Ce tome est le premier de la série commencée après l'omni-crossover
Secret Wars (2015) de
Jonathan Hickman &
Esad Ribic. Il comprend les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2016, écrits par Gerry Dugan, dessinés par
Mike Hawthorne, avec un encrage de Terry Pallot. La mise en couleurs a été réalisée par
Val Staples pour les épisodes 1 & 2, par le studio Guru-eFX pour les épisodes 3 à 5. Tony Moore a dessiné les couvertures des épisodes 1 à 3 et 5. La couverture de l'épisode 4 a été réalisée par
Mike Hawthorne.
L'histoire se débute 8 mois après
Secret Wars (2015) ce qui place Deadpool dans un nouveau contexte inexpliqué. de fait il apparaît qu'il est le héros le plus populaire des États-Unis ce qui justifie la mention World's greatest comics magazine comme qualificatif. À Séoul, Deadpool s'introduit à un étage élevé d'un immeuble pour récupérer une clé USB comprenant des informations de première importance. Il est contré par White Fox qui le démasque et découvre un très beau visage, celui de James Bourne (Solo). En effet Deadpool est devenu un modèle adulé par tous les américains. Il a réuni autour de lui 6 personnes qu'il rémunère pour porter son costume et agir en son nom. En outre, il est l'un des plus gros financeurs des Avengers, peut-être même devant Tony Stark.
Deadpool semble donc avoir pris la place des Quatre Fantastique dans le coeur des américains, mais tout n'est pas si rose que ça. Pour commence, il n'arrive pas à dégoter des missions qui soient rentables. Ensuite il est toujours à la recherche du meurtrier de ses parents, ce qui inquiète beaucoup Scott Adsit, mais aussi Emily Preston. En outre, Deadpool doit faire équipe avec Steve Rogers. Et il semblerait que quelqu'un se soit mis en tête de ruiner sa réputation, en le faisant passer pour un assassin.
Ce tome commence par la couverture au comique second degré de Tony Moore, la foule en délire encensant Deadpool, agitant des posters, des figurines à son effigie, avec une dame recueillant l'autographe de Deadpool sur le front de son bébé, et une autre prête à lui offrir son corps (elle doit avoir dans les 70 ans). le lecteur comprend donc que la position du personnage a changé par rapport à ce qu'elle était avant
Secret Wars, et par rapport au statu quo générique du personnage. Même si une personne avertie en vaut deux, cela ne suffit pas à se préparer à ce qui suit.
Gerry Duggan a choisi de ne pas expliquer la situation, mais de montrer les changements. le lecteur familier du personnage constate donc qu'il a recruté une équipe de mercenaires, qu'il est admiré comme un héros, qu'il travaille main dans la main avec Steve Rogers et qu'il est même invité pour animer les Bar Mitsvahs.
Gerry Duggan continue de tricoter des aventures de Deadpool, avec une bonne dose d'humour. Ce dernier repose aussi bien sur des fanfaronnades (celle de Deadpool, mais aussi celles de Jason Bourne, et d'autres), sur un humour gore (un prélèvement de foi sur un cadavre encore chaud dans le premier épisode), un comique de situation avec la Bar Mitsvah, sur des comportements absurdes (l'un des Deadpool est l'équivalent d'un personnage de dessin animé), etc. Bien qu'il s'agisse d'un premier tome, le lecteur prend rapidement conscience que le scénariste poursuit sur sa lancée de la série précédente. En effet, Emily Preston est de retour, ainsi que Scott Adsit, ou encore Shiklah (l'épouse de Deadpool). L'intrigue repose également pour partie sur la connaissance des meurtriers des parents de Deadpool. Un nouveau lecteur ne sera pas complètement perdu, mais il s'interrogera sur l'histoire personnelle de plusieurs protagonistes et sur les relations qu'ils entretiennent avec Deadpool. Ce dernier fait également référence à sa rencontre avec Clint Barton dans
Hawkeye vs. Deadpool.
Le lecteur plonge donc dans un récit déroutant, avec des références à la série précédente, une situation inexpliquée et un enjeu qui met du temps à émerger. En fait le scénariste développe un peu tous ces éléments, mais sans scène explicative. Fort heureusement les dessins de
Mike Hawthorne sont descriptifs et clairs, ce qui donne un point d'ancrage au lecteur. Pour commencer, il a conçu des costumes distincts pour les 6 individus engagés par Deadpool, 6 variations sur le costume de référence, des uniformes mais avec un ou deux détails qui permettent de les distinguer. Cet artiste réalise des dessins de comics de superhéros de bonne qualité. Il a beaucoup de personnages à représenter (outre les Deadpool) qui sont de morphologies diverses avec un degré de reconnaissance aisé. Dès la première case, le lecteur identifie Matt Murdock ou Luke Cage, Sabretooth, ou Bob l'agent de l'Hydra. Il doit également représenter 2 célébrités américaines (Scott Adsit et
George Stephanopoulos) avec un degré de ressemblance satisfaisant.
