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sur 3434 notes
A mon grand désespoir, j'ai achevé ce matin le dernier volume de L'Amie Prodigieuse. En VO, car les deux derniers volumes restent encore à traduire malgré le succès énorme des deux premiers : que font les éditeurs?

Toujours est-il que, VO ou pas, ça y est: je quitte Lila et Lénù, devenues vieilles et nettement moins fusionnelles. Je me sens vraiment orpheline...

Je l'ai bien cherché, d'ailleurs: impossible de lâcher ce livre formidable, qui ferme la boucle sans éclaircir tous les mystères, sans révéler tous les non-dits, sans résoudre toutes les ambiguïtés. Riche, plein, sincère, complexe et débordant de VIES , au pluriel, tant cette saga, si elle met en évidence deux femmes surtout, fait aussi la part belle aux autres personnages, criants de vérité et souvent bouleversants. Oui, le dernier volume est le digne couronnement des trois précédents: l'épisode fondateur des poupées perdues, jetées dans la cave du redoutable Don Achille, le maffieux du coin, par deux petites filles, la blonde Lénù et la brune Lila, fondant ainsi leur amitié et leur complicité, trouve enfin dans ce dernier volume tout son sens, et une sorte de réponse ténébreuse mais ouverte...

Ce volume est sous le signe de la perte- la bambina perduta est son titre italien- Il est donc moins solaire, moins débordant de sève et d'audace que les précédents.

Perte des illusions, d'abord: l'amour de Lenù pour le beau Nino Sarratore s'avère une sérieuse perte de temps et d'énergie pour un personnage de séducteur opportuniste qui aura néanmoins réussi le tour de force d'être le grand amour successif des deux amies, si parfaitement décevant à force d'avoir été fantasmé par l'une et par l'autre.

Perte des convictions ensuite: les "années de plomb" italiennes ont fait autant de ravages dans les consciences que dans les vies humaines. la gauche italienne sort de cette lutte contre fascistes et démocrates chrétiens corrompus, laminée et divisée, culpabilisée par les assassinats et enlèvements politiques des brigades rouges dont elle ne peut plus soutenir les exactions. Les "repentis" dénoncent pour s'en sortir à bon compte, les socialistes reprennent les vieilles pratiques clientélistes des démocrates chrétiens...Qui croire? Qui suivre? L'heure des destins collectifs est révolue: place aux individualismes, plus ou moins inspirés.

Perte des attaches, perte de la conscience de classe : les classes populaires du "rione", ce quartier napolitain gangrené par la maffia locale, incarnée par les frères Solara, ne rêve plus que réussite sociale, professionnelle, mais passer par la case culture et éducation est le privilège de quelques intellectuels, comme Lénù, qui ont su nouer des liens avec la bourgeoisie intellectuelle des grandes villes- Turin, Milan, Rome- : les autres, comme Lila, se lancent dans la toute nouvelle informatique, ou se résignent à demander l'appui des Solara et à dealer de l'héroïne dans les jardins publics..

Perte des proches : morts violentes, cancers, infarctus, suicides, tout ce petit monde si grouillant de vie s'émiette sous les assauts conjugués du temps, de la malchance, de la violence qui monte..Et par-dessus tout, perte par escamotage, par disparition de ce qu'on a de plus cher, de plus tendrement vivant, de ce qui est promesse d' avenir: un enfant...

Perte des repères : les liens filiaux, conjugaux, amicaux se distendent, se rompent, se brouillent..Lénù perd sa mère, la terrible Immacolata, boîteuse et vindicative, qu'elle avait fuie si jeune, renoue avec elle, et découvre, face à la mort, leur puissant attachement l'une pour l'autre. Les certitudes s'ébranlent: Pietro était un mari maladroit et défaillant, mais c'est un père très honorable, Nino, lui, n'est décidément ni bon père, ni bon compagnon, Enzo le taiseux quand il parle enfin dit des choses puissantes et profondes qui dévoilent sa perspicacité et sa solidarité à l'égard de Lila, mais surtout: qui est l'amie géniale? Lenù, qui écrit, qui réussit, qui voyage, qui assume son indépendance? Ou Lila qui est cette agitatrice d'esprits qui a marqué tout le monde mais ne veut rien pour elle-même, qui révolutionne tout sans bouger d'un pouce de son éternel "rione" ?

