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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Peur" et "solitude" sont des mots qui reviennent très souvent dans ce roman. Et "amour", celui avec un grand A. Comment faire en sorte que les deux premiers n'empêchent pas le troisième ? C'est la question que la narratrice ne se pose même pas, en tout cas au début du roman. Femme, jeune, turque, voilà deux ans que cette chercheuse en physique nucléaire est parvenue à se faire engager dans le labo le plus prestigieux d'Europe. A se faire enfermer, faudrait-il plutôt dire. Forçats de la science, elle-même et ses collègues, sous pression constante, n'ont aucune vie en dehors de la recherche nucléaire. La différence, c'est que la narratrice, elle, en est consciente. Dans ce milieu machiste et étriqué, elle vit en permanence au bord du gouffre des difficultés financières, de l'isolement et de la dépression. Parfois elle y tombe. Un été, elle s'inscrit à un séminaire organisé sur l'île de Sainte-Croix dans les Caraïbes. Pendant les rares moments libres, elle s'aventure seule sur la plage, dangereuse pour les touristes blancs dès la nuit tombée. Elle y rencontre Tony, Jamaïcain, pêcheur de coquillages au physique ingrat, couturé de cicatrices. Leurs souffrances s'attirent et se reconnaissent. D'abord terrifiée à l'idée qu'il pourrait la tuer, elle fait peu à peu confiance à cet homme étrange, meurtri, qui lui parle avec des mots à la fois très simples et très profonds. Il se crée entre ces deux êtres une relation très pure, loin des calculs et du cynisme. Elle qui avait oublié qu'elle était une femme se redécouvre belle, désirable, aimable (avec un grand A). Elle qui a tant souffert dans sa jeunesse de la violence de la société turque, misogyne et répressive, redécouvre la liberté d'être elle-même, et le respect.
Dit comme ça, on dirait une improbable histoire de belle et de bête à l'eau de rose. Mais la chaleur torride des tropiques, l'insécurité sur l'île, le rhum et la marijuana en font tout autre chose. C'est l'histoire – certes improbable – d'une rencontre foudroyante, incandescente. Quasiment une révélation pour cette jeune femme habitée depuis si longtemps de pulsions suicidaires, et dont les dernières bribes d'élan vital vont se renouer sous le soleil de feu des Caraïbes. Une relation âpre, franche et ambiguë, d'amour ou d'amitié, entre une femme éprise de liberté mais enfermée dans sa carapace de peur et d'intellect, et un homme proche de la nature, dont la vie est émaillée de violences. Sur fond de racisme Blancs vs Noirs, la jeune Turque, étonnée d'être considérée comme Blanche, est extirpée des abysses de son mal-être par un pêcheur rasta, et chemine vers la sortie de sa coquille, non sans quelques écorchures. L'amour, la peur, la mort, la douleur, la passion, la tristesse, mais au bout du tunnel, la vie, l'espoir, peut-être.
Premier roman (largement autobiographique, paraît-il) d'Asli Erdogan, ce livre parle d'authenticité, d'intérêt pour le genre humain, de force et de courage. Poétique, flamboyant, ensorcelant, déchirant, je n'en ressors pas indemne. Ce portrait de femme est d'une puissance folle.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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« Tout le monde a peur du noir, mais il faut savoir s'ouvrir à la lumière que les ombres portent en elles »

S'ouvrir, c'est bien de cela dont il est question avec ce roman fascinant, au sens premier du terme. Car oui ce livre m'a fascinée, envoûtée, charmée.

S'ouvrir aux autres, et par là même (oser) aller à la rencontre de soi.

S'ouvrir à l'amour, au corps, à la vie.

Oui, s'ouvrir au monde physique, alors qu'on est soi-même une éminente physicienne. Monde physique à comprendre ici dans le sens de monde concret, monde réel, monde fait de chair, de sang et de misère aussi :

« Les concepts abstraits, la précision, la pensée analytique des latitudes nordiques n'avaient pas leur place ici ; on laissait libre cours à des sensations purifiées, affûtées, on se déshabituait du réel, une voie toute en courbes semblait se dessiner. Vivre au gré des sens. Sentir le soleil qui brûle à faire fondre les os, les doigts courts et humides de la pluie, le vent qui lèche le corps comme une langue chaude. Sous un ciel dont les couleurs jamais ne s'éteignent, découvrir son corps, apprendre qu'il existe ; boire à petites gorgées le rythme vibrant, lent et coloré de la vie tropicale. »

Un lieu bien loin du monde des idées et des théories absconses de l'univers académique qui se voudrait policé, bien propre, bien régenté, alors qu'il est traversé de luttes intestines, de combats de chefs, de concurrence déloyale, de trahisons, dignes de la plus cruelle loi de la jungle (pour autant que celle-ci existe).

