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EAN : 9782366241228
121 pages
Cambourakis (11/02/2015)
4.13/5   84 notes
Résumé :

Engagées dans le Mouvement pour la santé des femmes dans les années 1970, Barbara Ehrenreich et Deirdre English enquêtent sur les racines historiques de la professionnalisation du corps médical.

Portant un regard féministe sur les chasses aux sorcières en Europe et la suppression de la profession de sage-femme aux Etats-Unis, elles s'interrogent : et si, derrière ces événements, se cachait une véritable monopolisation politique et économique ... >Voir plus
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Pourquoi les femmes sont-elles si peu nombreuses dans les métiers médicaux et si nombreuses dans le paramédical ? Déjà, je m'interroge sur ce terme de paramédical pour désigner les infirmières, sages-femmes et aides-soignantes.. Alors même qu'elles sont en plein dans le processus de guérison et de soins en général.
Les auteures reviennent sur l'éviction, aux Etats-Unis, des femmes dans ces professions tout au long du 19è siècle alors même qu'elles étaient détentrices d'un savoir empirique et de techniques qui les rendaient plus efficaces et moins dangereuses que les médecins qui sortaient des facultés et qui n'avaient qu'une formation théorique et religieuse, un peu comme en Europe... Elles font des comparaisons avec le vieux continent, pionner dans l'éviction des femmes du soin, avec les tristement célèbres chasses aux sorcières. Si les Etats-Unis n'ont pas brûlé de sorcières depuis Salem, la chasse a pris une autre forme et prouve une fois encore que pouvoir et argent sont les maîtres mots lorsqu'il s'agit d'imposer quelque chose...
Les conséquences en furent (sont) dramatiques : hausse de la mortalité maternelle et infantile (interdiction des sages-femmes), le corps féminin est tabou même pour les femmes, transformation du métier d'infirmière en métier d'agrément pour les malades puisqu'elles ne peuvent poser de diagnostic ni prescrire les soins.
C'est certes un pamphlet, et non pas réellement une étude, mais il pose des pose des jalons pour des recherches futures, qui ont depuis été menées. On est en droit de se demander quel fut son effet sur la formation des infirmières aux Etats-Unis. C'est un pamphlet mais il n'est pas vindicatif, même s'il est porté par une immense colère : il explique, cherche des causes et des solutions, et demande à ce que les femmes se mobilisent pour faire bouger les lignes, même un peu, même en parallèle de la voie officielle.
Une bonne introduction, moins intimidante, à Caliban et la sorcière de Silvia Federici.
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Un livre à 95% féministe, et à peut-être 5% historique, qui nous relate l'histoire des femmes soignantes. D'abord considérées comme sorcières (du XIV au XVIIeme siècle), puis reconnues, mais seulement comme sages-femmes, puis bannies des « écoles officielles de médecine » car de sexe féminin, les femmes ont eu fort à faire pour pouvoir soigner leurs proches !

« La répression des sorcières et l'élimination, plus tardive et moins violente, des sages-femmes et des femmes qui aspiraient à devenir docteures aux États-Unis sont quasiment les seuls exemples dans l'histoire d'un gaspillage délibéré de talent, d'éducation et d'expérience. »

J'espérais et je m'attendais à lire un livre traitant de l'histoire des sorcières, des sages-femmes et des infirmières au fil des âges, et pas à un pamphlet étalant tout ce que les femmes « instruites » ont pu subir au fil des temps. Bien sûr que c'était et que c'est toujours tout à fait injuste ! Encore aujourd'hui, l'égalité homme-femme est loin d'être parfaite, mais ruminer les problèmes du passé ne nous fera pas avancer...