Perte de la propriété de l'écriture aussi: qui écrit vraiment le roman que nous lisons? Lénù qui l'imagine tel que Lila l'aurait écrit, qui le signe et en récolte l'amère victoire, payée très cher? ou Lila qui sans doute tente de l'écrire en cachette mais ne pardonne pas à son amie de livrer leur vie en pâture au public en trahissant, par des artifices littéraires, l'exigence de vérité et de sincérité qu'elle met dans tout écrit, elle qui n'a pas dépassé les études primaires?

Livre-somme, puissant et bouleversant, La Bambina Perduta resserre et noue les fils épars dans les autres volumes, mais sans artifice, sans forcer le sens: ce qui est sans réponse, le reste, comme dans la vie, ce qui est béant aussi, comme ce Vasto napolitain, avec son sous-sol truffé de galeries mystérieuses, comme la bouche fumante du Vésuve, toujours prête à vomir flammes et laves, ou dans un "terremoto" effrayant, à ébranler le sol ...et nos certitudes!

J'ai ADORE cette saga, entre récit, autobiographie et essai, et je rêve de la relire très vite, dès que tous les volumes seront traduits en français.

Un très grand moment de lecture, et que, pour ma part, j'aurais encore aimé plus long, tant il regorge de personnages bien campés et de trajectoires attachantes, tant il sait rendre sensible le Temps, dans le microcosme d'un "rione" napolitain, au coeur d'une Italie en pleine mutation politique et économique..
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Et voilà ! Je suis arrivé au bout de l'aventure mais bien d'autres l'ont fait avant moi. J'y suis allé pas à pas, progressivement, laissant du temps entre chacun des quatre volumes mais je suis heureux car le régal a été complet, de tout en bout, grâce au talent d'une autrice disant s'appeler Elena Ferrante.

L'amie prodigieuse (Le nouveau nom ; Celle qui fuit et celle qui reste) m'a permis une belle aventure littéraire et c'est le principal.
Le titre du quatrième volume, le plus long, s'intitule L'enfant perdue, ce qui annonce un drame qui va bouleverser la vie des deux amies : Elena Greco (Lenuccia ou Lenù) et Raffaella Cerullo (Lila ou Lina), la première étant la narratrice.
Revoilà Nino Sarratore au centre des deux tiers de ce quatrième volume, ce Nino qui séduit, enchante les femmes, grand amour de Lenù adolescente, amour qui lui a échappé car Lila avait mis le grappin dessus. Hélas, Nino est déjà marié, père de deux enfants, au moins, avec des femmes différentes et, malgré toutes ses contorsions et ses mensonges, ne quitte pas Eleonora, son épouse pour Lenù.
Celle-ci, justement, fait de grands sacrifices et cela devient très orageux avec Pietro, son mari, ainsi qu'avec sa belle-famille. Dede et Elsa, ses filles, profitent puis souffrent de ces déchirements. Si l'action se déplace entre Gênes et Milan, c'est surtout Naples qui est au centre du livre. L'autrice nous en révèle bien des aspects, une évolution dont les trafics sont symbolisés par les frères Solara, trafic qui basculent vite vers la drogue mais, pour cela, il vaut mieux lire Roberto Saviano.
Lenù est écrivaine et nous suivons l'évolution de sa carrière. Elena Ferrante ne cache aucun des problèmes que pose ce métier à une femme, en Italie. le rôle de la presse est bien montré, comme la jalousie qui émerge dans l'entourage, dans le quartier où vit celle qui tente de publier ses livres.
Les drames sont inévitables comme la maladie qui frappe les êtres chers. Enfin, la fameuse disparition des poupées de Lenù et Lila, racontée dans le premier tome, redevient d'actualité, sur la fin.
Avec Nino et Pasquale, la vie politique italienne est bien suivie et cela permet de suivre son évolution permettant de comprendre ce qui se passe actuellement de l'autre côté des Alpes. La corruption discrédite ceux qui avancent les plus belles idées et fait le lit de l'extrême-droite.
Si Lenù quitte Naples en 1995, pour Turin, alors que Lila se passionne pour l'histoire de sa ville et les détails qu'elle livre donnent envie de connaître plus avant cette ville, au pied du Vésuve.
La formidable épopée de L'amie prodigieuse est terminée, épopée à la fois intimiste, populaire, politique, riche d'expériences, de sentiments, d'amour, de haine, de violence mais riche d'une vie pleine, vies de femmes et d'hommes qui se côtoient, s'aiment, se détestent.

