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Garth Ennis (Autre)Russ Braun (Autre)
EAN : 9782809495874
160 pages
Panini France (14/04/2021)
3.43/5   14 notes
Résumé :
Douze ans après la fin de The Boys, Hughie retourne en Écosse, où il compte enfin épouser Annie en compagnie de ses amis et de sa famille. C'est sans compter l'apparition d'un étrange document, qui menace de réveiller le passé de Hughie et de gâcher sa vie. En effet, Hughie ignorait une histoire à propos de ses anciens équipiers, aujourd'hui il va la découvrir, que ça lui plaise ou non. Événement ! Alors que la série The Boys de Garth Ennis est plus populaire que ja... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La vie n'est pas juste.
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Ce tome fait suite à The Boys, tome 19 : On ne prend plus de gants (2012, épisodes 66 à 72) qu'il faut avoir lu avant, car il est fait référence aux événements qui s'y sont déroulés. Il regroupe les 8 épisodes de la minisérie, initialement publiés en 2020, écrits par Garth Ennis, dessinés et encrés par Russ Braun, mis en couleurs par Tony Aviña, avec des couvertures réalisées par Darick Robertson. Il s'ouvre avec une introduction de deux pages, rédigée par Erik Kripke, le responsable de la série télé The Boys.

Au temps présent, douze ans après l'attaque de la Maison Blanche et la confrontation à l'Empire State Building, Hughie Campbell est en position foetale par terre, dans ses toilettes, avec un journal intime devant lui. Il avait passé la soirée avec son pote Bobbi, un homme en cours de transition pour être une femme, à évoquer le passé, à parler de tout et de rien, et du politiquement correct, en descendant quelques pintes. Dans ses toilettes, Hughie se retrouve un peu de courage et essaye de reprendre sa lecture, mais il se recroqueville sans avoir touché le journal. Bobbi et Hughie étaient allés boire une dernière canette en regardant l'océan, et en continuant à papoter sur l'état déplorable du monde. Bobbi lui demande encore une fois quand il va se marier avec Annie January. Hughie reçoit un message sur son téléphone lui indiquant qu'il a reçu un colis qui l'attend sur la table. Il rentre chez lui, se rend aux toilettes et s'y assoit. Il ouvre le paquet qu'il a pris avec lui, découvre que c'est un journal intime, entame la lecture. Il tombe littéralement des toilettes, ayant l'impression que Billy Butcher est à nouveau vivant en train de lui parler.

Chère Becky, je me sens bizarre à t'écrire comme ça. C'est encore plus bizarre d'écrire dans ton journal intime parce que c'est quelque chose qui t'appartenait. Je ne savais pas que tu en tenais un, mais c'était le tien. Quand j'ai lu ce qu'il contenait, je suis devenu carrément frappé, je n'ai jamais été aussi en colère de toute ma vie. Mais c'est quelque chose qui t'appartenait et rien que de le toucher me donne l'impression que le sol bouge sous moi, parce que tu n'es plus là. À nouveau, Hughie éprouve la sensation que Billy est présent en train de lui parler, comme s'il était encore vivant. Il finit par retrouver ses esprits, tout en restant prostré au sol, et à reprendre sa lecture. Billy Butcher continue de coucher ses pensées sur le papier, en indiquant que c'est comme s'il pouvait encore parler à sa femme. Il se souvient d'une intervention avec les Boys, dans les toilettes d'un endroit public. Ils avaient réussi à coincer un jeune garçon et à lui maintenir la bouche fermée. Frenchman tient le garçon immobile avec les bras dans le dos. Femelle s'occupe de la langue du garçon : elle la sectionne avec un rasoir. Billy Butcher aide à maintenir le garçon agenouillé au sol, Greg D. Malory et Mother's Milk se tiennent en retrait observant Femelle en train d'effectuer sa besogne.

Huit ans plus tard, le scénariste revient à sa série qu'il avait clôt de manière définitive, profitant de l'engouement pour la série télévisée. Était-ce bien nécessaire ? Voilà une question que le lecteur peut légitiment se poser. Il commence par noter que l'auteur est revenu avec les membres de l'équipe originelle : le même dessinateur qui a assuré les deux dernières années de parution de la série initiale, et le dessinateur initial qui réalise ici les 8 couvertures. Ensuite, Ennis ne cherche pas à revenir à un statu quo tiède, ou à rejouer une scène de la série initiale. Il propose une suite, ou plutôt un épilogue pour le couple d'Annie et de Hughie, ainsi qu'un retour en arrière sur une phase de développement essentiel de Billy Butcher dans sa guerre contre les superhéros. Par la force des choses, le lecteur arrive avec un certain nombre d'idées préconçues sur ce qu'il va trouver dans ces épisodes, et un horizon d'attente déjà bien figé : le scénariste va s'en donner à coeur joie pour traîner le principe de superhéros dans la boue, avec des moments de violence sadique énormes, à la fois comique et insoutenable, et une vraie tendresse pour ses personnages, et bien sûr les dessins n'auront pas autant de goût que ceux de Robertson. de ce point de vue, le premier épisode confirme tous ces a priori, sauf un. Il commence avec un dessin en pleine page d'un individu dans les toilettes en position foetale : une atteinte au bon goût, classique et efficace. Mais le dessin est loin d'être fade, et l'expression qui se lit sur le visage de Hughie est aux petits oignons. Ensuite, une discussion entre potes autour d'une bière : typiquement Ennis, et à nouveau un langage corporel expressif, un bon degré de détail dans les décors, un plan de prise de vue intéressant et adapté. La scène de neutralisation d'un superhéros : un moment Ennis pur jus, avec des adultes s'en prenant à un enfant, une langue sectionnée (mais proprement), et des dessins jouant avec ce qui n'est pas montré pour augmenter le niveau d'horreur avec efficacité.