Hawthorne utilise un trait fin pour détourer les formes, repris avec précision par Terry Pallot, ce qui joue dans le sens d'une lisibilité immédiate des dessins. Il est capable de représenter plusieurs expressions faciales, même si elles ne sont pas nuancées, et les postures des personnages participent à indiquer leur état d'esprit. Il réalise des cases avec une bonne densité d'information visuelle et une forme de simplification. Par exemple il va représenter le dallage d'un bureau ou les lattes de bois d'un parquet, mais de manière régulière, sans ajouter de texture. Il en va aussi ainsi des dalles de faux-plafond. le lecteur comprend tout de suite de quoi il s'agit, mais cela aboutit à un effet d'élément de décor prêt à l'emploi, sans personnalité propre. le fait que ces éléments soient dessinés régulièrement permet de donner des caractéristiques à chaque endroit par l'utilisation de plusieurs de ces éléments, différents à chaque fois.
En outre,
Mike Hawthorne compose des cases, rendant bien la profondeur de champ, ce qui donne lieu à des cadrages spectaculaires. La séquence d'ouverture montre un Deadpool planant avec une combinaison pourvue de membranes reliant les bras aux jambes dans une très belle vue du dessus entre les buildings. Dans l'épisode 2, un des Deadpool plonge dans une cage d'escalier, avec une vue en contreplongée impressionnante. Dans l'épisode 5, Deadpool et un de ses employés déambulent dans le musée psychique personnel de Wade Wilson, avec de beaux couloirs. le scénario recèle de nombreux moments décalés ou inattendus, juste le temps d'une case, ce qui offre l'occasion à l'artiste de s'amuser. le lecteur est parfois pris par surprise au détour d'une case incongrue : les rayonnages remplis de produits dérivés Deadpool dans le hall d'entrée de son quartier général, Deadpool en train de ratisser un jardin minéral zen, les magnifiques bulles de savon dans la chambre d'un des Deadpool (avec un usage très approprié de l'infographie pour rendre compte de leur iridescence), Shiklah chevauchant une monture démoniaque en pleine rue, et bien d'autres encore.
Le scénario comprend bien évidemment des scènes d'affrontement physique (puisqu'il s'agit d'un comics de superhéros) plus ou moins violent (plutôt plus puisqu'il s'agit d'un comics de Deadpool).
Mike Hawthorne a pris le parti d'éviter les gros plans sur les blessures pour ne pas donner dans le gore, mais il ne gomme pas la dimension sadique de la violence infligée. Soit il montre un élément ensanglanté pour attester des blessures, comme un marteau ou le foie prélevé sur une victime, soit il exagère le coup porté pour transformer cette violence en un spectacle caricatural, sans leur donner une apparence réaliste. Il conserve donc la dimension parodique associée à Deadpool, avec des dessins qui montrent la violence au premier degré, mais avec un recul dans la représentation. Ce parti pris fonctionne très bien, tellement bien qu'il attire l'attention sur une incohérence du récit. Deadpool est adulé par tout le monde comme un véritable héros, et même secondé par Steve Rogers (alors en vacances de ses fonctions de Captain America). Pourtant les images montrent bien que Deadpool résout toujours ses conflits avec un haut niveau de violence, aucun regard pour la vie humaine, y compris devant témoin, voire devant une caméra. Autant le lecteur peut croire qu'un tour de passe-passe magique a pu placer Deadpool dans une position où il est devenu une idole, autant il devient impossible de croire que les autres superhéros le laissent massacrer d'autres criminels de manière publique, à commence par Steve Rogers.
Ce premier tome de la série 2015 de Deadpool déstabilise le lecteur. Il apprécie la narration visuelle claire et efficace de
Mike Hawthorne, d'un bon niveau de qualité pour des comics industriels. Il accepte bien volontiers de jouer le jeu d'assembler les pièces du puzzle pour comprendre la situation dans laquelle se trouve Deadpool (ce n'est pas trop difficile). Il découvre avec plaisir l'inventivité du scénariste concernant les autres personnages de dernier rang embauchés par Deadpool. Par contre, il constate rapidement que pour apprécier pleinement le récit, il vaut mieux qu'il ait suivi la série précédente (même par intermittence), car plusieurs points majeurs de l'intrigue y font appel. 4 étoile sous réserve d'avoir suivi les principaux moments de la série précédente.