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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Un livre à 95% féministe, et à peut-être 5% historique, qui nous relate l'histoire des femmes soignantes. D'abord considérées comme sorcières (du XIV au XVIIeme siècle), puis reconnues, mais seulement comme sages-femmes, puis bannies des « écoles officielles de médecine » car de sexe féminin, les femmes ont eu fort à faire pour pouvoir soigner leurs proches !

« La répression des sorcières et l'élimination, plus tardive et moins violente, des sages-femmes et des femmes qui aspiraient à devenir docteures aux États-Unis sont quasiment les seuls exemples dans l'histoire d'un gaspillage délibéré de talent, d'éducation et d'expérience. »

J'espérais et je m'attendais à lire un livre traitant de l'histoire des sorcières, des sages-femmes et des infirmières au fil des âges, et pas à un pamphlet étalant tout ce que les femmes « instruites » ont pu subir au fil des temps. Bien sûr que c'était et que c'est toujours tout à fait injuste ! Encore aujourd'hui, l'égalité homme-femme est loin d'être parfaite, mais ruminer les problèmes du passé ne nous fera pas avancer...

« Nommer sorcière celle qui revendique l'accès aux ressources naturelles, celle dont la survie ne dépend pas d'un mari, d'un père ou d'un frère, celle qui ne se reproduit pas, celle qui soigne, celle qui sait ce que les autres ne savent pas ou encore celle qui s'instruit, pense, vit et agit autrement, c'est vouloir activement éliminer les différences, tout signe d'insoumission et tout potentiel de révolte. C'est protéger coûte que coûte les relations patriarcales brutalement établies lors du passage du féodalisme au capitalisme. »

Au moyen âge : « L'Église associait les femmes au sexe, et tout plaisir sexuel était condamné parce qu'il ne pouvait venir que du diable. On prétendait que les sorcières avaient pris du plaisir à copuler avec le diable (en dépit de l'organe glacé qu'il était censé posséder) et qu'à leur tour elles contaminaient les hommes. »

« Les méthodes des sorcières-guérisseuses étaient une menace aussi grande (pour l'Église catholique, sinon pour l'Église protestante) que leurs résultats, car la sorcière était une empiriste : elle se fiait à ses sens plutôt qu'à la foi ou à une doctrine, elle procédait par essai-erreur, observant les causes et les effets. Elle n'avait pas une attitude de passivité religieuse mais de recherche active. (...) En résumé, sa magie était la science de son temps. »

Au XIXeme siècle : « Les femmes travaillaient fréquemment avec leur mari. le mari s'occupait de la chirurgie, l'épouse de l'obstétrique et de la gynécologie, et tout le reste était partagé. »

Puis est apparue la scission entre les empiristes et les « réguliers » qui avaient fait des « études de médecine ». Vu que les « réguliers » appartenaient à la classe supérieure et les empiristes plutôt de la classe moyenne, une loi mettant les empiristes hors-la-loi ne tarda pas à arriver. Nous sommes alors en 1830 et ces nouvelles lois provoquèrent l'indignation massive et radicale du peuple avec l'apparition d'un Mouvement populaire pour la santé.

Fin XIX, début du XXeme siècle : « Quelle qu'en soit l'explication exacte, le résultat fut que les femmes de la classe moyenne abandonnèrent le combat contre la médecine masculine et acceptèrent les conditions imposées par la profession médicale masculine naissante. »

Puis l'infirmière est arrivée... « pour les docteurs du XIX siècle attaqués de toute part, le métier d'infirmière était un don du Ciel : enfin un groupe de travailleuses de la santé qui ne cherchait pas à concurrencer les « réguliers », qui n'avait aucune doctrine médicale à promouvoir et qui ne semblait pas avoir d'autre mission dans la vie que de servir. »

Du moyen âge à aujourd'hui, la seule grande réussite aura été de séparer le diagnostic / le traitement et les soins... et ce n'était pas vraiment souhaitable !