Bien sûr, on peut regretter que Darick Robertson ne dessine pas cette minisérie. On peut aussi se dire que si elle n'avait vu le jour qu'à la condition qu'il en soit l'artiste, elle n'aurait jamais existé. En outre, Russ Braun a conservé le niveau auquel il était arrivé à la fin de la série, et il est très bon. Il s'investit pour représenter les différents lieux, en allant dans les détails pour les rendre uniques qu'il s'agisse de scènes en intérieur ou en extérieur. Il reproduit parfaitement l'apparence des personnages qu'il a dessinés pendant plus de deux ans, montrant que Annie et Hughie ont pris de l'âge. Il reproduit à la perfection les mimiques particulières de chacun des membres de The Boys. Il est parfaitement en phase avec ce que raconte le scénariste, que ce soit pour la direction des acteurs, ou pour la mise en scène. Seuls ses traits de contour moins acérés que ceux de Robertson rendent les quelques séquences violentes moins intenses. de ce point de vue, le lecteur se félicite rapidement de retrouver Russ Braun car l'artiste fait honneur à l'histoire en se mettant à son service, plutôt que de vouloir se mettre en avant. Tony Aviña était déjà le coloriste de la précédente série, et le lecteur retrouve sa propension à en faire un tout petit peu de trop pour augmenter le relief de chaque surface avec des variations de nuance d'une couleur.

Garth Ennis a donc décidé d'entremêler deux lignes temporelles avec le présent (12 ans après la fin de la première série), et l'arrivée du journal intime de Billy Butcher retraçant une période bien précise de sa vie, les mois qui ont suivi la mort de son épouse. Au temps présent, l'enjeu est de savoir comment va évoluer le couple d'Annie et Hughie, et ce qu'ils sont devenus. Au temps passé, l'enjeu réside dans la création d'une autre équipe de superhéros, britannique celle-ci sous la houlette d'un professionnel des relations publiques. Finalement, l'auteur massacre quelques superhéros mais sans creuser plus encore ce thème qu'il avait développé dans la série mensuelle, et les moments Ennis sont peu nombreux, l'enjeu n'étant plus d'établir un nouveau record d'outrage. Il faut quand même un minimum d'ouverture d'esprit au lecteur pour apprécier ce qu'il lit, à commencer par la représentation d'une personne transgenre qui n'est pas flatteuse, mais on n'est pas non plus obligé d'y voir une provocation condescendante. L'artiste respecte certainement les consignes du scénariste dans la représentation qu'il en fait, et Bobbi est montré comme un personnage positif, sans mépris ou fausse empathie. La dynamique de l'intrigue repose sur un jeu du chat et de la souris, l'équipe de The Boys essayant de comprendre la stratégie de Julian Baxter-Pugh avec son équipe de Superhéros Skorchers, pour pouvoir les neutraliser au plus vite, ou même l'instrumentaliser contre Vought American. Les dessins montrent des individus très ordinaires, et même peu malins affublés de sobriquets offensants, et de costumes plus ridicules que provocateurs. Comme à son habitude, Ennis a la main lourde sur les dialogues explicatifs pour faire avancer l'intrigue quand les Boys se perdent en conjectures sur les manipulations des uns et des autres, la présomption de complot se mariant bien avec une forme de paranoïa spéculative. En fonction de son investissement, le lecteur se retrouve plus ou moins impliqué dans cette intrigue.

Mais s'il est revenu pour cette minisérie, il y a fort à parier que le lecteur est également fortement investi dans les personnages, et qu'il apprécie les remarques en passant de l'auteur sur telle ou telle facette de la société. de ce point de vue, il est servi avec une discussion tournant en dérision le politiquement correct, aboutissant à une impasse stérile quand il est pratiqué de manière littérale. Par la suite, il relève des points de vue exprimés par différents personnages dénotant un auteur ayant déjà parcouru un bon bout de chemin dans la vie, sur des sujets variés : les secrets qui empoisonnent la vie de couple, le prêtre qui s'adresse à des moutons comme si c'était ses paroissiens, le fait de devoir accepter de vivre avec ce qu'on ne peut pas changer, les traumatismes que l'on continue de porter avec soi tout le long de sa vie, un avis tranché sur le Brexit, le fait que la vie n'est pas juste, la position très hypocrite des États-Unis dans le conflit israélo-palestinien, la décence de ne pas faire croire qu'on parle au nom de tout un genre. L'auteur n'est ni philosophe, ni politologue, ce qui ne l'empêche pas de faire preuve d'observation pénétrante. le lecteur se retrouve autant convaincu par ce qu'il met en scène du sevrage, que par la prise d'ascendance d'un individu sur un autre (Butcher est trop fort à ce jeu-là), ou par le retour sur la conclusion de Butcher dans la série mensuelle, sur le fait qu'un monde d'hommes sans femmes n'est pas une bonne idée. La déconstruction de l'asservissement de l'individu à l'entreprise, l'absence d'âme de cette dernière sont d'une lucidité glaçante.