« Nommer sorcière celle qui revendique l'accès aux ressources naturelles, celle dont la survie ne dépend pas d'un mari, d'un père ou d'un frère, celle qui ne se reproduit pas, celle qui soigne, celle qui sait ce que les autres ne savent pas ou encore celle qui s'instruit, pense, vit et agit autrement, c'est vouloir activement éliminer les différences, tout signe d'insoumission et tout potentiel de révolte. C'est protéger coûte que coûte les relations patriarcales brutalement établies lors du passage du féodalisme au capitalisme. »

Au moyen âge : « L'Église associait les femmes au sexe, et tout plaisir sexuel était condamné parce qu'il ne pouvait venir que du diable. On prétendait que les sorcières avaient pris du plaisir à copuler avec le diable (en dépit de l'organe glacé qu'il était censé posséder) et qu'à leur tour elles contaminaient les hommes. »

« Les méthodes des sorcières-guérisseuses étaient une menace aussi grande (pour l'Église catholique, sinon pour l'Église protestante) que leurs résultats, car la sorcière était une empiriste : elle se fiait à ses sens plutôt qu'à la foi ou à une doctrine, elle procédait par essai-erreur, observant les causes et les effets. Elle n'avait pas une attitude de passivité religieuse mais de recherche active. (...) En résumé, sa magie était la science de son temps. »

Au XIXeme siècle : « Les femmes travaillaient fréquemment avec leur mari. le mari s'occupait de la chirurgie, l'épouse de l'obstétrique et de la gynécologie, et tout le reste était partagé. »

Puis est apparue la scission entre les empiristes et les « réguliers » qui avaient fait des « études de médecine ». Vu que les « réguliers » appartenaient à la classe supérieure et les empiristes plutôt de la classe moyenne, une loi mettant les empiristes hors-la-loi ne tarda pas à arriver. Nous sommes alors en 1830 et ces nouvelles lois provoquèrent l'indignation massive et radicale du peuple avec l'apparition d'un Mouvement populaire pour la santé.

Fin XIX, début du XXeme siècle : « Quelle qu'en soit l'explication exacte, le résultat fut que les femmes de la classe moyenne abandonnèrent le combat contre la médecine masculine et acceptèrent les conditions imposées par la profession médicale masculine naissante. »

Puis l'infirmière est arrivée... « pour les docteurs du XIX siècle attaqués de toute part, le métier d'infirmière était un don du Ciel : enfin un groupe de travailleuses de la santé qui ne cherchait pas à concurrencer les « réguliers », qui n'avait aucune doctrine médicale à promouvoir et qui ne semblait pas avoir d'autre mission dans la vie que de servir. »

Du moyen âge à aujourd'hui, la seule grande réussite aura été de séparer le diagnostic / le traitement et les soins... et ce n'était pas vraiment souhaitable !

