germaine richier

C'est une femme de bronze, à la fois ferme et fragile, pensive et nerveuse, plantée dos à la mer et comme en suspens ,les hanches légèrement tournées sur sa gauche , comme si elle venait de percevoir un appel ou si elle attendait que quelqu'un, enfin, la rejoigne, les mains ouvertes, incertaines, vacantes et les pieds implantés, immenses, supportant des jambes maigres aux muscles hyper tendus. On la dirait prête à bondir vers l'avant et pourtant retenue, fragilisée par une espérance, une attente, un regret...

Elle s'appelle La Feuille, date de 1948.

Tout le talent magnifique de Germaine Richier s'y exprime. Elle me pétrifie d'admiration.

Préfacé par des plumes célèbres- ses amis poètes Cassou, Limbour, Mandiargues- illustré par les photos de grands photographes -Brassaï- et initié par quelques extraits de lettres, de sa grande écriture percutante et forte, le livre tout entier dit la vigueur créatrice de celle qui a forgé, littéralement, un univers de silhouettes mutantes - des hommes-arbres, des femmes-sauterelles, des femmes -ouragan et des hommes- orage, de fines formes acérées prises dans un réseau de fils de bronze qui dessine et souligne cette part primordiale de toute sculpture : le vide.

On découvre son talent de démiurge mais aussi des sculptures classiques, parfaites, sensibles et toujours intensément personnelles, qu'elle appelait "ses gammes".

Morte trop tôt, à 55 ans, Germaine Richier est un de nos plus grands sculpteurs contemporains. Femme, vraiment femme, et avec une telle virilité pourtant qu'on ne sait ce qu'il faut le plus saluer en elle: la créativité ou la puissance, l'imagination ou la violence.