Ce tome fait suite à Au commencement... et il comprend les épisodes 7 à 12 qui forment une histoire complète.
Frank Castle est tranquillement assis dans un bar de Hell's Kitchen en train de prendre un café et un hamburger avec des frites quand une bombe explose dans le pub irlandais d'en face. Sans hésitation, il se précipite pour essayer d'aider quelques victimes et il finit par aider un pompier un peu jeunot. du coup il est encore sur place quand arrive la police ; l'un de leurs experts reconnaît immédiatement le résultat d'une bombe fabriquée par un multirécidiviste ayant surtout travaillé pour l'IRA.
Pendant ce temps là, Finn Cooley (le poseur de bombes) explique à
Michael Morrison et Peter Cooley (son neveu) qu'il souhaite surtout mettre la main sur l'héritage de Pops Nesbitt (l'ancien chef de clan de la branche irlandaise du crime organisé à New York, maintenant décédé). Or il y a 3 autres factions qui poursuivent le même but : les époux Tomy et Brenda Tonner (chefs du clan des Westies), les frère et soeur Polly et Eamon (responsables d'un groupe de pirates aux abords de New York) et Maginty, un grand black né en Irlande. Cependant la traversée de l'Atlantique par Finn Cooley n'est pas passée inaperçu et Yorkie Mitchell (un policier anglais qui a connu Castle au Vietnam), assisté de Andy Lorimer (le fils d'un policier victime d'un attentat à la bombe) demandent l'aide de Frank Castle pour mettre un terme aux carnages perpétrés par Finn Cooley.
À la lecture de ce récit, il y a une première surprise : le Punisher n'a qu'un second rôle et le dénouement aurait très bien pu se dérouler sans sa présence. Deuxième surprise :
Garth Ennis construit son histoire sur la base de la violence engendrée par des années de guerre en Irlande. Il est facile de voir que ce conflit a profondément marqué ce scénariste qui est né en Irlande du Nord. Ennis donne une interprétation sans appel des criminels d'ascendance irlandaise installés à New York. Il ne s'agit ni plus ni moins que de voyous des rues sans envergures ni jugeote qui se prennent pour des caïds qu'ils ne seront jamais. Pops Nesbott (le vieux émigré d'Irlande) est consterné par la génération suivante composée de crétins qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.
Derrière la violence, la cruauté et le sadisme des uns et des autres, se trouve une abyssale vacuité et une bêtise atterrante.
Garth Ennis déroule une suite d'horreurs, de massacres, de tortures et d'exécution sommaires qui créent une spirale d'autodestruction sans but, qui se nourrissent d'eux-mêmes sans aucun objectif.
Il faut avoir le coeur bien accroché pour lire cette histoire.
Garth Ennis n'y va pas de main morte et il a à nouveau concocté quelques moments qui provoquent des hauts le coeur incontrôlables (en particulier quand Castle mord un autre adversaire). Mais le conflit oppose des petites frappes sans envergure, incapables de s'extraire du cercle infernal de la violence. Aucune tuerie n'est gratuite ; elles servent toutes la mise en évidence implacable et sans appel de l'imbécillité des protagonistes.
Pour les illustrations,
Lewis Larosa a laissé la place à
Leandro Fernandez. Il utilise un style beaucoup plus clair avec des cases aérés, et des visages plus ronds. le contraste avec son prédécesseur n'est pas trop choquant dans les premières pages. Frank Castle est toujours aussi massif et son visage reste marqué par les rides. Chaque personnage dispose d'une physionomie particulière, plus ou moins développée. Fernandez met en scène des adultes qui adoptent des postures d'adultes, par opposition à des adolescents attardés qui gesticuleraient sans fin. Les illustrations du carnage après l'explosion de la bombe dans le pub prouvent tout de suite au lecteur que Fernandez se situe bien dans un registre adulte, malgré le simplisme de certaines cases. Son style lui permet de faire passer au lecteur l'horreur des corps déchiquetés des victimes et la destruction aveugle causée par l'explosion.
Le visage de Finn Cooley (dépourvu de peau suite à un autre attentat) créé un malaise à trop le regarder. La carrure et la gueule de Maginty génèrent une sensation de malaise et de crainte. le regard de Napper French (spécialiste des disparitions de cadavres encombrants) est hanté par les atrocités qu'il a commises, ainsi que par l'état de détachement dans lequel il se met pour se livrer à son art de dépeçage. Malgré tout, j'ai eu du mal à adhérer complètement aux graphismes de Fernandez qui se contente souvent d'un visage bien croqué au milieu d'une case de la largeur de la page sans aucun décor. Ce choix de mise en scène fait perdre de l'intensité visuelle au récit.
Après "Au commencement..." qui présentait Frank Castle comme incapable de faire autre chose que de l'abattage en série de criminels,
Garth Ennis nous présente des criminels pour qui tuer et torturer sont devenus l'activité centrale de leur vie. Il est possible d'y voir une comparaison avec Castle pour qui les exécutions de criminels ne sont qu'un moyen pour atteindre une fin, et non une fin en soi. Et puis
Garth Ennis dit au lecteur le fond de sa pensée sur la criminalité qu'a engendré l'Irlande. le Punisher continue d'exterminer les criminels dans Mère Russie, le tome suivant.