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Myriam Bahaffou (Autre)Julie Gorecki (Autre)
EAN : 9782369352433
332 pages
Le Passager Clandestin (30/10/2020)
3.38/5   16 notes
Résumé :
En faisant du capitalisme patriarcal le dénominateur commun de l’oppression des femmes et de l’exploitation de la planète, Françoise d’Eaubonne offre de nouvelles perspectives au mouvement féministe et à la lutte écologiste. Pour empêcher l’assassinat généralisé du vivant, il n’y a aucune alternative sinon l’écoféminisme.

C’est le féminisme ou la mort.

Longtemps inaccessible, ce texte devenu référence est introduit par deux chercheuses ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Le féminisme ou la mort fait partie de ces textes qu'en tant que personne très sensible aux luttes féministes (juste un peu) ayant de nombreuses connaissances très sensibles aux luttes féministes, j'ai entendu citer environ un quintillion de fois, généralement assorti d'un commentaire du style "c'est vraiment une référence, faut que je le lise". de mon côté, grâce à la réédition toute récente de ce texte effectivement pionnier mais finalement assez méconnu, paru en 1974, c'est désormais chose faite. Ma lecture fut à la fois très plaisante et très frustrante : si l'intérêt du texte est évident d'un point de vue historique, certains de ses passages ont franchement mal vieilli, quand d'autres sont au contraire d'une pertinence rare. Il s'agit donc de prendre le texte pour ce qu'il est, d'en apprécier certains éclairs de génie assez bluffants, pour ensuite (pourquoi pas) se tourner vers des ouvrages écoféministes plus récents qui ont su poursuivre la réflexion plus que précurseure de D'Eaubonne.

On peut fractionner l'essai en trois parties, grosso modo. La première est de façon assez amusante à la fois la plus lucide et la moins surprenante des trois, étant donné qu'elle consiste en une synthèse acide, martelée et particulièrement bien ficelée des raisons pour lesquelles le féminisme existe et est nécessaire, avec un état des lieux de la condition féminine dans les années 70 dont on constate avec une certaine amertume qu'il peut encore, à (très) peu de chose près, parfaitement décrire la situation actuelle. Pour qui est déjà un peu renseigné sur le sujet, il y a donc assez peu de nouveauté, mais cela pourrait par exemple constituer une introduction très efficace pour un public plus novice.

La deuxième partie est, quant à elle, la plus critiquable et sans doute la plus instructive, de façon inattendue. Françoise d'Eaubonne y dresse une sorte de panorama de l'ensemble des victoires, obstacles et objectifs du féminisme des années 70, avec des focus successifs sur l'ensemble des régions du monde, mais aussi des comparaisons entre régimes capitalistes et communistes (eh oui, en 74, l'URSS était loin de la fin de parcours), et c'est sans doute là qu'on se confronte à ce que lui reprochent le plus les deux autrices contemporaines qui préfacent le texte, à savoir une difficulté à intégrer et représenter d'autres points de vue et d'autres vécus que le sien, et une perspective qui reste malgré tout très occidentalo-centrée (avec en plus de ça certaines prises de position sur divers sujets, notamment une posture abolitionniste assez péremptoire vis-à-vis du travail du sexe, qui posent parfois question). La pensée féministe a beaucoup, beaucoup évolué depuis l'époque d'Eaubonne, et ça se sent. Il ne s'agit donc aucunement de faire un procès d'intention à l'autrice, mais simplement de constater que certains éléments de son propos ont vieilli. Comme elle l'analyse elle-même, le féminisme ne peut se limiter à une seule perspective, mais en bonne représentante d'un courant universaliste encore très très majoritaire à l'époque (pour les néophytes : on oppose en général le féminisme universaliste, qui estime en gros - je schématise - qu'il existe une manière unique et universelle de lutter pour les droits des femmes et une seule définition du progrès féministe, aux féminisme intersectionnel, qui estime que le vécu et les besoins de chaque femme peuvent énormément différer en fonction d'autres paramètres - identité de genre, race, classe, orientation sexuelle, etc. -, et que la lutte et les discours féministes doivent donc être adaptés à chacune), d'Eaubonne peine à intégrer davantage de diversité à son propos.

