un rituel sacrificiel. Ainsi sorcier maléfique pour ses camarades, craint pour sa force et sa déraison, Alfa est éloigné à l'arrière, où âme égarée sans fin il devient son seul véritable ennemi.

N'aura-t-on jamais fini d'écrire sur le mal absolu de la guerre qui tue et rend fou ? Non probablement, et c'est nécessaire car la mémoire des hommes est courte. Ici David Diop, dans un chant prégnant et beau (si ce n'est l'abus de la répétition, donnant parfois un sentiment de lassitude), rend un hommage à nos frères noirs — près de 200 000 Sénégalais des troupes coloniales, engagés dans une des guerres les plus absurdes et meurtrières.
Commenter  J’apprécie          833
"Que saviez-vous des querelles
Que réglaient en miaulant
Les fusants et shrapnells
Ces inventions de blancs
Hommes noirs tombés en Flandres
Dans la neige de chez nous
Qui pour parler à vos cendres
Se met jamais à genoux
Vous êtes comme une brique
Par grand vent tombée du toit
Vous qui cherchiez votre Afrique
Dans le soleil de l'Artois
Vos chansons se sont éteintes
Comme des feux trop légers
On n'écoute plus les plaintes
Quand les mots sont étrangers"

écrivait Louis Aragon,  après la Grande Guerre , dans son Cantique aux morts de couleur.

A ce cantique, David Diop répond par les litanies de la folie et la parabole de l'amitié.

L'envoûtement  maléfique du griot , dans Frère d'âme,  se mêle à la sagesse du conte africain, l' incantation du mal à un  dictame d'humanité. 

Le conteur est un  tirailleur sénégalais , Alfa Ndiaye, beau, fort et bon, que la guerre absurde et meurtrière de 14-18 et la mort de Mademba Diop, son meilleur ami, son plus que frère, ont transformé en bête fauve.

Une bête qui a appris à penser, à se rebeller, à opposer sa brutalité sacrificielle à la boucherie absurde, commandée au sifflet, de la guerre de tranchées. 

Jusqu'à inspirer l'effroi aux siens, jusqu'à inquiéter ces chefs qui n'hésitent pas à faire abattre leurs propres hommes "pour l'exemple". 

Alfa devient le noir tueur de l'ombre, celui qui terrorise, qui éviscère et qui mutile l' ennemi aux yeux bleus, Comme s'il fallait dénoncer la folie guerrière par une forme encore plus raffinée, plus absurde,  de cruauté. 

Alfa est un  fauve  qui tourne sur lui-même dans sa cage intérieure, en creusant toujours un peu plus le sillon de ses phrases jusqu'à retrouver, derrière la sauvagerie que la guerre a imprimée à ses pensées , à ses mots et à ses gestes,  son autre lui-même, enfoui en lui, sous la musculature du guerrier, sous le masque du "dëmm" dévoreur d'âmes, sous la violence du dépeceur de corps, son double aimé, aimant, pensant - et sage.

Mademba Diop. Son plus que frère. Son double.

Car tout homme  est double, et si la guerre est une mauvaise folie qui transforme l'homme en créature farouche que rien ne semble toucher ou atteindre, l'amitié est sa part noble, sa fragilité, sa vulnérabilité. L'amitié est  la cicatrice qui rend le monstre  humain.

Et toute cicatrice raconte une histoire.
Une histoire moins simple qu'il n'y paraît.
Car toute histoire est double.

On lit ce court récit, lancinant et répétitif, avec une sorte d'horreur fascinée - et peu à peu se libère, derrière une barbarie candidement assumée, par la magie incantatoire de la langue, une étrange sagesse, une sagesse étrangère :   toute celle de l'Afrique, avec ses rites, ses devoirs, ses musiques, ses couleurs, ses odeurs - sa sensualité, son humanité et son immense poésie.


