Je me souviens du jour où j'ai rencontré pour la première fois mon héros.
Je me souviens du jour où je l'ai trahi.
Je me souviens du jour où il est mort.
Les elfédiens ne s'étaient jamais alliés avec personne avant la Grande Guerre. Ils vivaient à la marge, à l'écart des villes et des hameaux, évitant un monde qui le leur rendait bien. Ceux qu'ils appelaient les monoformes les craignaient sans les comprendre. Plus souvent qu'à leur tout, les elfédiens se retrouvaient accusés de tous les crimes possibles.
Ils m'avaient dit, tous, que c'était de la folie, une lubie de jeunesse, un romantisme absurde qui me poussait là-bas, loin dans les montagnes. Un rêve de pureté, de courage, de franchise. Un idéal d'un autre temps sans doute, mon entourage le répétait assez. Mais à l'époque, c'était le mien. C'était à ce rêve que je me raccrochais pour supporter l'enchaînement des interminables réceptions mondaines. Si certains m'écoutaient parler d'Elok d'Endar, je devinais leur ennui sous leurs expressions travaillées. En esprit déjà j'étais ailleurs, dans un univers certes plus rude mais tellement plus vrai, plus sincère.
Les jours suivants, j'apprivoisai lentement ma nouvelle vie au castel. C'est là véritablement que je compris à quel point mon existence avait changé. Les rumeurs couraient vite.
Il n’avait jamais été le plus puissant seigneur de ce monde, encore moins le plus riche. Son castel battu par les vents, perché sur une aiguille de pierre, s’avérait inhospitalier même à la belle saison. La neige et les glaces le coupaient du monde en hiver. Son domaine, c’étaient les montagnes. C’étaient les névés et les roches, et ces passes sombres au creux des cols où les démons d’ombres avaient été emprisonnées autrefois.
« Tu ne diras jamais rien, n’est-ce pas ? Tu garderas le secret ? Le monde ne doit jamais savoir… »