Plusieurs questions se posent à la fin de cette histoire. Que reste-t-il d'une vie ? Faut-il écrire ? Si oui, qui lira tout ça ? Je pense que l'essentiel est de vivre, de passer au-dessus des jalousies, des inimitiés pour mettre à profit les années qui nous sont données. le reste…


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La saga d'Elena Ferrante a tenu ses promesses jusqu'au bout. Je dirais même que sa qualité s'est améliorée au fil du temps. Après avoir trouvé le premier tome long (à vrai dire, interminable), j'ai apprécié chaque page des trois opus suivants, bluffée par le naturalisme de la mise en scène de la vie d'Elena et Lila et de l'ambiguïté de leurs rapports, fruit de l’ambivalence de leurs sentiments. Et même si je pense qu'il était bien d’arrêter là, c'est un peu triste, comme si je quittais deux amies pour toujours, que j'ai refermé ce dernier tome persuadée de ne pas les oublier avant longtemps.
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J'ai fini le quatrième tome de cette formidable saga.
J'ai déjà beaucoup écrit à propos des trois premiers livres, je serai brève : j'ai été portée, emportée, intéressée par cette fresque autant sociologique , historique et politique que passionnelle, dévorée en deux jours ........on attend , on s'enthousiasme , on continue , un peu désappointée à la toute fin ....un sentiment d'inachevé nous étreint .......mais ne révélons rien !
Cette amitié fusionnelle , complexe, pétrie d'émotions très fortes entre la brune Lila et la blonde Elena , au coeur de cette société italienne en pleine mutation, attachée à ses traditions , à ses contradictions aussi, déroule les douleurs , les combats, les doutes d'Elena qui cherche sa place, sa vérité, ses amours tumultueuses , ses voyages,ses déceptions , ses tracas, ses difficultés avec ses filles , Lila et Elena , complices , brouillées, éloignées , proches ........
Au coeur de ce bouillonnement , à chaque page , on ressent la force de l'amitié indéfectible qui lie les deux femmes !
Une oeuvre sincére, marquante , intense et convaincante que l'on quitte à regret !
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♫ Capri, c'est fini...♫
Ah non zut, c'est pas Capri, c'est Naples !

Finito, la grande saga italienne d'Elena Ferrante. Et pourtant, on referme ce quatrième tome avec un je ne sais quoi d'inachevé.
Mais, ainsi va la vie...et ce magnifique roman !
Dans ce tome, comme pour les précédents, on suit la narration d'une des héroïnes : Eléna Gréco, devenue mère de trois filles et écrivain célèbre. Elle nous raconte ses amours, ses déceptions, ses petits tracas quotidiens, ses activités chaotiques de romancière et bien sûr, toujours et encore son amitié avec Lila, sa prodigieuse amie !
( Mais d'ailleurs, ne serait-ce pas plutôt Eléna l'amie prodigieuse ??)
Ce roman tient sa force de la narration qui ne laisse au lecteur qu'un aperçu de événements. Celui d'Eléna... Un aperçu pour le moins restreint et subjectif mais ô combien savoureux ! A la manière d'Eléna, le lecteur s'y englue, se pose mille questions, tergiverse, doute, espère ...
Espère tant jeter un coup d'oeil, ne serait-ce qu'une seule fois, sur le journal intime de Lila, si toutefois elle en écrivait un !

