Rebecca Laurin meurt quelques semaines avant de mettre au monde son quatrième enfant. Joseph son époux, embarque ses trois filles dans leur charrette durant leur sommeil, met le feu à leur maison et prend la fuite aussi vite qu' il le peut. Il veut quitter le Canada pour aller s'installer aux États-Unis, la où il pense que la vie est plus facile, la où d après lui l'argent coule à flots. Mais leur voyage sera un véritable périple, et lorsque Camille, la plus jeune de ses filles est blessée, renversée par un cheval, il est contraint de la laisser aux bons soins du Dr Lewis et de son épouse, avant de reprendre la route. Pour les deux aînées, l'exode est difficile à accepter et les conditions de vie qui sont les leurs, de plus en plus compliquées, sans parler de la personnalité très spéciale de leur père et de son goût prononcé pour la boisson.
Une lecture captivante, de multiples rebondissements et des personnages auxquels on s'attache. J ai hâte de lire la suite des aventures des soeurs Laudrin dans le second volet de cette saga familiale et historique, qui est très instructive sur les conditions de vie des canadiens qui ont émigré aux États-Unis dans les années 1880. Un très beau moment de lecture.
Commenter  J’apprécie         00
Tenant laborieusement sur ses jambes, Joseph ouvrit instinctivement les bras pour enlacer ses filles sans percevoir la raideur de son aînée ni les tremblements de la plus jeune. Encore moins le désarroi qui leur déformait le visage.
A la vérité, il se rappelait à peine son propre nom.
Enfant, Joseph adoptait très souvent un comportement marginal. Solitaire et renfermé, il se mêlait rarement aux jeux des autres garçons. Ou bien il y semait la zizanie, agaçant l'un, agressant l'autre, dérogeant constamment aux règles du jeu. Au bout du compte, il se mettait invariablement à bouder, réfugié dans un silence inexplicable.
Bien sûr, ses filles semblaient ne pas manquer de l essentiel, il voyait à ce qu' elles mangent et dorment au sec et en sécurité, mais son attention s arrêtait là. Leurs questions sans réponse, leur chagrin, leur déroute, leur désarroi, il ne les voyait guère, sans doute anéanti lui-même par son propre malheur.
Au fil du temps, ces femmes généreuses en vinrent à faire office de famille, cette famille perdue, morcelée, éparpillée qui, certains jours, semblait ne plus exister dans le coeur des jeunes filles.
Auprès de lui, elle se sentait devenir une femme. Et cette femme, belle et désirable, prenait le pas sur l'adolescente en révolte qu'on avait exilée là où elle ne voulait pas.
Micheline Duff, Mon cri pour toi