Tu as la cervelle presque aussi ramollie que le postérieur.
Le possible a d'énormes pouvoirs, Beldin. Des pouvoirs plus puissants parfois que lorsqu'il devient réalité.
- Écoute, Garion, tu devrais aller te recoucher.
- Je croyais que tu avais envie de parler à quelqu'un.
- Pas à ce point là.
- Pourquoi pas? Le bon gros sens paysan a sa place en ce bas monde, lui aussi, et mes spéculations sont parfois un peu éthérées.
- Le terme approprié est fumeuse, Beldin, f-u-m-e-u-s-e-s.
- Pourquoi, non, mais pourquoi faut-il toujours que ça se termine dans un bouge? soupira Polgara, désespérée.
- Parce que les gens qui ont bu aiment parler, Pol, lui expliqua Belgarath comme s'il parlait à une enfant. On en apprend plus en cinq minutes dans un taverne qu'en une heure dans un salon de thé.
D'habitude, quand je veux un bateau, je le vole. Je trouve immoral d'utiliser un des miens.
Il y a des moments où je te trouve tellement spirituel que tu me rends malade.
Les choses vraiment importantes ne peuvent pas être faciles, Belgarion. Si elles étaient faciles, nous n'y attacherions aucune importance.
- Bonjour, Majesté, dit-il à Garion d'une voix atone. J'espère que vous allez tous bien ?
- Que Sa Majesté soit amplement rassurée, acquiesça le jeune roi de Riva.
Si Zakath voulait faire des cérémonies, il allait être servi.
- Vos allées et venues n'ont pas dû être de tout repos, repris l'empereur du même ton indifférent. Surtout pour ces dames. Je veillerai à ce que vous retourniez à Mal Zeth par petites étapes peu fatigantes.
- Votre Majesté est bien aimable, mais nous ne retournerons pas à Mal Zeth.
- C'est là que vous vous trompez, Belgarion. Vous allez repartir pour Mal Zeth.
- Je regrette, mais des affaires pressantes m'appellent ailleurs.
- Je transmettrai vos regrets à Zandramas quand je la rencontrerai.
- Je suis sûre qu'elle exultera en apprenant que je ne viens pas à sa rencontre.
- Pas longtemps, je le crains. J'ai l'intention bien arrêtée de la faire brûler comme sorcière.
- Je vous souhaite bonne chance, Majesté, et vous en aurez besoin car vous risquez fort de la trouver réfractaire.
- Allons, Messieurs, vous ne trouvez pas que vous vous êtes dit assez de bêtises comme ça ? demanda calmement Polgara.
Elle avait revêtu une de ses fameuses robes bleues et reprisait une des chaussettes d'Essaïon.
- Des bêtises ? cracha Zakath, les yeux lançant des éclairs.
- Vous êtes toujours amis et vous le savez bien tous les deux. Alors arrêtez de vous invectiver comme deux collégiens.
L'archiduchesse avait une bonne trentaine d'années, une chevelure noire, luxuriante, des yeux immenses, la lippe boudeuse et des formes si généreuses que sa robe lie-de-vin ne les pouvait contenir en entier. Mais surtout, elle était saoule comme une grive. Elle avait renoncé à utiliser son gobelet et buvait maintenant directement au goulot de la carafe.
- Prince Kheldar, hoqueta-t-elle en esquissant une révérence chancelante.
Sadi s'approcha de sa démarche sinueuse et lui prit le bras, évitant un désastre.
- Ch'cusez-moi, fit-elle d'une voix pâteuse. V'z'êtes bien aimable.
- Tout le plaisir est pour moi, Votre Grâce, répondit courtoisement l'eunuque.
Elle le regarda en clignant des yeux comme une chouette.
- V'z'êtes vraiment chauve, ou c'est un genre que vous vous donnez?
- C'est culturel, Votre Grâce, expliqua-t-il avec une révérence obséquieuse.
- Dommage, soupira-t-elle en lui caressant le crâne, puis elle siffla une nouvelle gorgée de vin. V-vous v-voulez boire un coup? proposa-t-elle avec enjouement à la cantonade.
Ils déclinèrent l'offre d'un bref hochement de tête. Tous, sauf Beldin qui s'approcha et tendit la main.
- Hé bé, pourquouè pas, après tout? Voyons vouère un peu ça, ma choute, répondit le petit sorcier difforme en reprenant, allez savoir pourquoi, l'accent de Feldegast.