Le lecteur se rend compte qu'il se joue d'autres choses dans le récit, que l'intrigue. Il met bien sûr en parallèle la relation amoureuse entre Becky & Billy, et celle entre Annie et Hughie. Mais cela va plus loin que ça. le fil narratif au temps présent permet de se faire une idée de la vie que peut mener un personnage incarnant un être humain plutôt bon, c'est-à-dire Wee Hughie, et comment il s'accommode du quarante-cinquième président des États-Unis, de la résurgence de son mentor si polémique. Au temps passé, le lecteur retrouve Billy Butcher, cet individu à la forte personnalité magnétique, sympathique et manipulateur. Il s'agit pour lui d'affronter la période deuil à la suite du décès de son épouse. Or c'est Billy Butcher, et il ne va pas se vautrer dans l'auto-apitoiement. L'histoire commence par rappeler clairement que c'est un individu usant de la violence comme d'un outil banal : le coupage de langue de ce jeune garçon qui se transforme en superhéros en prononçant le mot magique Shazam, ou le visage brûlé du superhéros Vikor dans le four crématoire où le corps de son épouse est en train d'être incinéré. le lecteur ne peut pas se laisser charmer par le sourire confiant d'un tel individu aussi cruel et sadique. Cette facette de sa personnalité apparaît comme prédominante sur les autres, quand bien même il sait la mettre à profit pour contrecarrer et neutraliser des individus totalement corrompus par leur pouvoir. de ce point de vue, cette histoire constitue une analyse psychologique très fine et élégante d'un individu motivé par une volonté de destruction, plutôt que par un idéal de construction.

Par la force des choses, le lecteur entame cette histoire avec des idées préconçues et des attentes rigidifiées. Il ne lui faut que quelques pages pour se rendre compte de la qualité de la narration visuelle : elle n'est pas simplement satisfaisante en dépit de l'absence de Darick Robertson qu'il aurait préféré retrouver, elle est de qualité. Ensuite, il trouve les passages qu'il attend, comme la violence sadique et les manipulations d'une cellule clandestine. Mais il sent bien que Garth Ennis raconte autre chose, pas simplement un épisode de plus, une mission de plus, et un épisode tire-larme de la vie de Billy Butcher. Il montre un individu à la personnalité envoûtante, dont la psychologie apparaît au travers de ses relations, dans toute sa complexité et toute sa monstruosité. Énorme.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
- Je ne suis pas malade, je ne vais nulle part. Mais s'il m'arrivait quelque chose, je voudrais être sûre que tu t'en sortirais sans moi.
- Oh, punaise, Becky, parle pas de ça...
- Je cherche pas à te faire peur. Mais je voudrais être sûre. Parfois tu parles de moi comme si j'étais plus que ce que je suis, Billy. Comme si tu plaçais tous tes espoirs en moi, et que tu ne ferais rien sans moi. Je sais qu'on plaisante sur ça et qu'il y a des choses que j'aimerais que tu fasses autrement, mais tu es libre, Billy Butcher.
- De quoi tu parles ? J'étais une foutue épave sans toi !
- T'étais un sacré numéro, je dis pas. Mais c'est toi qui a changé.
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À mon avis, c'est là le message central des livres comme de série. La vie est un tourbillon de merde, de corruption, de cupidité et de violence. Et ce ne sont certainement pas les grands actes des super-héros, des célébrités, des politiciens ou des tumeurs de mon cul qui la sauveront. Ce qui la sauvera, ce sont les centaines de minuscules petites actions insignifiantes du quotidien.

Eric Kripke
Novembre 2020
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Tu sais qu'on en sort jamais vraiment, n'est-ce pas ? Qu'on soit le bourreau ou la victime. Personne ne s'en sort. Je le vois au boulot avec les enfants. Les jeunes délinquants, comme on dit. Et chez ceux qui ont été rejetés. Ils gardent tout ça au fond d'eux. Toutes les horreurs qu'ils ont vécues. Ça ne part jamais. Ils restent en rogne, aigris, frustrés, blessés. Et un jour quand on s'y attend le moins, tout explose. Tu vois ?
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Je sais pas, Bobbi. J'ai jamais trop réfléchi à l'idée. J'ai vu des trucs dans ma vie... disons que j'ai vu ce qu'il y a de pire au monde. Et je vois pas les choses s'améliorer. Honnêtement, j'aime pas l'idée de balancer un gamin innocent dans ce merdier.
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