Un livre très lucide sur la prétention des Occidentaux à connaitre la vie mieux que les peuples du Sud. Une éloge de la rencontre de l'Autre, quel qu'il soit : misérable, souffreteux, malhonnête (peut-être), lui aussi en proie à ses contradictions. Un livre pour aller au-delà de ses préjugés...

« L'Homme Coquillage était mon oracle de Delphes, celui qui me poussait à me poser les bonnes questions et à trouver moi-même les réponses. »

Oserez-vous rencontrer votre oracle de Delphes ? Oserez-vous vous y plonger ? Oserez-vous tendre l'oreille et apprendre le chant de la vie ?
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L'Homme Coquillage qui m'a appris le chant de l'océan, Tony l'Homme Coquillage que j'ai aimé d'un amour profond, féroce et irréel.

Avez-vous rencontrer votre "Homme Coquillage" ?
Celui qui d'un regard vous subjugue et vous emmène très loin de la réalité, vous fait chavirer le coeur et les sens et vous fait vous interroger sur le sens de votre vie et votre devenir.
Non ?

Alors, entrez dans ce livre comme on entre dans un monde inconnu et laissez vous attirer par les mots et par les sentiments ambigus, tout à tour effrayants et fascinants.
Venez flirter avec la mort, la terreur mais aussi avec une force étrange qui vous amènera au bord de l'abîme de vous-même.

Venez voir les Caribéens qui dansent la vie, jouent avec la mort et déplacent avec eux des ondes de sensualité telles que vous en serez bouleversé jusqu'au bout de la plus petite terminaison nerveuse de votre corps.

* Telle était la pluie des Tropiques. Indécise et entreprenante , tel un amour passionné.

(p.70) J'étais désemparée face à ce talent qu'avait Tony d'entendre l'indicible et de faire la lumière au fond des abysses intérieurs.

(p.95) Mais je sais à présent que s'il est facile de réprimer le désir, l'oublier est impossible.
Domination absolue du corps sur l'esprit.

En terminant ce livre où foisonnent la sensibilité, la peur, les questionnements, moult sentiments et une sensualité à fleur de peau ; je me demande s'il est tiré d'une histoire vraie tellement l'auteure a su faire vivre tout cela avec une intensité telle qu'on se croirait au dessus d'un abîme sur une corde raide où tout peut basculer d'un instant à l'autre .
Rêve, fantasme ou réalité ?

Personnellement j'ai vraiment adoré ce voyage intérieur peu banal.
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La narratrice, physicienne turque, participe à une université d'été à Santa Cruz avec Maya, une collègue et amie grecque. Ils sont 80 à suivre des exposés pendant deux semaines, mais très rapidement la jeune chercheuse décroche et en profite pour apprécier et découvrir cette île sous un climat tropical qu'elle ne connaît pas. Sa rencontre avec Tony, un homme noir, petit et laid qui vend des coquillages, va transformer sa vie...Au fur et à mesure de leurs rencontres et surtout de leurs discussions, l'homme coquillage, avec son regard perçant et sa sensibilité hors norme, devine les failles et les peurs de la jeune femme...Ils semblent partager les mêmes blessures et les mêmes traumatismes. Malgré une grande attirance mutuelle, ils ont du mal à à se rapprocher, craignant de faire disparaître leurs sentiments, ou de les rendre triviaux. 