La troisième partie, enfin, est celle qui fait véritablement le sel du récit, celle qui lui donne toute sa pertinence, à la fois d'un point de vue historique, puisqu'elle est le fondement de la pensée écoféministe, à une époque où personne ne défendait encore pareil point de vue. L'approche de Françoise d'Eaubonne est particulièrement plaisante et pertinente en ce qu'elle est véritablement globale, et ne verse ni dans le simple réformisme ("il faut donner plus de droits aux femmes et tout ira mieux"), ni dans la tendance un peu spiritualisante qu'on peut observer à l'heure actuelle (le féminin sacré, Gaïa, la mère nature, les femmes un peu essentialisées comme proches de la nature, tout ça). L'argument de Françoise d'Eaubonne est limpide : l'exploitation effrénée, destructrice et en un mot injuste de l'environnement est une conséquence du patriarcat (elle utilise plutôt le terme "phallocratie", mais soit, on s'entend Françoise), les femmes et les minorités sociales en sont les premières victimes, et de simples mesures palliatives ne permettront certainement pas d'y remédier. Au-delà de la "révolution", il s'agit de lancer une profonde "mutation" de notre façon d'envisager l'économie, le travail, les relations humaines et sociales, sans quoi le genre humain court tout droit vers la destruction, les plus fragiles en premier évidemment. A ce titre, le propos de l'autrice était inédit à l'époque, et reste encore aujourd'hui plus que pertinent, à l'heure où l'on voit se multiplier les manifestes écoféministes et où il n'a jamais été aussi urgent de penser la justice sociale et climatique. Il ne s'agit pas de dire "les femmes savent mieux faire" ou "il suffirait de mettre des femmes à la tête des Etats pour que ça s'arrange", mais de poser les bases d'une réflexion holistique, ambitieuse et politique capable de repenser l'iiiintégralité de notre fonctionnement actuel avant qu'il n'ait eu tout à fait raison des ressources dont on a besoin pour survivre.

Le féminisme ou la mort est donc, sans aucun doute, un texte très riche qui mérite amplement d'être découvert, même (et surtout ?) dans ses aspects un peu dépassés. C'est un texte assez remarquable dans sa capacité à poser les bonnes questions, ne pas s'excuser d'énoncer ses constats et ses conclusions avec clarté, véhémence et ambition, et surtout à titiller la curiosité d'un ou d'une lectrice qui aura du mal à ne pas avoir envie de poursuivre la réflexion une fois le dernier chapitre achevé. A découvrir !


Lien : https://mademoisellebouquine..
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Dans cette réédition du texte original de Françoise d'Eaubonne 'Le féminisme ou la mort' publié initialement en 1974, les éditions le passager clandestin ont décidé de remettre ce texte en lumière, agrémenté d'une longue préface qui remet dans notre contexte ces écrits. Ce texte a été le premier à aborder la notion d'ecofeminisme. Françoise d'Eaubonne était une féministe engagée, militante et qui reste radicale dans son essai. Elle propose cependant une nouvelle alternative pour la société, qui selon elle est dominée par le capitalisme patriarcal, en donnant des clés de compréhension de l'oppression des femmes, mais aussi de l'urgence planétaire. Sa pensée va tout de même au-delà d'une simple addition du féminisme et de l'écologie. La préface était véritablement importante ici, car la société a depuis beaucoup évolué, et remettre les écrits dans leur contexte est indispensable : on constatera notamment que sa vision est celle d'une femme occidentale, qui n'inclue pas correctement les autres minorités. Il aurait cependant peut-être été plus pertinent de placer le texte d'origine en premier lieu, et de le faire suivre de commentaires argumentés pour avoir plus de matière pour transposer ce texte à notre époque et comprendre les arguments avancés. Il est tout de même très intéressant de découvrir le texte fondateur de l'ecofeminisme (révolutionnaire pour l'époque car rien ne s'en approchait !), en se détachant de l'aspect marketing actuel autour du féminisme et de l'écologie. L'intérêt d'un texte radical permet aussi de s'en détacher plus aisément, et de prendre ce qui nous paraît pertinent et transposable.
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Réedition à fuir! le texte de F. D'Eaubonne est lumineux est fondateur sauf qu'il est annoté et préfacé par 2 jeunes universitaires qui contredisent complétement les idées de l'autrice. Ces dernières nous servent leur théories queer sur la transidentité et la prostitution, allant même jusqu'à recommander la lecture d'un lobbyiste de l'industrie du sexe à la fin du chapitre ou D'Eaubonne développe sa pensée abolitionniste sur ce fondement de la domination masculine! Situation ubuesque de lecture. C'est tout simplement de la trahison intellectuelle et de la récupération malhonnête de l'histoire du féminisme. Comme si un bouquin sur les méfaits du colonialisme nous recommandait, en bas de chapitre, la lecture de Zemmour "pour se faire une idée plus complète"... Je ne sais pas comment les proches de la fondatrice du MLF et précurseure de l'éco-féminisme ont perçu cette ré-édition mais c'est juste scandaleux!
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Avoir lu le portrait de Françoise d'Eaubonne m'a permis de recadrer certains de ses propos et de les replacer dans leur contexte. Depuis 1970, les luttes féminismes ont évolué et se sont surtout penchées sur l'intersectionnalité, ce que d'Eaubonne n'aborde pas.
Lire cet essai permet de retourner à un féminisme post-68, de comprendre les combats menés par les mouvements féministes et puis surtout de trouver les premières lignes sur l'éco-féminisme.
La préface est importante à lire pour la remise en contexte et je suis d'accord avec une lectrice qui proposait plutôt des commentaires tout au long de la lecture et non au début.
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Le féminisme ou la mort reste aujourd'hui un ouvrage de référence malgré ses défauts.
D'Eaubonne est en effet l'une des première à apporter au débat public français la question de l'éco-féminisme. Celle-ci analyse la catastrophe climatique non pas comme la responsabilité de tout.es, mais bel et bien comme une conséquences du système patriarcal productiviste mondial. Capitalisme et patriarcat sont intrinsèquement liés et précipitent l'humanité vers sa chute. le féminisme de tout.es devient alors une question de vie ou de mort.