« Soigner, dans son sens le plus plein, consiste à apporter à la fois des remèdes et des soins, à être docteur « et » infirmière. Les guérisseuses empiriques des temps anciens avaient combiné les deux fonctions et étaient estimées pour les deux. (...) Mais avec le développement de la médecine scientifique et avec la profession médicale moderne, les deux fonctions furent irrémédiablement séparées. La prescription du remède devint le domaine exclusif du docteur ; les soins furent relégués à l'infirmière. »
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Ce pamphlet date du début des années 1970, décennie où l'on voit le féminisme américain de la « deuxième vague » s'approprier l'histoire, la mythologie et même le symbolisme de la sorcière comme emblème de l'exclusion des femmes d'une société et d'une économie en mutation, expulsion perpétrée par des massacres de proportions inouïes. Cette réappropriation concerne souvent un aspect spécifique d'une telle exclusion, ainsi qu'un côté particulier de l'oppression qui de toute évidence ne recouvre pas la réalité historique de la chasse aux sorcières, qui s'est étendue sur plus de quatre siècles (du XIVe au XVIIe) et sur un territoire très vaste. Silvia Federici, par ex. (dès 1984), dans sa lecture du mythe de la sorcière, se penchera sur l'expulsion de la paysannerie des terres communales dans l'optique de la relégation de la femme dans l'économie du travail domestique non rémunéré.
Par contre ici, malgré un petit aveux d'incomplétude, les autrices s'intéressent à l'expulsion des femmes du système de la santé – administration des soins et obstétrique – par leur accusation de sorcellerie dans l'Europe de la Renaissance, et, avec une répétition tout à fait analogue, par leur interdiction d'exercer la médecine aux États-Unis à partir des années 1830-1840. Naturellement ce rapprochement analogique a tous les défauts de l'anachronisme mais il possède aussi tout le charme de l'analyse diachronique. La situation de départ, à la veille de la « guerre » patriarcale, semble être une très considérable prévalence en nombre des femmes guérisseuses sur les hommes médecins, et surtout leur appartenance à et leur exercice au sein des classes dominées – paysannerie médiévale et classe populaire préindustrielle – contrairement à eux ; le déroulement des conflits présente aussi des analogies : de s'inscrire dans le cadre d'une métamorphose économique plus vaste – urbanisation/réaménagement des espaces productifs tard-médiévaux, industrialisation naissante – ainsi que dans une « convergence des luttes » de plus grande envergure que l'on pourrait définir de « féministe » autant que de « lutte des classes » par simplicité mais sans caricature. Enfin, l'analogie la plus intéressante est sans doute l'appareil idéologique mobilisé dans le déroulement de l'éviction des femmes pourvoyeuses de soins : respectivement la religion et le positivisme « scientifique », qui s'opposent dans les deux cas à un savoir empirique et à une transmission non maîtrisée de celui-ci. L'issue est différente : le massacre des sorcières et l'enfermement déclassant des soignantes dans le statut subordonné voire servile d'infirmières qui, à l'époque de Florence Nightingale, relevait totalement de la domesticité et ne supposait aucune compétence.
Il faut ajouter que l'histoire du Mouvement populaire pour la santé, emblème de la résistance des femmes soignantes américaines du XIXe siècle, « qui fut un mouvement massif aux États-Unis » comme le rappelle la traductrice en note (p. 70), est totalement ignorée en France ; la situation sanitaire européenne étant par ailleurs très différente à l'époque. Ainsi, les manques de l'exposé sur les chasses aux sorcières historiques sont palliés par ce pan-là de l'Histoire.
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En ce mois d'octobre, j'ai eu envie de me pencher un peu sur l'histoire des sorcières. Et comme j'avais ce livre sous la main, c'était l'occasion !

Finalement, il s'est avéré que ce livre ne parle pas tant de l'histoire des sorcières, mais plutôt de celles des femmes soignantes, et de la façon dont elles ont été évincées de la profession médicale aux États-Unis.

« Pendant des siècles, les femmes furent des médecins sans diplômes, interdites d'accès aux livres et aux cours, apprenant les unes des autres et se transmettant leur expérience de voisine en voisine et de mère en fille. Elles étaient appelées "bonnes femmes" par le peuple, sorcières ou charlatans par l'autorité. »

Alors que ces femmes tentaient réellement de sauver leurs prochains, la classe dirigeante, misogyne, patriarcale, en a décidé autrement. Dès lors fleurir les vrais charlatans, « médecins » seulement par leur titre, soutenus par l'Église, pour les remplacer. Pire, pour les éradiquer.

Mais l'histoire ne s'arrête pas aux chasses aux sorcières. Tout au long des siècles qui suivirent, les femmes continuèrent de se faire écarter de la profession. On leur refusa les écoles, les cours et la pratique. Et quand on leur ouvrit enfin les portes, ce ne fut simplement qu'en tant que subalternes, au service du médecin.

Au final, même si je n'y ai pas trouvé ce que je cherchais à l'origine, ce pamphlet reste très intéressant et m'a fait découvrir beaucoup de choses sur le lien entre féminisme, santé et lutte des classes aux États-Unis.
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