« Soigner, dans son sens le plus plein, consiste à apporter à la fois des remèdes et des soins, à être docteur « et » infirmière. Les guérisseuses empiriques des temps anciens avaient combiné les deux fonctions et étaient estimées pour les deux. (...) Mais avec le développement de la médecine scientifique et avec la profession médicale moderne, les deux fonctions furent irrémédiablement séparées. La prescription du remède devint le domaine exclusif du docteur ; les soins furent relégués à l'infirmière. »
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Texte fondamental du féminisme paru en 1973, cet essai présente certes des inexactitudes sur le plan historique - les auteures, d'ailleurs, le reconnaissent dans leur préface rédigée pour cette nouvelle édition/traduction. Il y a quarante ans, on disposait de moins d'informations sur la chasse aux sorcières ou sur l'histoire de la médecine, et certaines études ont depuis cette époque été contestées, voire démontées de bout en bout. Lesdites erreurs sont donc compréhensibles. Mais le propos de ce "Sorcières, sages-femmes et infirmières" n'en demeure pas moins incisif et important. le long processus de confiscation du domaine médical par les hommes et par la classe dominante est une réalité, et le dire en 1973 demandait un courage certain. Cela manifestait aussi une volonté forte de redonner aux femmes un rôle de premier plan dans l'univers du soin et de la médecine, alors qu'elles avaient, en particulier aux Etats-Unis, été reléguées aux emplois subalternes.
Pour tous ceux qui s'intéressent au féminisme ainsi qu'à l'histoire sociale, cet essai est donc à découvrir absolument.
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Ce pamphlet date du début des années 1970, décennie où l'on voit le féminisme américain de la « deuxième vague » s'approprier l'histoire, la mythologie et même le symbolisme de la sorcière comme emblème de l'exclusion des femmes d'une société et d'une économie en mutation, expulsion perpétrée par des massacres de proportions inouïes. Cette réappropriation concerne souvent un aspect spécifique d'une telle exclusion, ainsi qu'un côté particulier de l'oppression qui de toute évidence ne recouvre pas la réalité historique de la chasse aux sorcières, qui s'est étendue sur plus de quatre siècles (du XIVe au XVIIe) et sur un territoire très vaste. Silvia Federici, par ex. (dès 1984), dans sa lecture du mythe de la sorcière, se penchera sur l'expulsion de la paysannerie des terres communales dans l'optique de la relégation de la femme dans l'économie du travail domestique non rémunéré.
Par contre ici, malgré un petit aveux d'incomplétude, les autrices s'intéressent à l'expulsion des femmes du système de la santé – administration des soins et obstétrique – par leur accusation de sorcellerie dans l'Europe de la Renaissance, et, avec une répétition tout à fait analogue, par leur interdiction d'exercer la médecine aux États-Unis à partir des années 1830-1840. Naturellement ce rapprochement analogique a tous les défauts de l'anachronisme mais il possède aussi tout le charme de l'analyse diachronique. La situation de départ, à la veille de la « guerre » patriarcale, semble être une très considérable prévalence en nombre des femmes guérisseuses sur les hommes médecins, et surtout leur appartenance à et leur exercice au sein des classes dominées – paysannerie médiévale et classe populaire préindustrielle – contrairement à eux ; le déroulement des conflits présente aussi des analogies : de s'inscrire dans le cadre d'une métamorphose économique plus vaste – urbanisation/réaménagement des espaces productifs tard-médiévaux, industrialisation naissante – ainsi que dans une « convergence des luttes » de plus grande envergure que l'on pourrait définir de « féministe » autant que de « lutte des classes » par simplicité mais sans caricature. Enfin, l'analogie la plus intéressante est sans doute l'appareil idéologique mobilisé dans le déroulement de l'éviction des femmes pourvoyeuses de soins : respectivement la religion et le positivisme « scientifique », qui s'opposent dans les deux cas à un savoir empirique et à une transmission non maîtrisée de celui-ci. L'issue est différente : le massacre des sorcières et l'enfermement déclassant des soignantes dans le statut subordonné voire servile d'infirmières qui, à l'époque de Florence Nightingale, relevait totalement de la domesticité et ne supposait aucune compétence.
Il faut ajouter que l'histoire du Mouvement populaire pour la santé, emblème de la résistance des femmes soignantes américaines du XIXe siècle, « qui fut un mouvement massif aux États-Unis » comme le rappelle la traductrice en note (p. 70), est totalement ignorée en France ; la situation sanitaire européenne étant par ailleurs très différente à l'époque. Ainsi, les manques de l'exposé sur les chasses aux sorcières historiques sont palliés par ce pan-là de l'Histoire.
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Sorcières, sages-femmes et infirmières est présenté comme un incontournable de la réflexion féministe. Et pour cause, il s'agit du premier ouvrage à ouvrir la voie de la recherche historique sur le corps médical, et en particulier sur la manière dont les femmes traditionnellement porteuses de soins ont été évincées de la médecine telle que nous la connaissons aujourd'hui. Ce récit historique est à replacer dans le contexte des chasses aux sorcières qui débutent à la fin du Moyen-Âge et se perpétuent jusqu'au XVIIe siècle. Les sages-femmes et soignantes sont progressivement remplacées au chevet des parturientes et des malades par des médecins soi-disant formés, des hommes imbus de savoirs théoriques et dont les remèdes (saignées et autres usages de sangsues) se sont avérés dans les premiers temps plus nocifs qu'autre chose.
