Théatre a l'usage des jeunes personnes, par Madame la Comtesse de Genlis. ... of 4; Volume 1

Gouverneur des enfants du duc d'Orléans, ayant écrit des ouvrages plus théoriques sur la question de l'éducation, comme Les leçons d'une gouvernante à ses élèves, Madame de Genlis a aussi publié quatre volumes de Théâtre à l'usage de jeunes personnes en 1779-1780. C'était d'ailleurs la première oeuvre qu'elle a publié. C'est vers 1775 que les premières représentations de certaines de ces pièces ont eu lieu au Palais-Royal, interprétées par les filles de l'auteure, avec un grand succès, au point que Catherine de Russie les a fait traduire. Des nombreuses rééditions démontrent un succès durable.

L'Enfant gâté faisait partie du premier volume du Théâtre à l'usage des jeunes personnes. Mélanide élève seule sa nièce, Lucie. Elle voudrait bien faire, mais ne se sent pas compétente. Elle a donc confié l'éducation de l'adolescente à Dorine. Mais cette dernière se contente de flatter son élève, et de lui faire apprendre le moins de choses possible, Lucie n'étant pas très assidue pour apprendre, et ne pensant qu'à se divertir. Toinette, la fille d'une femme de chambre que Mélanide fait élever avec Lucie n'aspire au contraire qu'à apprendre, mais Dorine se montre sèche et désagréable avec elle. Toinette tente de pousser Lucie à plus de sérieux et honnêteté, mais très vite cette dernière se laisse entraîner par Dorine sur les voies du plaisant et facile. En réalité Dorine méprise son élève et la flatte, la pousse au plus facile pour s'assurer de son affection et d'une bonne place. Mais une lettre égarée va éclairer Lucie et Mélanide, montrer le côté pernicieux de l'éducation dispensée par Dorine.

C'est donc une pièce qui a une visée morale, qui montre une éducation qui n'en est pas vraiment une. Mais ce n'est pas simpliste : Mme de Genlis n'idéalise pas les enfants, elle ne les considère pas comme de petits anges. L'éducation est essentielle pour favoriser les bons penchants et éradiquer les mauvais : le goût de la facilité, de la flatterie, une trop haute idée de soi, l'égoïsme etc. Pour Madame de Genlis cela demande un vrai travail de la part des éducateurs. Nous sommes dans une perspective différente de Rousseau, il ne s'agit pas de ne pas contrarier le bon naturel des enfants, mais au contraire ils ont besoin d'être guidés pour donner le meilleur d'eux-même.

Malgré une visée didactique, la pièce est très alerte et bien construite, avec des personnages caractérisés, une cruauté, une hiérarchie de classes, une image de la bonne société pas très flatteuse, avec ses jalousies et mesquineries. La leçon n'est pas donnée qu'aux enfants.