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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En 10 chapitres, Éric Faye raconte le lent démembrement économique et humain d'une entreprise de presse mondiale, plus vraie que nature.

Attention bijou !

Je n'aime ni l'économie, ni les histoires relatives au " grand capital ". Et pourtant, j'ai été totalement séduite par ce roman au titre emprunté à notre président de la République.
« Je traverse la rue et je vous trouve un travail » est une petite phrase apocryphe, reprenant une phrase prononcée par Emmanuel Macron le 15 septembre 2018 sur le fait de trouver un travail : « Je traverse la rue, je vous en trouve ».

Notre « héros », Aurélien Babel, 57 ans, " hypersensible, froussard et poète " mais aussi et surtout journaliste chez MondonNews, dresse un autoportrait doux amer. Ce personnage - presque réel - nous parle sans complaisance du déroulé des événements survenus dans son service de rédaction qui font montre d'une guerre économique assez terrible, livrée ici dans toute sa splendeur mais aussi avec démesure contre ses employés.

Guerre propre et lente, méthodique toujours, décrivant le poison progressif annihilant une entreprise et les plus vulnérables. Dans ce réquisitoire, personne n'est épargné. Ni la grande machine, ni les employés pourtant sages et fidèles (mais aussi lâches et vils), ni le business de la formation, ni le système politique « pourri de l'intérieur », ni « la gauche ma douleur », et encore moins son personnage principal, « cet homme qui ne se pose pas en s'opposant et qui louvoie ».

Bref, tout le monde en prend pour son grade. Situé entre la plume désespérée et lucide de Jean-Paul Dubois et l'humour mélancolique et coincé de Fabrice Caro, il y a l'épopée labyrinthique d'Éric Faye, et Aurélien Babel, le « pauvre » journaliste « rêveur d'élite » qui dépose avec justesse son « parcours du combattant pour réussir à perdre son emploi ».

Soyons clair… ce n'est pas le sujet qui m'a touché, c'est le traitement que l'auteur en fait. Sa langue riche, son style oscillant entre phrases impeccables et esprit gouailleur multiplient les mots d'esprit et les expressions imagées, et je m'en suis délectée.

Il établit la radiographie sociologique d'une France malade de ses dirigeants politiques, patronaux et de ses actionnaires sans scrupule.
Ce n'est pas triste, c'est un texte d'une intensité rare, souvent « amusant », il est écrit comme un témoignage, un journal intime, un hommage « aux autruches de la classe moyenne ».

Merci à Babelio et aux Editions du Seuil de m'avoir choisie pour découvrir ce roman très largement appréciée.

Lien : http://justelire.fr/il-suffi..
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J'ai découvert ce livre comme nouveauté à ma bibliothèque. le titre interloque facilement avec sa référence à la "facilité" présentée de se reconvertir pour trouver un emploi. C'est une critique ascerbe que nous fait Eric Faye dans ce roman qui nous évoque le déroulement d'un plan de licenciement/départ volontaire d'une antenne parisienne d'un grand groupe de presse à travers la vision d'un journaliste de 57 ans, Aurélien. J'ai adoré suivre l'évolution de ce journaliste et de sa vision des événements.
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Le choix de la servitude

MondoNews, l'agence de presse pour laquelle Aurélien Babel travaille depuis plus de 30 ans, prend le même chemin que beaucoup d'entreprises : rachetée par des financiers qui remplacent les patrons historiques spécialistes du domaine.
Viennent logiquement la rationalisation des coûts, les externalisations : les archives sont transférées en Espagne, le service paie en Slovaquie, l'informatique en Inde… La stratégie est simple : faire autant avec moins d'effectifs, la rentabilité avant tout.