Commenter  J’apprécie          674
Si Alfa Ndiaye, notre protagoniste et narrateur a décidé de rejoindre la France afin de combattre aux côté des français blancs durant la Première guerre mondiale, c'est parce que son plus que frère sénégalais, comme lui, Mademba Diop, voulait voyager. Aussi, Alfa l'a-t-il suivi, s'engageant dans une guerre qui ne le concernait pas, comme tant d'autres et ce quel que soit le camp, mais il ne pouvait pas abandonner Mademba.
Pourtant, si il a accepté de le suivre dans l'enfer des trachées, Alfa aura été lâche : lâche de ne pas avoir abrégé les souffrances de son ami lorsque celui-ci, à trois reprises, lui a demandé de l'achever afin d'abréger ses souffrances. Et pourtant "par la vérité de Dieu"; Alfa aimait plus que tout son plus que frère mais il n'a pas pu l'achever : il a remis tout le dehors de son ventre qui s'étalait en plein jour à côté de lui à l'intérieur et il a porté son ami jusque dans les tranchées. Aussi, dans un premier temps, Alfa a-t-il été considéré comme un héros parmi ceux, noirs ou blancs, à côté desquels il se battait. Mais plus fort que tout, suite au chagrin, est venue la rage et la colère puis le désir de vengeance. Alors que Mademba ne lui demandait qu'une chose : le butter afin qu'on en finisse au plus vite, Alfa, lui voudra venger la mort de son ami pour lequel il n'a pas pu exaucer la dernière volonté. A la question de savoir à quoi ressemblait ce "fils de pute" qui l'a tué, Mademba répondait simplement qu'il était petit aux yeux bleus. Lui que l'on a envoyé sur le front avec l'ordre de tuer sans penser à réfléchir au pourquoi il le faisait, Alfa sait dorénavant qu'il veut tuer un ennemi, petit aux yeux bleus. C'est ce qu'il entreprend de faire mais en y rajoutant un jeu macabre qui va effrayer plus qu'autre chose ses camarades. Il se fera un devoir chaque soir, alors que les combats ont cessé, de trouver un ennemi encore réveillé et de le tuer en rapportant dans ses tranchées le fusil ennemi avec la main, découpée au coupe-coupe qui la tenait. Jusqu'à la troisième main rapporté au camp, Alfa était salué par les siens, bichonné et traité en héros mais à partir de la quatrième main, on commença à le craindre, à l'éviter, le considérant comme celui qui apportait la mort et dévorait les âmes.

Un roman extrêmement fort et poignant, dans lequel on ressent bien toutes les atrocités de la guerre, parfois même à vous donner la nausée. Ce qui fait le plus sur cet énième roman sur la Première Guerre mondiale, c'est que cela parle du peuple sénégalais, qui s'est engagé, en tant que colonie française, aux côtés des forces de la métropole et que les souvenirs des protagonistes nous en apprennent plus sur les conditions de vie au village en ce début de XXème siècle. Un livre extrêmement bien écrit quoique très dur mais à découvrir et à faire découvrir car, même 100 ans après, l'on se doit de se souvenir !
Commenter  J’apprécie          661
Court roman particulièrement dense, qui ne se contente pas -si j'ose dire- de dénoncer la violence de la guerre mais qui nous interroge sans jamais simplifier son propos sur notre humaine sauvagerie.
Nous entrons par effraction dans la tête d'Alfa, Africain non francophone dont la prose rythmique cherche à nous défamiliariser d'avec notre langue ("Frère d'âme" a reçu l'International Booker Price qui récompense à égalité l'auteur et sa traductrice); à nous faire perdre nos repères comme Alfa a perdu les siens: loin de son pays, de sa langue, et maintenant de son meilleur ami qui vient de mourir entre ses bras en l'insultant pour l'avoir laissé agoniser sans lui donner le coup de grâce.
Alfa va alors se raccrocher à ce qu'on attend de lui, puisqu'on l'a ramené d'Afrique pour épouvanter les Allemands: sauvage et éploré, il torture des ennemis et rejoue la mort de Mademba en espérant se racheter, car les ennemis, eux, il les égorge, pour à la fois leur faire connaître et leur épargner l'abominable souffrance de son ami. Il leur coupe aussi la main, rapportée dans la "tranchée" comme un trophée, ignorant qu'il reproduit la punition infligée par Léopold II, roi des Belges, aux esclaves insuffisamment productifs.
En effet, à la sauvagerie du Noir exotique que l'armée française a muni d'un coupe-coupe répond en écho celle des officiers qui font tirer sur leurs propres hommes pour asseoir leur autorité. Mais l'Afrique n'est pas exemptée de tout reproche: si Alfa s'est engagé, c'est aussi parce que les coutumes interdisent aux garçons et filles d'une même classe d'âge de tomber amoureux; et si Mademba est mort, c'est sans doute parce que les plaisanteries rituelles échangées entre un Diop (Mademba) et un Ndiaye (Alfa) l'ont humilié et rendu fébrile.
Le Sénégal désormais perdu où se réfugie Alfa en pensée n'est donc pas un paradis. Les filles ne peuvent y choisir qui elles veulent aimer et c'est cette cruauté originelle qui va ensauvager la fin du roman.
Alfa a rapporté 7 mains; le capitaine Armand a fait condamner 7 de ses soldats. Les 12 premiers chapitres racontent l'horreur des combats; les 12 suivants la paix à l'arrière? Mais l'humanité du docteur François ne peut plus rien pour Alfa l'homme fracassé, fracassé par la guerre mais dont les fêlures remontaient à son passé.
en refermant le livre, nous comprenons que la sublime langue du griot ne nous sauve pas du désastre.
Commenter  J’apprécie          594
Alfa et Mademba, amis d'enfance, font partie du contingent de tirailleurs sénégalais engagés sur le front de la Grande Guerre dans les rangs de la Mère Patrie.

