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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
J'étais un peu fâchée avec Brian Evenson, ayant vécu comme une imposture la lecture de sa "Confrérie des mutilés", dans la mesure où ce roman s'est avéré être en totale inadéquation avec ce que j'en attendais...
Sur l'insistance de plusieurs blogueurs/euses, j'ai accepté de tenter une autre expérience avec cet ex mormon que ses écrits ont fait exclure de sa congrégation.

Comme dans "La confrérie des mutilés", Brian Evenson s'attaque, avec "Père des mensonges", à la puissance des dogmes, en dépeignant les possibles et désastreuses conséquences auxquelles peuvent aboutir l'obéissance aveugle qui y est soumise.
Eldon Fochs, doyen de la communauté du sang de l'agneau (dite des "Sanguistes"), est incité par sa femme à consulter un thérapeute suite à des troubles du sommeil. Ses nuits sont perturbées par d'inquiétants cauchemars, dans lesquels Fochs inflige des sévices à des adolescents, et dont la prégnance leur confère une dimension étrangement palpable.
Le doyen est par ailleurs un homme respecté par les membres de sa paroisse, qui mène une existence a priori sans histoires entre sa femme et ses trois enfants. A priori...

Le récit est constitué en partie des rapports établis par le thérapeute qui suit Fochs, perplexe face à ce patient qu'il devine manipulateur, ainsi que de quelques extraits d'une correspondance adressé au docteur Feshtig, par laquelle il est violemment invité à ne divulguer sous aucun prétexte le résultat de l'analyse de leurs séances. Mais la plupart du temps, le lecteur est plongé dans l'esprit de Fochs, et doit supporter le récit par ce dernier de certains faits qui l'éclairent crument sur sa véritable et horrifiante nature.

L'autre point commun avec "La confrérie des mutilés", est que Brian Evenson introduit dans son roman des touches surnaturelles, sous la forme notamment de l'inquiétant Tête sanglante, sorte d'ectoplasme dont on ne sait s'il est réel ou issu de l'imagination malade du héros, à qui il apparaît à plusieurs reprises, pour le sortir d'inconfortables situations.
La comparaison s'arrête là, puisque j'ai aimé "Père des mensonges". Peut-être parce qu'en dépit de son aspect parfois fantastique et caricatural (qui m'avait gênée lors de ma précédente lecture), il est par ailleurs complètement -et malheureusement- crédible.

Certes, le doyen Fochs, qui parvient à se donner bonne conscience malgré les atrocités qu'il commet, est incroyablement ignoble de sang-froid et de mauvaise foi, et on sent bien que l'auteur force le trait lorsqu'il évoque la psychologie de ce sordide personnage. de même, l'humour macabre et cynique dont il pare son texte participe à le positionner en léger décalage avec la réalité, incitant le lecteur à le considérer comme une sorte de fable grotesquement monstrueuse.
Mais c'est curieusement ce qui donne au roman sa force, en plus de le rendre original. le ton grinçant employé par Brian Evenson se révèle être un excellent vecteur pour exprimer son propos, qui s'en révèle d'autant plus virulent.
Il porte un regard sans concession sur un système hypocrite et cruel, qui sous prétexte de porter la parole de Dieu, se montre non seulement incapable de se remettre en question et de considérer la nature humaine -donc faillible- de ses représentants, mais qui de plus préfère protéger ses porte parole des conséquences de leurs actes, aussi répréhensibles soient-ils, que de mettre en danger sa réputation et sa puissance. Et il ne se montre pas plus tendre pour les simples convertis dont l'aveuglement borné participe à raffermir l'impunité que le statut de ces mêmes représentants leur confère.

