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Citations sur Un barrage contre le Pacifique (150)

Le soir tombait vraiment très vite dans ce pays. Dès que le soleil disparaissait derrière la montagne, les paysans allumaient des feux de bois vert pour se protéger des fauves et les enfants rentraient dans les cases en piaillant. Dès qu’ils étaient en âge de comprendre, on apprenait aux enfants à se méfier de la terrible nuit paludéenne et des fauves. Pourtant les tigres avaient bien moins faim que les enfants et ils en mangeaient très peu. En effet ce dont mouraient les enfants dans la plaine marécageuse de Kam, cernée d’un côté par la mer de Chine – que la mère d’ailleurs s’obstinait à nommer Pacifique, « mer de Chine » ayant a ses yeux quelque chose de provincial, et parce que jeune, c’était à l’océan Pacifique qu’elle avait rapporté ses rêves, et non à aucune des petites mers qui compliquent inutilement les choses – et murée vers l’Est par la très longue courbe descendante jusqu’au golfe de Siam où elle se noyait et réapparaissait encore en une multitude d’îles de plus en plus petites, mais toutes pareillement gonflées de la même sombre forêt tropicale, ce dont ils mouraient, ce n’était pas des tigres, c’était de la faim, des maladies de la faim et des aventures de la faim.
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Et pourtant la mère n’avait consulté aucun technicien pour savoir si la construction des barrages serait efficace. Elle le croyait. Elle en était sûre. Elle agissait toujours ainsi, obéissant à des évidences et à une logique dont elle ne laissait rien partager à personne. Le fait que les paysans avaient cru ce qu’elle leur disait l’affermit encore dans la certitude qu’elle avait trouvé exactement ce qu’il fallait faire pour changer la vie de la plaine. (..)
Les paysans avaient cru si nombreux à sa réussite qu’elle y croyait désormais sans une ombre. Pas un instant elle ne soupçonna que peut-être ils l’avaient crue parce qu’elle se montrait si sûre d’elle.
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On ne pouvait pas lui en vouloir. Elle avait aimé démesurément la vie et c'était son espérance infatigable, incurable, qui en avait fait ce qu'elle était devenue, une desespérée de la vie même.
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Le jour viendrait où une automobile s'arrêterait enfin devant le bungalow. Un homme ou une femme en descendrait pour demander un renseignement ou une aide quelconque, à Joseph ou à elle. Elle ne voyait pas très bien quel genre de renseignements on pourrait lui demander : il n'y avait dans la plaine qu'une seule piste qui allait de Ram à la ville en passant par Kam. On ne pouvait donc pas se tromper de chemin. Quand même, on ne pouvait pas tout prévoir et Suzanne espérait. Un jour, un homme s'arrêterait, peut-être, pourquoi pas ? Parce qu'il l'aurait aperçue près du pont. Il se pourrait qu'elle lui plaise et qu'il lui propose de l'emmener à la ville.
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Le piano commença à jouer. La lumière s'éteignit. Suzanne se sentit désormais invisible, invincible et se mit à pleurer de bonheur. C'était l'oasis, la salle noire de l'après-midi, la nuit des solitaires, la nuit artificielle et démocratique, la grande nuit égalitaire du cinéma, plus vraie que la vraie nuit, plus ravissante, plus consolante que toutes les vraies nuits, la nuit choisie, ouverte à tous, offerte à tous, plus généreuse, plus dispensatrice de bienfaits que toutes les institutions de charité et que toutes les églises, la nuit où se consolent toutes les hontes, où vont se perdre tous les désespoirs, et où se lave toute la jeunesse de l'affreuse crasse d'adolescence.
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-Il faut vous dire, dit Suzanne, que c'est pas de la terre, ce qu'on a acheté...
- C'est de la flotte, dit Joseph.
- C'est de la mer, le Pacifique, dit Suzanne.
- C'est de la merde, dit Joseph.

(p.47)
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M.Jo était l'enfant dérisoirement malhabile de cet homme inventif. Sa très grosse fortune n'avait qu'un héritier, et cet héritier n'avait pas une ombre d'imagination. C'était là le point faible de cette vie, le seul définitif, on ne spécule pas sur son enfant. On croit couver un petit aigle, et il vous sort de dessous le bureau un serin. Et qu'y faire ? Quel recours a-t-on contre ce sort injuste ?

(p.52)
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La faim n'empêche pas les enfants de jouer.


(p.26)
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Joseph et la mère montèrent l'escalier du Bungalow, Joseph en avant, et firent irruption dans le salon . Ils étaient poussiéreux et suants, leurs pieds étaient couverts de boue sechée.
-Bonjour, dit la mère, vous allez bien ?
-Bonjour Madame, fit M.jo, je vous remercie. Et vous- même ?

(p.63)
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Jusque tard dans la nuit, installés dans des fauteuils en rotin derrière les palmiers et les garçons en pots et en smokings, on pouvait voir les blancs, suçant pernods, whisky-soda, ou martelperrier, se faire, en harmonie avec le reste, un foie bien colonial.
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