La couleur n'est pas au dehors. Elle est en soi. Seule la lumière est dehors.
- La poésie n’est pas un métier. C’est un passe-temps. Un poème, c’est une eau qui s’écoule. Comme cette rivière.
Yuko plongea son regard dans l’eau silencieuse et fuyante. Puis il se tourna vers son père et lui dit :
- C’est ce que je veux faire. Je veux apprendre à regarder passer le temps.
(ch.2, p.15)
Le vrai poète possède l’art du funambule...
Le plus difficile pour un poète, c’est de rester continuellement sur ce fil qu’est l’écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu’un instant, de sa corde imaginaire. En vérité, le plus difficile, c’est de devenir un funambule du verbe.
C'est dans le noir le plus profond que Soseki a peint la blancheur, a découvert la pureté. Ensuite, il a découvert que la vraie lumière et les vraies couleurs demeurent à jamais intrinsèquement liées à la beauté de l'âme.
La couleur n'est pas au dehors . Elle est en soi. Seule la lumière est au dehors.
La lumière est intérieure, elle est en soi. Seule la couleur est au dehors.
Un matin, le bruit du pot d'eau qui éclate dans la tête fait germer une goutte de poésie, réveille l'âme et lui confère sa beauté. C'est le moment de dire l'indicible. C'est le moment de voyager sans bouger. C'est le moment de devenir poète.
L'amour est bien le plus difficile des arts. Et écrire, danser, composer, peindre, c'est la même chose qu'aimer. C'est du funambulisme.
La neige est un poème. Un poème qui tombe des nuages en flocons blancs et légers.
Le deuxième matin, le maître demanda à Yuko de fermer les yeux et il dit :
- La lumière est intérieure, elle est en toi. Seule la couleur est en-dehors. Ferme les yeux et dis-moi ce que tu vois.
- Maître, dit Yuko, je vois la lumière blanche de la neige.
En disant cela, Yuko eut envie de rire. C’était une belle matinée de printemps. Le soleil chauffait comme une enclume.
- C’est vrai, dit Soseki, cet hiver, il y a eu beaucoup de neige à cet endroit. Tu commences à devenir voyant.
(ch.23, p.61)
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Et ils s'aimèrent l'un et l'autre.
Suspendus sur un fil.
De neige.