Oui, c'est fini et c'est avec respect et tendresse que l'on tourne la toute dernière page de cette saga.
Une saga sociale qui décrit merveilleusement bien une Italie aux traditions machistes encore bien ancrées et à l'esprit mafieux mais une Italie qui peu à peu tente de changer de visage et s'ouvre à des idées plus modernes, plus émancipatrices.
Une saga sincère qui prend sa source au plus profond de nous, qui parle vrai des relations entre les humains, qui résonne si justement !
Une saga intelligente qui s'enveloppe peu à peu d'un halo de mystère, qui pose un doigt délicat sur les tourments de l'âme humaine, qui suggère les
travers des hommes sans jamais les juger, qui contemple et qui raconte avec lucidité...la vie !
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C'est toujours avec autant de plaisir que j'ai retrouvé Elena. Elle a quitté Pietro, son mari père de ses deux filles Dede et Elsa pour Nino avec qui elle a une troisième fille, Imma. de nouveaux succès littéraires mettent fin à une période stérile. Après sa rupture avec Nino, avec ses trois filles, elle retourne vivre à Naples dans un petit appartement situé au-dessus de celui de Lila, son amie d'enfance. Sa relation avec Lila ne sera jamais facile, les périodes heureuses et malheureuses, les moments de rejets, Lila les alternent à l'envi.
Difficile de comprendre une telle amitié que, par moments, j'assimile à une relation sadomasochiste, Elena se laissant malmener par Lila qui, à loisir, dans leurs relations, souffle le chaud et le froid.
Toutes deux sexagénaires, Elena plusieurs fois grand-mère, Lilia disparue, le roman s'achève sur un coup de théâtre.
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Voilà, c'est fini…

Et pourtant j'aurais tant voulu que cela continue, pour tout savoir, tout comprendre, voir ce qu'il serait advenu de l'amitié d'Elena et Lila dans leurs vieux jours…

Parce que si la fin de l'histoire boucle la boucle, en quelque sorte, puisqu'on s'en revient à l'épisode des poupées, celui qui marquait le début de la saga et de l'amitié des deux fillettes 50 ans plus tôt, cette fin, donc, n'en reste pas moins ouverte, d'une certaine façon.

Tout savoir, tout comprendre, parce que tous les mystères ne sont pas résolus, tous les comportements ne sont pas expliqués, et surtout, parce que cette histoire ne révèle que le point de vue, les interprétations et les extrapolations de la seule Elena. J'aurais donné cher pour connaître la version de Lila, et comprendre ce qui s'est passé dans sa "tête folle" tout au long de ces années.

Mais voilà, c'est la vie, c'est comme ça…

Je termine cette saga prodigieuse avec un pincement au coeur, tant je me suis attachée à ces héroïnes et à leurs univers, et avec un sentiment de perte. La perte, d'ailleurs, présente jusque dans le titre, marque ce dernier volume. Pouvait-il en être autrement, quand toute la saga trouve son fondement dans la perte des poupées ?

La perte des illusions amoureuses (ah, le beau Nino et ses promesses d'amour éternel) et politiques (les convictions se sont émoussées devant la violence, les compromissions, la corruption), la perte de la jeunesse (et l'arrivée de la vieillesse et de ses affres, avec la mort en ultime point de mire, mais chaque fois plus proche) et de l'innocence (déjà sérieusement entamée par la violence des années de plomb, mais cette enfant perdue… bon sang, quel drame sidérant…), ce qui nous vaut un tome plus sombre que les précédents, où malgré l'âpreté de la vie, toutes les difficultés se surmontaient tant bien que mal. Cette fois, on sent bien que tant Lila qu'Elena marchent, à leur tour, au bord de l'abîme…

Les repères sociaux et religieux se brouillent aussi, on vit ensemble sans être marié, on se marie sans passer par l'église, on ne baptise plus les enfants, les femmes quittent le foyer et prennent leur indépendance.

Ce qui ne se perd pas, ne change pas, c'est la complexité, l'ambiguïté de la relation entre Elena et Lila. Lena, désormais écrivaine reconnue, n'en finit pas de s'interroger sur la manière dont Lila a influencé son écriture. Lena a-t-elle écrit ce qu'elle voulait réellement écrire, ou, inconsciemment, ce que Lila a voulu qu'elle écrive ? A-t-elle écrit par procuration, Lila a-t-elle vécu ses propres rêves à travers l'écriture de Lena ?

