Je vais me joindre au cortège de lectrices et lecteurs déçus, ou plutôt déroutés, ébahis, stupéfaits, interrogatifs... Je ne peux effectivement pas dire que je suis déçu. J'avais des attentes évidemment, on m'avait dit tant de bien du livre. Mais je ne suis pas un perdreau de l'année, et je sais qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. Donc, je peux faire la distinction entre mes attentes et le résultat...
Sauf que le résultat, il n'est pas vraiment là non plus.
Est-ce un roman? Je n'en sais rien. On pourrait parler de récit, de chronique. le tout est orchestré et savamment entretenu par ce mystère autour de l'autrice. Et sur la confusion entre l'autrice et le personnage principal du récit. Elena, cette gamine issue d'un quartier pauvre de Naples et qui entreprend de nous raconter (en commençant tôt) son amitié "prodigieuse", toxique, envahissante, frustrante ou handicapante, c'est selon, avec Lila. Je ne rentre pas dans le détail, d'autres l'ont fait.
Je suis allé jusqu'au bout du livre. Et j'ai mis un temps fou, compte tenu de mes "standards", pas loin de 15 jours pour 430 pages. C'est énorme. Et si j'ai tenu à lire jusqu'à la dernière page, c'est que l'immense majorité des "1 étoile" vient de lectrices et lecteurs qui ont arrêté la lecture avant terme. Souvent aux alentours de la page 200... quand on a vraiment acquis la sensation qu'il ne se passera rien. Et effectivement il ne se passe rien. C'est le long cours de la vie au soleil napolitain, entre les seins qui poussent et les garçons qui s'achètent des bagnoles pour draguer...
Le sursaut d'action vient aux alentours de la page 300... Un bref sursaut. Allez, je spoile... à l'annonce du mariage de Lila, il se met en place quelques éléments qui interagissent les uns avec les autres. Mais c'est bref, fugace et insuffisant pour moi. Rien qui ne m'ait réellement poussé à lire "pour savoir ce qui allait arriver". Ce qui est aussi la base de la lecture finalement. le destin d'Elena et de Lila m'est indifférent. Et au bout des 430 pages, je n'ai pas envie d'en savoir davantage. J'y vois le signe que ce genre d'ouvrages n'est pas pour moi. Mais l'autrice et ce style de livres a trouvé son public. Tant mieux. Je range cela à côte de
Mazetti, de
Pancol, etc. Pour peu, je qualifierai cela de chick litt.
Il faut dire que je suis un homme, quinqua, peu attiré par l'Europe méridionale, et pas spécialement intéressé par les "tranches de vie". Je ne cochais donc pas énormément de cases pouvant me pousser à aimer ce genre de livres.
Cela dit, juste avant, par pur hasard, j'ai lu un roman qui parle aussi d'éveil sensuel et sexuel d'une adolescente dans une société rétrograde. L'Hibiscus pourpre. L'action se déroule au Nigeria, et l'adolescente est coincée entre une idée de libération et un père pour lequel la religion et les écrits se lisent au premier degré. C'est dur, beau et vif. Il y a une tension. Un sens au récit. Tout le contraire d'
Elena Ferrante, finalement.
Autre souci... il s'agit d'un récit effectué par une dame âgée. On l'oublie peut-être, mais au début le fils de Lila appelle Elena car Lila a disparu. Mue par une mystérieuse impulsion inexplicable, Elena entreprend de raconter son amitié et son amie. Déjà, la ficelle est grosse à gober. Mais en plus le style n'est pas celui d'une dame âgée. On a une gamine, puis une ado. Les émois sont racontés avec candeur et naïveté, caractéristiques propres aux âges des héroïnes dans le récit. Pas à l'âge d'elena quand elle raconte les faits.
Le style, d'ailleurs... est lent, indolent, lénifiant. A plusieurs reprises, j'ai dû recommencer un paragraphe parce que je m'endormais (c'est une image). Je me laissais bercer par un rythme fait de vaguelettes amalfitaines et de chaleur napolitaine. Lénifiant... je n'ai pas de meilleur terme pour décrire mes sensations de lecteur.
Car ce qui me consterne chez Ferrante, ce n'est pas tant ce qu'il y a dans son récit, que ce qui manque. Il manque Naples... On a extrêmement rarement des incursions de la ville ou du quartier dans le récit. Il y en a, mais très très très peu. Pas de chronique sociale non plus. L'Italie en 1958, c'est un chaudron qui cuit sur les braises du fascisme. C'est à peine (et à mon avis) mal abordé par
Elena Ferrante. On a quelques touches sur le communisme, sur les mouvements sociaux, mais pour l'essentiel, sea, sex and sun, c'est la dolce vita... Même quand Ferrante parle d'actrices ou de modèles, elle ne cite pas de noms, pas de films... Il m'a vraiment manqué du contenu pour que j'accroche et que je décide de lire la suite.