Un jour de plus – un jour de trop –, ils sont envoyés à l'assaut de l'ennemi et jaillissent de leur tranchée avec leurs camarades. Mademba est fauché, et agonise dans les bras d'Alfa, qui ne trouve pas le courage de l'achever pour abréger ses souffrances. Alfa ne s'en remettra pas, rongé par la culpabilité et par une violence folle à laquelle il laisse désormais libre cours sur le champ de bataille. Au point de susciter l'inquiétude et la crainte des autres soldats et de la hiérarchie, et d'être envoyé « au repos » à l'arrière du front.

Mais la tête d'Alfa, incapable de trouver le repos et la paix, remonte sans cesse le temps pour nous raconter l'amitié des deux hommes et leur passé au Sénégal.

Monologue intérieur, litanie hallucinée, prière incantatoire, ce texte hypnotique est fait de répétitions circulaires qui se déploient en une spirale centrifuge à partir de la mort de Mademba. Sur ce noyau, ce noeud traumatisant, se déposent ainsi peu à peu, à rebours, les conséquences et les causes qui ont conduit les deux amis à quitter leur village et s'engager dans l'armée pour faire la guerre.

Charge virulente contre l'hypocrisie de la guerre « civilisée » et les codes d'honneur, ce texte est d'autant plus percutant qu'il est simple et concis, et même poétique, paradoxalement. Sans concessions, il montre la folie et la sauvagerie engendrées par la guerre et le désespoir.

Roman sur l'amitié, « Frère d'âme » interroge sur la notion d'humanité et rend une voix aux milliers de soldats africains des colonies françaises, utilisés comme chair à canon et quasiment oubliés de l'Histoire.
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          530
Je me suis rendue plusieurs fois à la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette , sur la commune d'Ablain-Saint-Nazaire dans Pas-de-Calais où reposent plus de 40 000 soldats tombés pendant la Grande Guerre, et à chaque fois, je me suis recueillie, longuement, dans le carré dédié aux Africains, imaginant leur histoire, peu de tombes sont identifiées...
Lecture difficile les premières pages, lourdes de sens, images prégnantes , terrifiantes. La lecture s'est poursuivie avec un intérêt grandissant . Alfa Ndiaye, le narrateur, nous décrit, avec ses mots, nous fait voir avec ses yeux, l'horreur de la guerre, et évoque avec nostalgie et poésie son pays natal et ses coutumes tribales.
Un regret, il manque plus de pages pour que Alfa nous en raconte un peu plus. Je pensais découvrir dans "Frère d'âme" plus de renseignements sur le sort de ces soldats sénégalais, qui furent, longtemps, trop longtemps, déconsidérés.
Commenter  J’apprécie          533
Guerre 14-18 entre le Sénégal, pays allié, et l'Allemagne. Un tirailleur sénégalais accompagnera son ‘plus que frère' vers la mort. Il n'aura de cesse de le venger, employant la violence extrême. Pas très engageant, n'est-ce pas ? Et pourtant l'écriture brute, est tellement envoûtante qu'il est difficile de ne pas le lire d'une traite. Une folie du fond des tranchées.
Commenter  J’apprécie          450




Lecteurs (3197) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3206 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}