Un roman glaçant, qui m'a réconciliée avec son auteur...
Lien : http://bookin-ingannmic.blog..
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Après un recueuil intitulé « La langue d'Altman », Brian Evenson publie « Father of Lies » (98, Four Walls Eight Windows, 197 p.) traduit en « Père des Mensonges » (2010, Cherche Midi, 233 p..
Eldon Fochs est le doyen de la Corporation du Sang de l'Agneau (les Sanguistes). Cela commence bien. Cette secte est, bien sûr, conservatrice, et très stricte excommuniant dès que l'on rue quelque peu dans les brancards ou que l'on refuse de prendre le droit chemin. (Y aurait'il quelques réminiscences autobiographiques là-dessous ?). Hélas, le doyen est somnambule et parle en dormant, racontant d'horribles histoires de rapports sexuels avec de jeunes garçons, mais aussi du meurtre d'une jeune fille. Sa femme lui fait consulter un psychiatre. Ce dernier, Alexandre Feshtig, ne se laisse pas impressionner par ces pulsions pédophiles ou meurtrières. Il réalise qu'avant le rêve, il y a eu passage à l'acte. Mais la Corporation du Sang de l'Agneau veille. (Tiens, on dirait une histoire connue et bien présente). « Même avant qu'il devienne doyen, le fait qu'il soit un membre de l'Eglise propre sur lui, qui ne manquait pas un service et présentait toutes les apparences du mérite, a contribué à entretenir la volonté d'aveuglement de tout son entourage ». On se souvient que Brian Evenson a quitté les mormons (cf sa lettre de renoncement plus haut). Brian Evenson attaque donc les dogmes religieux qui placent Dieu au dessus de tout. L'homme se persuade que Dieu lui ordonne d'agir pour punir le mal par le mal et même de se substituer à Dieu. Tout cela parce que, on l'a reconnu, « le père dont vous êtes issus, c'est le diable, et vous voulez accomplir les desseins de votre père. » (Jean, 8, 44).
Le roman débute par un échange de lettres entre le psychiatre et son directeur ou encore entre le directeur et un homme d'église. Ces lettres montrent un patient vu et jugé par un oeil extérieur. Cette courte introduction (3 lettres) est suivie d'une première partie ou « Anamnèse ». Ce terme désigne l'histoire de la maladie, mais c'est aussi celle de retrouver la mémoire de ses incarnations précédentes. Et on doit se souvenir que le très sérieux Eldon Fochs est à la fois un homme d'église et un patient quelque peu tordu. le roman bascule lors de la deuxième partie « Homme de Dieu » avec la prise de parole par Fochs lui même. Puis, la troisième partie « Examen approfondi » recommence avec des lettres, échangées cette fois entre le psychiatre et l'Eglise, avant de donner à lire les carnets d'analyse. Enfin la quatrième partie « Fochs » revient sur la personnalité du patient.

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"Père des mensonges" se situe dans une communauté religieuse : la corporation du sang de l'agneau (les Sanguistes). Il s'agit d'une secte religieuse fortement conservatrice, dirigée par des pères patriarches qui lui donne sa ligne de conduite.
Le roman débute sur un échange de courrier entre le patriarche Blanchard et un institut de psychanalyse rattaché à l'église. le patriarche cherche à soutirer des informations sur le cas du patient Eldon Fochs, un doyen de l'église. S'opposant au refus de Feshtig, son médecin, Blanchard s'adresse au directeur de l'institut. Il obtiendra gain de cause par échange de faveurs... Dès lors, nous savons déjà que l'Eglise en question est corrompue et soucieuse de son image avant tout...

La suite nous plongera alors dans les notes du médecin Feshtig et nous ferons connaissance avec ce doyen de l'Eglise. Eldon Fochs possède une situation très respectable au sein de la communauté. Issu d'une famille très religieuse, il prend très à coeur le rôle de l'Eglise dans son quotidien. Pourtant depuis quelque temps, il est victime de cauchemars épouvantables : obscénité, viol, violence,... Sa femme s'en inquiète et le pousse à consulter.
Feshtig finit par s'interroger quand les rêves du doyen finissent par avoir quelque ressemblance avec des faits réels : une jeune fille assassinée, de jeunes garçons agressés,...
Où est le vrai ? Où est le faux ?

Le sujet est difficile mais m'a néanmoins beaucoup plu !
La construction du roman est très intelligente. On alterne entre le point de vue de Feshtig le médecin et celui de Fochs. Ce jeu de miroir entre rêve et réalité devient peu à peu flou et le lecteur finit par se demander où s'arrête le rêve ou commence le réel. Et quand vous comprenez où sont les limites, c'est un véritable coup de poing que vous recevez !

La focale intérieure sur les pensées du doyen Fochs est particulièrement forte. le lecteur pénètre dans ses pensées les plus profondes qui révèleront un être malade et pris dans une folie religieuse qui l'absout de tout acte malveillant. Les scènes où nous voyons le doyen agir sous le soi-disant commandement de Dieu en sont révélatrices. Fochs a bien conscience que ses actes sont mauvais mais il s'imagine que Dieu l'accompagne et l'enjoint d'agir, pour mieux vivre avec ses actes.
On peut s'interroger sur l'origine de cette folie : Est-ce la religion qui a exacerbé les problèmes d'un esprit déjà malade ou bien est-ce elle qui a provoqué ces désordres mentaux ? La question est posé mais l'auteur ne s'avancera pas à y répondre.

Vous comprendrez bien sûr que la cible principale de ce roman est l'ordre religieux et ses dérives sectaires. Sous couvert d'obsolution chrétienne et de bien-être pour la communauté, les religieux se permettent d'agir à leur guise au détriment de l'intérêt particulier de certains. Les patriarches n'hésiteront pas à nier l'évidence pour mieux protéger la réputation de leur communauté et à ex-communier les personnes indésirables et réfractaires à leur soi-disante vérité. Cette corruption morale est véritablement glaçante quand on connait les revers du même ordre que connait l'église chrétienne aujourd'hui...
"Pere des mensonges" est donc un roman parfaitement réaliste, surtout quand on sait que l'auteur est un ancien mormon... Il sait donc de quoi il parle.

