Et si Claude Farrère avait fait du Maroc le personnage principal de son livre ?
Et si l'essentiel des "Hommes nouveaux" était son décor ?
Claude Farrère, toujours, a le coup d'oeil du peintre, et la main sûre pour nous restituer, de quelques traits de son élégante plume, toutes les beautés d'un paysage.
Il déambule, il flâne, il admire, il observe et annote ...
Mais le roman est poussif.
Pourtant, il est sauvé de l'ennui par son bel et tragique épilogue.
Après avoir ronronné pendant presque deux cent pages, le dernier tiers du récit, aussi inattendu qu'émouvant, réussit l'improbable gageure de redonner souffle à une lecture que l'on pensait déjà avoir presque quittée.
Jean de la Fontaine avait raison, la persévérance est parfois récompensée.
"Les hommes nouveaux" sont ici les nouveaux riches, ceux dont la fortune s'est construite en même temps que s'est édifié le Maroc colonial du maréchal Lyautey.
Claude Farrère engage sa plume.
Et fait de son roman un plaidoyer en faveur de l'action française au Maroc.
Autant dire qu'aucun vent de liberté ne le traverse !
Claude Farrère, on le sait, n'a rien d'un homme de gauche.
Ses propos, parfois, sont d'un autre temps, d'un autre monde.
Quelques uns sont d'ailleurs ici un peu choquants.
Mais aucun qui ne condamne vraiment l'ouvrage, qui ne vienne définitivement le murer ...
Sur le pont du paquebot le "Mezzar" qui a appareillé de Marseille pour se rendre à Casablanca, Amédée-Jules Bourron a rencontré Christiane Séveral.
Le second jour de la traversée, avant qu'il ne soit midi, il l'a demandée en mariage.
Bourron avait adoré la jeune femme depuis la veille, dès sept heures, sept heures cinq !
Et le même jour, tout le monde le sût dès huit heures moins le quart, huit heures moins dix !
"Les hommes nouveaux" est d'abord un roman d'amour, celui d'un idylle aussi mal partagée que comprise.
Et malgré qu'il soit encombré de beaucoup de longueurs et de quelques vieux principes moisis, ce roman est un bon roman.
Si, élagué et nettoyé de ses parasites, il avait été traité comme un de ces fiers oliviers méditerranéens, il serait certainement devenu une oeuvre forte et inoubliable ...
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Je ne suis pas ce que les gens du monde nomment un nouveau riche, c'est à dire un homme enrichi, sans qu'on sache pourquoi, et sans qu'il ose le dire.
Mais je suis ce que j'appelle, moi, un homme nouveau ... C'est à dire un homme qui était naguère petit, et qui vient de grandir, mais qui sait pourquoi, et qui le dit à tout le monde : par le travail, l'énergie, par les bras, par la tête !
De tout cela, madame, soyez sûre ! ...
"Là", c'était le bain turc des Oudaïa, un joli bain, propre et paisible, où Tolly, très souvent, aimait à s'attarder, parmi la buée opaque qui montait des dalles ruisselantes, et sous le demi-jour diapré qui tombait des quatre verrières multicolores du plafond.
L'Islam, partout, a su conserver la tradition romaine des thermes.
Et le musulman, n'importe sa caste, connaît une hygiène que le chrétien ne connaît pas, ne connaît plus, depuis que la candide Renaissance et que l’hypocrite Réforme l'ont contraint de devenir un simple catholique, un Blaise Pascal épris de saleté ...
("Les hommes nouveaux" - Ernest Flammarion Éditeur - 1922)
La C.G.T. est la Compagnie Générale des Transatlantiques, le Cook and Son marocain.
Ne pas confondre avec la Confédération Générale du Travail, comme confondit, historiquement, en l'an 1902, un honnête parlementaire français, mal au courant des choses de la mer.
(petit renvoi en bas de la page 118)
La planche-passerelle franchie, Bourron, - Bouron Amédée-Jules, l'homme de Casablanca - enjamba le seuil de la coupée, et fut à bord.
Le paquebot, encore amarré à quai, fumait fort de sa longue cheminée noire ; et le mât de charge avant se hâtait de palanquer les derniers colis de passagers ...
Claude Farrère :
La maison des hommes vivantsOlivier BARROT, installé dans une chambre, présente une réédition de "
La maison des hommes vivants" en poche Librio ; une histoire
fantastique écrite par
Claude FARRERE, auteur populaire, élu à l'Académie française.