Une première rencontre avec cette auteure turque, Asli Erdogan, avec ce roman étrange dans lequel elle fait preuve d'une grande sensibilité dans l'analyse des sentiments de son héroïne, perdue et fermée, qui réagit violemment à son alter ego, qu'elle identifie dans l'homme coquillage. Avec intelligence elle livre des descriptions tantôt compréhensives, tantôt cyniques du microcosme des chercheurs qu'elle connaît bien, ce groupe auquel elle appartient et dont elle cherche à s'émanciper, et elle pose un regard sévère sur le racisme et la violence qui sévissent dans l'île, la pauvreté et les trafics de drogues renforçant ce climat de violence. 
L'homme coquillage est un coup de coeur, avec une plume intelligente et sans concession, servie par une traduction très littéraire (avec passé simple, subjonctif et grammaire riche, quel bonheur - un grand merci au traducteur Julien Lapeyre de Cabanes).
Asli Erdogan est pour moi, une auteure à suivre. 
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C'est l'histoire d'un « amour, profond, féroce et irréel ». « "D'une force qui rend fou, d'une passion faite des rêves les pus secrets et de désirs jamais assouvis, d'une amitié miraculeuse scellées aux frontières de la vie et de la mort, l'histoire de cette peur par où commencent tous les désastres, cette peur représentatives de l'être humain, et de sa lâcheté, sa solitude désespérée » .
C'est l'histoire d'un corps, de ses mémoires, c'est l'histoire d'un désir qui ne peut s'oublier. L'histoire de deux coquillages unis et à jamais séparés.
C'est un voyage au bout d'elle même.
C'est l'histoire d'un homme coquillage qui savait un papillon prisonnier ,
c'est l'histoire d'une amitié, de ce qu'elle vous donne, de ce qu'elle vous prend, et de tout ce qu'elle vous laissera.
C'est l'histoire de nos solitudes.

C'est envoûtant, enivrant, ça a le grand pouvoir de vous rendre vivant.

Premier roman d'Asli Erdogan. Et il aurait été dommage qu'il n'arrive pas jusqu'à nous. Grâce à la traduction de Julien Lapeyre de Cabanes, voilà donc qui est fait.

« Chaque coquillage incrusté
Dans la grotte où nous nous aimâmes
A sa particularité
L'un a la pourpre de nos âmes
Dérobée au sang de nos coeurs
Quand je brûle et que tu t'enflammes ;
Cet autre affecte tes langueurs
Et tes pâleurs alors que, lasse,
Tu m'en veux de mes yeux moqueurs ;
Celui-ci contrefait la grâce
De ton oreille, et celui-là
Ta nuque rose, courte et grasse ;
Mais un, entre autres, me troubla. »
Paul Verlaine, Les Coquillages, Fêtes galantes.

« L'homme coquillage » : un très beau roman.

Astrid Shriqui Garain
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*Premier roman
Asli Erdogan est une journaliste turque qui a été emprisonnée plusieurs mois avant, que sous la pression internationale, elle soit libérée.

“ - Quand le ciel est couvert d'étoiles, c'est qu'il ne pleut pas beaucoup."
Je redressais la tête. Une voûte immense peuplée d'étoiles froides et mouillées était suspendue au-dessus de la masse sombre et infinie de l'océan. Comme des joyaux épinglés sur un tissu de mousseline noire.”

Une chercheuse décide d'assister à une assemblée plénière d'été, donnée sur une île des Caraïbes par son employeur. Ce n'est pas pour assister à la série de séminaires qu'elle s'y trouve, mais, pour profiter de la plage et de la mer. Elle y fait la rencontre de l'homme coquillage … un homme qui vend les coquillages pêché le matin près des récifs de corail. Par ses propos poétiques et d'une grande sagesse une relation particulière naît entre eux ….

