MERCI à Actes Sud qui a l'excellente idée de publier le premier roman d'Asli Erdogan...
qui ne me semble pas un "fond de tiroir", mais un récit autobiographique courageux, offrant de nombreux éléments personnels de la détermination, précoce des engagements, de la ténacité, convictions, de cette écrivaine insoumise et d'une lucidité transperçante !!...
Etonnante coïncidence... Je viens de lire avec un grand intérêt un recueil d'entretiens d'Annick Cojean " Je ne serais pas arrivée là si..."où je suis tombée sur l'entretien avec cette auteure turque... qui donne un éclairage supplémentaire ...de son parcours personnel et talentueux...
L'histoire d'une rencontre fulgurante et mystérieuse entre la narratrice, chercheuse en physique nucléaire, en université d'été, à la Jamaïque, en grand mal-être, et
un pêcheur de coquillages, noir, autochtone marginal et pauvre...symbole de tous les opprimés, les exclus, mais aussi de la différence d'un homme, prouvant le lourd tribu de la Liberté de penser, de vivre, mais tellement vital, précieux, pour conserver son intégrité et une acuité de perception sur le monde, pour tout individu,voulant réfléchir par lui-même ...!
J'ai découvert cette écrivaine en septembre 2017, lors d'une flânerie impromptue dans une petite librairie très littéraire de Murat (Cantal) où j'ai déniché "Le mandarin miraculeux" [ Actes Sud]. On retrouve quelques thèmes récurrents, et chers à Asli Erdogan: Erotisme et mort, rebellion, pulsions suicidaires, désespoir de vivre, bienfaits et limites de l'Ecriture et de la Littérature, beauté et sérénité de la nature, des animaux.. La Barbarie des humains , ainsi que l'Enfermement, sous toutes ses formes!!
Rappelons que cette auteure turque, a été emprisonnée pour délit d'opinion; que sous la pression internationale, elle a été libérée, mais elle se trouve toujours empêchée
de partir de son pays... et que son procès aura lieu en ce printemps 2018... [ *** rectificatif que m'a apporté Bookycooky- ", Asli Erdogan a obtenu son passeport et a quitté la Turquie.Elle avait l'intention d'y retourner mais sur l'insistance de ses proches et surtout de sa mère toujours en Turquie elle est désormais en exil à Francfort jusqu'à une date indéterminée ( source.Le Monde).]
Je ne peux m'empêcher de citer un extrait d'article de Marine Landrot, que je viens de parcourir , en y adhérant complètement, dans Télérama [ n° 3556 du 7 mars 2018]
" La sensibilité exacerbée, la détermination visionnaire, l'esprit de résistance:
tout ce qui fera la valeur inestimable d'Asli Erdogan est déjà contenu dans ce récit d'apprentissage autobiographique, implanté au fin fond des Caraïbes. Dans les années 1990, la jeune scientifique désargentée qu'elle était vit comme une aubaine la possibilité de participer à un séminaire de physique des hautes énergies, au milieu des îles Vierges américaines. Elle n'avait pas prévu que l'université d'été ressemblerait à une geôle dorée, avec interdiction de profiter de la plage, et obligation de rester huit heures par jour entre quatre murs à bûcher sur des problèmes de particules
élémentaires, sous la houlette d'un professeur misogyne et dictatorial."
Un roman captivant, qui offre toutefois un univers sombre, oppressant, fourmillant des ambiguïtés humaines, avec des éclairs, instants magiques, flamboyants de répit, de poésie, et d'élan vers l'Autre !
Excellent livre...écrit , rappelons-le, par une jeune femme
née et ayant vécu la plus grande part de sa vie en Turquie,dans une société répressive , dictatoriale, misogyne..., texte aux nombreux échos personnels, qui nous emporte dans des états perturbants , dérangeants et paroxystiques...Balancements constants entre la violence, l'Amour de la Vie, l'attirance des ténèbres, de l'Obscur de l'Humain, mais aussi le flamboyant de la Littérature, du savoir lorsqu'il est intiment lié à des qualités humaines, d'une rencontre authentique... qui redonne l'élan de Vie !
" Mon enfance avait été marquée par la violence, et quoiqu'elle me donnât la nausée, c'était l'un des éléments fondateurs de ma personnalité. " (p. 100)
"Je suis sûr au contraire que tu as peur des choses dont tu dis ne pas avoir. Et que tu veux ce que tu dis ne pas vouloir. Ce n'est pas du désespoir, c'est juste de la lassitude.
Tout le monde a de l'espoir.
- Non, pas moi. Quand je dis que je n'ai pas peur, je veux dire que rien ne me fait vraiment peur. Tout peut bien m'arriver, c'est comme si je m'en fichais. Comme si
je regardais en spectatrice les malheurs de quelqu'un d'autre. Il n'y a peut-être qu'une seule exception, la torture. La douleur physique ,je ne pourrais pas la
supporter, ça c'est vrai." (p. 113)
Je renouvelle d'abondants remerciements aux éditions Actes Sud qui publie cette auteure depuis 2003, ainsi qu'à mes camarades- Libraires [ Librairie Caractères / Issy-Les-Moulineaux] qui m'ont prêté cet ouvrage, reçu en service de presse, il y a déjà deux semaines... qui m'ont ainsi permise de lire ce premier roman, très rapidement ! et pour mon plus grand intérêt ...
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C'est un étrange récit que celui que nous offre Asli Erdogan. L'homme Coquillage est un caribéen rencontré par une jeune chercheuse en physique nucléaire lors d' un séminaire sur l'île Sainte-Croix. Ils vont , en quelques heures volées aux cours qu'elle ne suivra pas, se parler, se regarder, explorer l'île , ses beautés et ses dangers. le passé de Tony, l'homme coquillage, est fait de souffrances et d'ombre. Très rapidement un drôle d'amour s'installe entre eux et les rencontres qu'ils feront amèneront l'auteur à poser les vraies questions à son lecteur: jusqu'où peut aller la tolérance? Quel regard porte-on à l'autre, celui qui est si différent de nous? le poids de notre histoire nous permet-t-il d'accéder à n'importe quelle histoire d'amour?
N'est-on pas seul toute la vie?
C'est remarquablement écrit, une réelle sensualité émane des mots et des images.
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L'histoire se passe aux Caraïbes, et raconte l'histoire d'une passion décalée, inattendue. Une chercheuse participe à un workshop d'entreprise, dont elle va fuir les réunions, déçue de l'attitude sexiste de ses supérieurs. C'est ainsi qu'elle va rencontrer Tony, un rasta qui vend des coquillages sur les plages. Dans ce premier roman d'Ashli Erdogan, j'ai été passionnée par l'union de deux mondes différents, par cette amitié allant au-delà des pensées reçues. La tendance digressive du texte est tout à fait fluide et agréable à suivre. C'est un style bavard et sincère. On part à la connaissance des Caraïbes d'une façon agréable, en se disant que le monde pourrait être plus petit, si l'on voulait plus souvent. L'art descriptif de cette auteure est magistral et cet univers d'ailleurs est resté imprimé dans ma mémoire.
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