Mélusine ou l'élimination des tabous

« Je verrai un monde qui ne me plaira pas

été sans fleurs

vaches sans lait

femmes sans pudeur

hommes sans courage

captures sans roi

arbres sans fruits

mer sans frai

mauvais avis des vieillards

mauvais jugement des juges

chaque homme sera un traître

chaque garçon un voleur

le fils ira dans le lit du père

chacun sera le beau-père de son frère. »

Agnès Echène termine son essai intitulé Mélusine ou l'élimination des tabous par cette prophétie de la fée Morgane. Comme précédemment ce texte original se trouve ici : https://matricien.org/essais/echene/melusine-echene/ Je l'ai mis en word pour isoler ce qui était important pour moi ici :https://ninerouve.files.wordpress.com/2017/11/mc3a9lusine.pdf

A la suite de cette lecture, très franchement, je suis anéantie. Je me sens comme une personne à qui on vient d'annoncer qu'elle porte une maladie mortelle mais qui ne sait pas encore si elle est soignable ou non.

Ce texte décode la légende de Mélusine, connue de toute l'Europe sous ce nom ou un équivalent, et reprend le thème de la femme qui accepte le mariage avec un homme aimable et aimé à la condition d'un serment prêté. Mélusine demande à Raymond de jurer de ne jamais chercher à la voir le samedi. Raymond accepte et tient son serment des années durant, années de prospérité. Mais un samedi malheureux, Raymond dupé, rompt son serment. Mélusine le quitte ainsi que ses enfants, et les cataclysmes déferlent sur leur communauté.

Agnès Echène nous explique, démontre, que toutes ces légendes de femmes se rapportent à la période de transition entre les sociétés dites matrilinéaires et la société actuelle dite patrilinéaire – env. 2000 ans. Les sociétés matrilinéaires sont un tissu de solidarités et d'interdits. Dans ces sociétés, les groupes sont composés de gens issus de la famille de sang de la mère : les soeurs, les frères. Ils élèvent les enfants en commun, vivent, mangent, sont « familiers ». La sexualité, le sentiment amoureux, son allusion même, sont interdits dans la communauté, sur le lieu de la communauté comme au sein de ses membres. La règle est stricte, suivie et gage de bonheur collectif. La sexualité est un fait important, normal et banalisé, mais doit intervenir entre membre de communautés différentes. le corps de la femme lui appartient, elle en dispose à son gré, comme les hommes, mais les enfants sont les enfants des femmes, des soeurs. Les pères sont ceux qui élèvent et non les géniteurs, les pères sont donc les oncles, les frères. Les richesses, les patrimoines se transmettent au sein de ces communautés équitablement entre les enfants garçons et filles.94099eb6cb69372a8bee3938dd2a2e5d

Agnès Echène explique que dans nos sociétés, le principe de couple est opposé à cet équilibre. le couple devient le lieu où l'on élève les enfants, où l'on mange ensemble. le nid est donc aussi le lieu du désir et de la sexualité. Les solidarités sont celles que l'homme et la femme se prodiguent, les enfants sont les enfants du père, géniteur et tuteur. Il n'y a plus de solidarité collective, non plus de solidarité intergénérationnelle. Les deux aspects précédemment soigneusement séparés sont réunis en une cellule élémentaire non ouverte, la famille, dite sacrée et privée, où la seule solidarité autre admise est celle de la Justice des hommes et cette solidarité n'est sollicitée que dans la culpabilité. Dans ce type de société, l'homme et la femme du couple « possèdent » le corps de l'autre. La sexualité est un dû, une propriété acquise dès l'accord de mise en couple, la fidélité est nécessaire car seule garante de l'identité du père.

Par l'apport des recherches en ethnologie, l'auteur explique que le mâle mammifère est naturellement désireux de sexualité et que le désir engendre la violence. le désir masculin est une pulsion bien trop puissante, exacerbée en outre dans un environnement clos où la promiscuité est accrue. Cette pulsion doit être reconnue et prise en charge par la communauté et ses règles, et non pas renvoyée à la seule responsabilité de l'individu.

L'auteur explique que les modèles qui nous sont proposés, ne nous laissent que deux alternatives : vivre seul ou en couple. le couple se retrouve donc à devoir cumuler les fonctions incompatibles de nid pour élever les enfants, communauté de solidarité entre compagnons, et lieu de désir et donc de tension masculine. Agnes Echène explique que, de tous temps, les femmes n'ont eu que les tabous pour se protéger elles-mêmes et leurs enfants de la violence du désir des hommes, et que ces interdits sont désormais incompatibles des sociétés patrilinéaires. le mot tabou est devenu synonyme de challenge ; leurs sens, justifications se sont perdus, remplacés par des armadas de lois, de juges, et d'agents de l'ordre en tout genre qui grossissent dans nos sociétés et qui ne sont que des digues impuissantes face à la surenchère de désir exhibé et légitimé partout. Elle explique que toutes les dérives sociétales religieuses ou non, proviennent de cette non reconnaissance de l'origine de la violence des hommes.

Elle rapporte les faits du Zoo de Londres en 1930 où 100 mâles babouins ont été ajoutés à 30 guenons, et où l'expérience fut stoppée lorsqu'il ne restât plus que 39 mâles, 9 femelles et 1 petit. le plus choquant, je trouve, étant que les hommes et femmes du zoo aient attendu jusque-là !

Je vous propose de lire le texte dans son entier, ma présentation étant partielle et partiale. https://ninerouve.wordpress.com/2017/11/18/melusine-ou-lelimination-des-tabous-agnes-echene/

-η.
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