« 𝑁𝑜𝑢𝑠 𝑎𝑣𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑙'𝑖𝑚𝑝𝑟𝑒𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑒 𝑡𝑟𝑎𝑣𝑎𝑖𝑙 𝑓𝑜𝑢𝑟𝑛𝑖, 𝑛'𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑣𝑎𝑙𝑜𝑟𝑖𝑠𝑒́ 𝑛𝑖 𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚𝑒́, 𝑒𝑡 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑎 𝑟𝑒𝑐ℎ𝑒𝑟𝑐ℎ𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑞𝑢𝑎𝑙𝑖𝑡𝑒́ 𝑛'𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑙'𝑜𝑏𝑗𝑒𝑐𝑡𝑖𝑓 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑑𝑖𝑟𝑒𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛. 𝐷𝑒́𝑠𝑜𝑟𝑚𝑎𝑖𝑠, 𝑖𝑙 𝑓𝑎𝑙𝑙𝑎𝑖𝑡 𝑞𝑢𝑒 𝑐ℎ𝑎𝑞𝑢𝑒 𝑖𝑛𝑓𝑜 𝑟𝑎𝑝𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒. »

Une partie des activités de journalisme est délocalisée en Roumanie, au salaire de base et droit du travail avantageux pour la direction. Les restructurations ont lieu dans tous les services européens de MondoNews et le tour de Paris vient : un plan de licenciement – nommé Plan de Sauvegarde de l'Emploi – est mis en place pour raisons économiques.

Le narrateur observe également l'arrivée de nouvelles méthodes de management importée des Etats-Unis, avec ses anglicismes et sa novlangue, et pour finalité la guerre entre collègues où les cyniques et les ambitieux prospèrent.

La passivité et l'immobilisme des employés face aux différents plans de réorganisation imposés frappe : la direction – basée aux Etats-Unis – peut délocaliser ses activités sans que ni syndicats, ni représentants du personnel, ni salarié ne réagissent.
D'abord attentistes, les employés vont par la suite tout faire pour quitter le navire MondoNews, et la compétition entre salariés va faire rage, reflet de ce monde du travail où l'égoïsme prime et le collègue ne compte pas.

« 𝐽𝑒 𝑛'𝑒́𝑝𝑟𝑜𝑢𝑣𝑎𝑖𝑠 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑙𝑎 𝑚𝑜𝑖𝑛𝑑𝑟𝑒 𝑝𝑎𝑟𝑐𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑑'𝑎𝑚𝑖𝑡𝑖𝑒́ 𝑛𝑖 𝑑𝑒 𝑏𝑖𝑒𝑛𝑣𝑒𝑖𝑙𝑙𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑐𝑒𝑙𝑙𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑐𝑒𝑢𝑥 𝑞𝑢𝑖 𝑎𝑙𝑙𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑒𝑡 𝑣𝑒𝑛𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙'𝑜𝑝𝑒𝑛 𝑠𝑝𝑎𝑐𝑒 [--] 𝐼𝑙𝑠 𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑣𝑒𝑛𝑢𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑎𝑑𝑣𝑒𝑟𝑠𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠 𝑝𝑜𝑡𝑒𝑛𝑡𝑖𝑒𝑙𝑠, 𝑑𝑒𝑠 𝑔𝑒̂𝑛𝑒𝑢𝑟𝑠. »

Eric Faye montre les évolutions contemporaines dans le monde de l'emploi et des grosses sociétés : rachat par des holdings situées à l'autre bout du monde, progression du langage managérial, management destructeur des rapports humains, concurrence exacerbée entre membres d'une même équipe, omniprésence des organismes de formation...

Entre Kafka, Balzac et La Boétie 𝑰𝒍 𝒔𝒖𝒇𝒇𝒊𝒕 𝒅𝒆 𝒕𝒓𝒂𝒗𝒆𝒓𝒔𝒆𝒓 𝒍𝒂 𝒓𝒖𝒆 dépeint la passivité de la classe moyenne et la toute-puissance du capitalisme financier triomphant. le roman est paru aux Editions du Seuil en janvier 2023.
Lien : https://www.facebook.com/pho..
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