Ecrit en 1974, l'ouvrage possède tout de même aujourd'hui un certain "retard" théorique, notamment sur les questions d'intersectionnalité. Durant les premières pages du livre, d'Eaubonne fait également part d'une étrange obsession pour les Juifs, qui s'estompe au fil des pages.

En revanche, la préface de la réédition est elle absolument brillante.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
La femme la plus ignorante intériorise et vit dans son inconscient, dès la puberté, parfois même plus tôt, tous les jugements que les mâles ont portés sur elle à travers les siècles. C'est ce qui lui donne son comportement, sa mentalité d'accusée. Elle est accusée devant l'homme, comme celui-ci, naguère, devant Dieu. Et la femme la plus ignorante regarde autour d'elle avec crainte, se cherche des excuses, respire en prévenue perpétuelle. Pas besoin d'avoir lu Tertullien ni Nietzsche. Une femme doit se justifier à chaque instant de sa vie. C'est ce qui lui fait chercher si passionnément la beauté, l'amour, le mystère, les enfants, non comme des biens aussi naturellement désirables que la puissance ou la possession à l'homme, mais comme autant d'alibis, de bons points, de témoignages favorables à la défense. [...] La femme qui aime doit se faire tout pardonner.
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Je suis vraiment navrée si "cette parole est trop dure", comme disaient les Disciples. Qui puis-je ? Je suis née dans cette culture mâle, comme tout le monde ; je l'ai assimilée, je l'ai respectée, je l'ai parfois aimée ; me révolter contre elle est plus déchirant qu'on peut le croire, car c'est me révolter contre toute une partie de moi. Que ceux qui ont fait cette culture et me l'ont enseignée soient mes ennemis en tant qu'oppresseurs, participent au malheur qui écrase toute femme en tant que femme, ce n'est pas une vérité que je crie avec triomphe, c'est une constatation que je formule dans la douleur er la consternation. Cette parole "trop dure", elle n'en est pas moins vraie, brutalement vraie, jusqu'au drame.
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Il existe bien des raisons pour l'homme de vouloir engendrer. Se prolonger par des fils est le premier des plus anciens rêves mâles ; il y a aussi le besoin de régner sur ce qui est jeune et faible et dépend de voud, reedoublement de la satisfaction que le phallocrate tire de la femme-épouse ; mais dans les cultures du passé et jusqu'à ce jour encore dans les couches populaires, paysannes surtout, il s'agit d'enchaîner la femme à sa propre espèce, de "l'empêcher de courir", de lui faire sentir concrètement sa lourdeur d'animal, d'inférieure. "Saisie par le talon, elle qui marchait si légèrement sur les eaux", dit Virginia Woolf d'une de ses héroïnes dans La chambre de Jacob.
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(Préface de Myriam Bahaffou et Julie Gorecki)
Là encore, il n'y a qu'un féminisme occidental pour penser le refus de la maternité comme une libération pour toutes. L'appel à la grève des ventres place le refus d'enfant comme curseur féministe de libération, ce qui est très problématique quand on sait l'histoire coloniale de la pilule, les politiques de stérilisation massives et la dévaluation des maternités non blanches.
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[...] Je ne supporte l'idée d'une lutte que si elle se jette, comme le fleuve dans la mer, dans le combat pour la Totalité.
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Videos de Françoise d' Eaubonne (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Françoise d' Eaubonne
#françoisedeaubonne #féminisme #cultureprime Militante libertaire féministe, Françoise d'Eaubonne est l'une des premières à opérer un rapprochement entre les luttes féministes et la protection de l'environnement dans les années 1970. Elle est à l'origine de "l'écoféminisme", dont se revendiquent des militantes et militants écologistes aujourd'hui.
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