Roman absolument magnifique, qui fait réfléchir sur ce qui est réellement important dans la vie ….
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C'est dans cet endroit féerique que notre auteur va raconter son séminaire dans les îles, riche en poésie, j'ai vraiment eu l'impression d'y être à nouveau.
La musique rythmée, le soleil et les plages des caraïbes vont faire de ce voyage un moment de pèlerinage pour son âme écorchée.
L'homme coquillage va lui apporter la clé contre son mal de vivre, cette jeune femme a soif de liberté et parfois la haine refait surface quand elle pense aux violences qu'elle a subit.
C'est ainsi qu'ils vont tous les deux se livrer l'un à l'autre et délivrer leurs souffrances du passé en sirotant quelques cocktails et en fumant quelques pétards au bord de mer.
Tony est un rasta et elle une jeune femme qui découvre la vie et qui a soif de profiter de ses moments intenses tout en ayant peur de ses sentiments.
Elle aime danser, elle aime boire et elle aime s'évader de ce monde cruel tout en restant cette petite fille abimée, elle va devoir travailler sur elle pour de nouveau avoir confiance aux hommes.
L'homme coquillage est un homme abimé mais qui malgré son vécu survit paisiblement sur son île, une personnalité qui a attiré notre jeune scientifique turque et qui lui a permis de comprendre beaucoup de choses.
Elle va mettre de côté ses collègues scientifiques afin de pouvoir se libérer complétement et enfin elle sait que l'écriture sera très importante dans cette nouvelle vie.
Une belle histoire d'amitié avec des sentiments d'amour qui grandissent au fur et à mesure de ce voyage qui hélas prendra fin trop rapidement.
Le livre d'Aslı Erdoğan m'a interpellé et j'ai beaucoup aimé, c'était un retour dans les îles tout en poésie, des souvenirs plein la tête de mon séjour en République Dominicaine.
Ce roman est un hymne à la liberté et surtout il m'a fait du bien et j'ai compris surtout que l'important c'est de rester soi-même.
Lien : https://sabineremy.blogspot...
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Premier roman publié en français de l'auteure turque Asli Erdogan (qui a passé, rappelons-le, six mois dans les geôles de son homonyme pour avoir soutenu les Kurdes et défendu les droits de l'homme), d'inspiration autobiographique, ce texte m'a touchée au coeur ! Je l'ai lu d'une traite, happée que j'étais par cette histoire d'amour impossible entre une jeune physicienne turque expatriée à Genève et un pêcheur de coquillages caribéen petit et laid dont la peau est cousue de cicatrices...
La narratrice, au passé trouble, est suicidaire et non dénuée de charme, ancienne danseuse classique, spécialiste de physique nucléaire, elle a sacrifié sa vie personnelle pour se faire une place dans le milieu machiste des scientifiques où les femmes sont aussi rares que dénigrées.
Aussi quand sa seule amie, Maya, lui parle de ce séminaire sur l'île caribéenne de Sainte-Croix, elle n'hésite pas une seconde ! Mais les journées étouffantes sont rythmées par des séminaires assommants et ne lui laissent pas une minute de tranquillité... Qu'à cela ne tienne, en dépit des recommandations et de la prudence la plus élémentaire, elle s'aventure seule dans la moiteur nocturne, là où les autochtones, des dealers locaux en tout genre à la sensualité débridée qui détestent les Blancs (en tant que Turque, c'est bien la première fois qu'on la prend pour une Blanche !), font la loi tout en se déhanchant majestueusement sur des musiques endiablées... Ce goût du danger, ce réveil d'un corps trop souvent négligé, tout ça la ramène à la vie qu'elle tente de refouler en elle et la conduira à Tony, un rasta d'origine jamaïcaine aux activités louches et au passé obscur, dont elle ne sait s'il veut la tuer ou la violer. Cette violence qui couve l'attire irrésistiblement, et par ses mots purs, cet homme à la fois simple et vrai est le seul qui parvient à percer la carapace de solitude et de peur que s'est forgée la narratrice à force d'abnégation et de renoncements dont le "coeur est un ghetto" qui attire tous les marginaux de la planète. A lire de toute urgence.
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Curieuse de lire un auteur dont on entend souvent parler, je me suis plongée dans l'homme coquillage sans attente particulière, et ai été plus qu'agréablement surprise!
Une jeune femme narre sa vie de scientifique, et particulièrement un colloque dans les Caraïbes, îles de la sensualité et des fantasmes en tout genre...
Entre histoire d'amour insoupçonnée où s'entremêlent le désir et la peur, le monde scientifique étouffé par une gente masculine trop représentée et la difficulté à s'assumer en femme turque, d'origine orientale par trop propice aux clichés, mais également habituée à une autre sensualité, l'homme coquillage dresse avec subtilité un portrait des sentiments chaotiques qui agitent la narratrice, tout critiquant avec délicatesse et justesse une société prompte à catégoriser les personnes en fonction de leur sexe ou de leur pays d'origine.
Un vrai délice!
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J'ai beaucoup aimé ce livre qui me laisse pantoise et admirative quand à l'implication humaine d'Asli Erdogan ; elle nous embarque dans sa bataille de vie, dans ses peurs et sa curiosité, et l'on souffre avec elle de ne pouvoir encore plus connaître l'homme coquillage ; mais sans "ce manque" le roman n'aurait peu-être pas été écrit... C'est beau et cruel.
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