Le pamphlet de Barbara Ehrenreich et Deirdre English, rédigé dans les années 1970, est très court - 120 pages à peine - et accessible à tous. Il a l'intérêt de poser les bases de travaux tels ceux de Silvia Federici - nettement moins digeste mais beaucoup plus complet ! Il permet d'amorcer une réflexion sur l'histoire oubliée des femmes soignantes. Malgré tout, je l'ai trouvé un peu "léger" au regard du prix proposé par l'éditeur et je regrette que la bibliographie originale n'est pas été complétée par des écrits plus récents. J'ai lu dans la foulée Fragiles ou contagieuses : le pouvoir médical et le corps des femmes, également intéressant mais avec les mêmes types de réserve. Je regrette - pour nos pauvres bourses - que Cambourakis n'ai pas pris le parti de publier les deux volumes en un seul.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
A une époque que nous associons aujourd'hui à la Renaissance en Europe et aux premiers signes de la révolutions scientifique, les chasses aux sorcières furent un pas en arrière vers l'ignorance et l'impuissance et pas seulement pour les gens de la classe populaire qui perdirent un si grand nombre de leurs soignantes traditionnelles.
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La répression des femmes soignantes par l’institution
médicale fut une lutte politique, d’abord parce
qu’elle s’inscrit dans l’histoire de la guerre des sexes en
général. Le statut des femmes soignantes s’est amélioré
et a décliné parallèlement au statut des femmes.
Lorsque les femmes soignantes étaient attaquées, elles
l’étaient en tant que femmes ; lorsqu’elles se défendaient,
elles se défendaient au nom de toutes les femmes.
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On prétendait que les sorcières avaient pris
du plaisir à copuler avec le diable (en dépit de l’organe
glacé qu’il était réputé posséder) et qu’à leur tour elles
contaminaient les hommes. La luxure chez l’homme
comme chez la femme était toujours imputée à la femme.
D’un autre côté, les sorcières étaient accusées
de rendre les hommes impuissants et de provoquer la
disparition de leur pénis. Pour ce qui est de la sexualité
féminine, on les accusait de fournir une aide contraceptive
et de pratiquer des avortements.
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Les chasses aux sorcières n'éliminèrent pas totalement les femmes guérisseuses des classes populaires, mais elle les étiquetèrent à jamais comme superstitieuses et malveillantes. Elles furent si profondément discréditées parmi la classe moyenne émergente qu'aux XVIIe et XVIIIe siècles, les praticiens masculins purent effectuer de sérieuses incursions dans le dernier domaine réservé de la médecine féminine, l'obstétrique. Des praticiens masculins non-professionnels, les « barbiers-chirurgiens », menèrent l'assaut en Angleterre, revendiquant une supériorité technique sur la base de leur utilisation du forceps obstétrical. (Le forceps fut classé légalement comme instrument chirurgical, et la loi interdisait aux femmes la pratique de la chirurgie.) Entre les mains des barbiers-chirurgiens, la pratique de l'obstétrique parmi la classe moyenne se transforma rapidement d'un service de voisinage en une activité lucrative, que les « vrais » médecins ne tardèrent pas à investir en force au XVIIIe siècle. Les sages-femmes anglaises s'organisèrent et accusèrent les intrus masculins de mercantilisme et d'utilisation dangereuse du forceps. Mais il était trop tard – ces femmes purent facilement être dénigrées comme de « vieilles bonnes femmes » ignorantes s'accrochant aux superstitions du passé.
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Nommer sorcière celle qui revendique l'accès aux ressources naturelles, celle dont la survie ne dépend pas d'un mari, d'un père ou d'un frère, celle qui ne se reproduit pas, celle qui soigne, celle qui sait ce que les autres ne savent pas ou encore celle qui s'instruit, pense, vit et agit autrement, c'est vouloir activement éliminer les différences, tout signe d'insoumission et tout potentiel de révolte. C'est protéger coûte que coûte les relations patriarcales brutalement établies lors du passage du féodalisme au capitalisme.
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Vidéo de Barbara Ehrenreich
Isabelle Cambourakis - Présentation de la collection Sorcières .Isabelle Cambourakis présente la collection Sorcières : "Rêver l'obscur, femmes, magie et politique" de Starhawk. Traduit de l'américain par Anne Querrien aux éditions Cambourakis. http://www.mollat.com/livres/starhawk-rever-obscur-femmes-magie-politique-9782366241211.html "Sorcières, sages-femmes et infirmières, une histoire des femmes soignantes" de Barbara Ehrenreich - Deirdre English aux éditions Cambourakis. http://www.mollat.com/livres/ehrenreich-barbara-sorcieres-sages-femmes-infirmieres-une-histoire-des-femmes-soignantes-9782366241228.html Notes de Musique : ?The Wicked Witch? (by Francesco Lettera). Free Music Archive.
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