EMPREINTE
Je ne travaille pas la pierre, mais le
temps !
Prends le vase de bronze noir
Le dur basalte où la nuit joue
En blanc j’y gravai ton visage
Et des signes indéchiffrables
Monde et moi…
Monde et moi, inconsistance ! Un rêve, oui. Mais
un rêve vrai. Du vrai qui n’en est pas. C’est vrai
pourtant la souffrance. Vrai ce mal au creux du
corps. Vraie l’angoisse. Vraie cette chaise. Ta
veste, le laineux, le rêche. Vrai que tu dors près
de moi, que je vois tes beaux cheveux presque
tout blancs, ton profil romain. Le drap se soulève
au rythme de ton souffle. Ton bras, je le touche,
sous les couvertures. Clouée par l’oppression qui
pèse sur mon ventre son poids de pierre je tournoie
dans le Rien.
Marie-Jeanne DURRY – À propos d’Eden (France Culture, 1970)
Un entretien public de la poétesse avec Robert Kanters diffusé aux mois d’avril et de mai 1970 sur France Culture.