Cette première rencontre avec Evenson fut donc très très bonne et continuera avec ses autres titres, tout aussi critiques sur la religion.
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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Evenson, un auteur qui m'était totalement inconnu auparavant, s'attaque ici à l'Eglise et à ses membres pédophiles. Trois manières nous sont offertes pour entrer dans ce récit. On commence par lire les lettres que s'échangent le patriarche Blanchard, le psychanalyste Feshtig et son directeur Kennedy. A travers cette correspondance, nous pouvons découvrir les points de vue de chacun de ses personnages. Une autre partie du roman est consacrée aux rapports et aux notes de Feshtig. J'ai apprécié de voir les méthodes qu'il utilise pour faire parler son patient ainsi que ce qu'il en pensait. Brian Evenson arrive à nous parler de psychologie sans que le roman se transforme en un essai indigeste. C'était ma plus grande crainte et heureusement, elle a été rapidement dissipée. Je me suis rapidement mis dans la peau de ce psychothérapeute. Je voulais comprendre Fochs sans le juger. Et croyez-moi, ce n'est pas évident. La troisième partie nous mène dans la tête du patient lui-même, Eldon Fochs. Dans cette partie, impossible pour moi de voir autre chose que le monstre qui se tapit en lui. Ces moments étaient quasi insupportables pour moi. Comment apprécier d'être dans la tête d'un pédophile ?

Grâce à ces trois manières, on reconstruit petit à petit le puzzle de l'histoire. Celle-ci m'a paru à la fois intrigante et fascinante. Qui va avoir le dernier mot l'Eglise ou la psychologie ? La justice sera-t-elle faite ? de grandes questions qui seront répondues à temps.

J'ai aussi apprécié que Brian Evenson s'éloigne du stéréotype qu'est le prêtre pédophile c'est-à-dire un être esseulé en manque sexuel. Eldon Fochs n'est rien de tout ça, c'est un homme marié respectable qui a quatre enfants. Bref, il est un père de famille tout à fait commun. Enfin, jusqu'à un certain point…

J'ai été fortement interpelée par la manière dont l'Eglise réfléchit. Selon elle, il est mieux d'obéir à son supérieur ecclésiastique, même si l'on pense que l'action demandée est mauvaise, plutôt que de désobéir. En effet, désobéir à un membre du clergé équivaut à désobéir à Dieu lui-même.

« Père des mensonges » est donc un livre dérangeant mais particulièrement intéressant pour ceux qui s'intéressent à ce sujet. Voilà un livre assez court mais qui permet de faire le tour de la question.
Lien : http://iluze.over-blog.com/a..
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L'incipit (voir dans ma citation) m'a paru bien "gore" et j'ai vaguement pensé qu'il pourrait faire l'ouverture d'un roman d'épouvante. Au final, j'ai mieux compris ce choix de l'auteur qui en effet nous entraîne dans la spirale du mal absolu. Être projeté aussi crûment dans la tête de cet homme de pouvoir aux pulsions destructrices est passablement déstabilisant, d'autant plus que l'auteur ne nous offre pas le réconfort de faire justice. le seul refuge au besoin de comprendre s'exprime dans le trouble fragmentaire de la personnalité, désordre psychique, qui prend des dimensions quasi surnaturelles sous la plume de Brian Evenson.

Ce roman a fait écho chez moi au remarquable film documentaire de Amy Berg "Délivrez-nous du mal" dont voici un lien utile pour ceux qui souhaiteraient approfondir une thématique malheureusement ô combien actuelle :
Lien : http://www.allocine.fr/film/..
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Voici un livre dont il n'est pas très facile de parler. le sujet est la pédophilie au sein de l'Eglise et le souhait de celle-ci de ne pas faire de vagues.
On lit parfois des articles à ce sujet dans nos journaux.
J'espère (mais n'y crois pas trop) qu'en France cela ne se passerait pas comme ça.
Ce livre est très bien écrit, je suis bien entrée dans cette histoire tout en me demandant si ce qui est raconté est de l'ordre du rêve ou de la réalité, il faut dire que le personnage principal est très fort pour brouiller les pistes.
On comprend bien comment un homme d'Eglise peut avoir une telle influence sur les jeunes qui n'osent rien dire, c'est terrible.
Le livre n'est pas trop long mais va à l'essentiel sans descriptions glauques.
L'ambiance de ce livre est particulière mais il est très bien construit, et la conclusion fait froid dans le dos.

Lien : http://pages.de.lecture.de.s..
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