Peut-être que les choses ne peuvent se passer qu'ainsi avec les hommes : il faut vivre un peu avec eux, leur faire des enfants et puis voilà.
Lila avait encore à l'esprit nos rêves d'enfance. Elle imaginait qu'une personne capable d'obtenir grâce à l'écriture célébrité, argent et pouvoir devenait quelqu'un dont les mots pouvaient frapper comme la foudre.
Ma mère était réduite à presque rien, et pourtant elle avait été vraiment encombrante, elle avait pesé sur moi en me donnant l'impression d'être un ver sous la pierre, à la fois protégé et écrasé.
Les mois de grossesse passèrent rapidement pour moi, malgré mes soucis, et très lentement pour Lila. Nous remarquâmes souvent que nous vivions l'attente de façon totalement différente. J'utilisais des expressions comme «j'en suis déjà au quatrième mois» alors qu'elle disait plutôt «j'en suis seulement au quatrième mois».
"Tout rapport intense entre des êtres humains est truffé de pièges et, si on veut qu'il dure, il faut apprendre à les esquiver."
Je suis incapable de raconter la douleur de Lila. Ce que le sort lui réserva, et ce qui était peut-être aux aguets depuis toujours, tout au long de sa vie, ce ne fut pas la mort d'un enfant par maladie, par accident ou par un acte de violence, mais sa brusque disparition. Sa douleur n'eut rien à quoi se raccrocher. Il ne lui resta aucun corps inanimé à étreindre, désespérée, elle ne célébra les obsèques de personne, elle n'eut pas la possibilité de se recueillir devant la dépouille d'un être qui avait marché, couru, parlé et embrassé, avant d'être réduit à une pauvre chose abîmée. J'imagine que Lila eut l'impression qu'un de ses membres, qui une minute plus tôt faisait partie de son corps, avait soudain perdu forme et consistance, sans avoir subi de traumatisme. Mais la souffrance qui en dériva, je ne la connais pas suffisamment et ne puis l'imaginer. (p.391)
- Les enfants ne sont pas rigides comme nous, ils sont élastiques.
J’eus beaucoup de mal à accepter la mort de ma mère. Je ne versai pas une larme, et pourtant la douleur que j’éprouvai dura longtemps, et elle ne m’a peut-être jamais vraiment quittée. ... Aussitôt après l’enterrement, je me sentis comme lorsqu’on est surpris par une violente averse et qu’on regarde autour de soi, sans pouvoir trouver d’abri.
"Pour produire des idées, il n'est pas nécessaire d'être un saint. De toute façon, les vrais intellectuels , il y en a très peu. La plupart des gens cultivés passent leur vie à commenter paresseusement les idées des autres. Leur énergie est principalement consacrée à exercer leur sadisme pour contrer tour rival potentiel."
"[...] le rêve du progrès sans limites est, en réalité, un cauchemar rempli de férocité et de mort."