Chronique d'une amitié et chronique sociale, la saga d'Elena Ferrante a tenu ses promesses jusqu'au bout, bouclant plus d'un demi-siècle d'histoire italienne sur plus de 2000 pages. Captivante, intelligente, réaliste, sans artifices, sincère, intense, bouillonnante, comme la vie, elle se termine sans répondre à toutes les questions.

D'ailleurs, qui pourrait dire, d'Elena ou de Lila, laquelle est véritablement "l'amie prodigieuse" ?
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Lena connait le succès grâce à ses livres. de tournées de promotions en conférences, elle voyage beaucoup. Ayant rompu définitivement avec Pietro, le papa de Dede et Elsa, avec qui le divorce devrait être prononcé, elle vit au grand jour son histoire d'amour avec Nino, son amour de jeunesse. Installée à Florence avec ses filles, elle rêve d'emménager avec lui. Malheureusement,ce dernier ne semble guère prêt à se séparer de sa femme...
Lila, quant à elle, vit toujours à Naples avec Enzo et travaille avec lui dans son entreprise d'informatique. Elle tente de renouer des liens avec son amie, Lena, qui elle, redoute de la revoir...

Ce dernier tome de la tétralogie nous emmène à Naples, là où tout avait commencé des décennies auparavant. C'est dans cette ville que Lena retourne s'installer avec ses filles et qu'elle retrouve son amie. Une "amitié" pour le moins mise à mal tant le caractère des deux femmes s'affirme et s'oppose, tant le chemin parcouru par l'une ou l'autre semble avoir pris une direction différente. Une "amitié" emplie à la fois de jalousie, de haine, de rancoeur, de méfiance et d'amertume. Ce dernier volet se révèlera moins exaltant, moins vivant, moins fouillé que les précédents. L'on regrettera, également, les premières pages poussives dans lesquelles Lena se confie, tiraillée entre son métier d'écrivain, ses enfants et son amant, Nino. L'on regrettera une Lila souvent absente, au caractère un brin névrotique.
Malgré cela, Elena Ferrante, avec ce dernier volet, nous offre une saga intense, riche en rebondissements, foisonnante de personnages attachants, remarquables et hauts en couleurs.

À noter que cette saga devrait apparaître sur nos petits écrans sur Canal+ en fin d'année.
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Et voilà, c'est fini.
2093 pages de pur plaisir littéraire.
4 tomes d'une série incroyable, où le coeur des femmes, la vie d'un pays à travers ses violences socio-politiques ont été fouillés très intimement pour en tirer la substantifique moelle.

Mais ce qui fait la colonne vertébrale de ce texte, seule une ville située entre Vésuve, entre chaos et espoirs de modernité pouvait en tenir le rôle. Naples, à la fois dangereuse et humaine plonge lecteurs, personnages et auteure dans la question d'une vie : une ville-pieuvre peut-elle happer ses habitants, malgré leur désir d'envol ?
Comme si on n'avait jamais quitté Elena et Lila, ce quatrième opus nous plonge donc toujours et encore plus au coeur du déterminisme social, et avec lui l'éternelle question de savoir si on peut s'extraire vraiment du milieu qui nous a vu naître et grandir.

Et puis, flotte toujours cette relation compliquée entre les deux amies qu'Elena Ferrante explore remarquablement en donnant la plume à la brillante Elena. Mais cette compliquée relation ne l'est-elle pas tout simplement parce que Naples gâche tout ? Ce texte met en exergue « la nature à la fois splendide et ténébreuse » de cette amitié, ainsi que la douleur intense et compliquée de Lila depuis toujours, et pour toujours.
« La touche que je préfère », dira-t-elle à propos du clavier de son ordinateur, « c'est celle qui sert à effacer. »
Mais on ne peut pas effacer « le monde d'en bas ».
« Ma vie se réduirait à une bataille mesquine pour changer de classe sociale ? » lui lance à la figure Elena, un jour de querelle.

Ainsi, je ne me suis jamais ennuyée dans ces 560 pages que j'ai dévorées. Certaines, d'une telle force, m'ont même ôtée le sommeil (un évènement majeur survient dans ce dernier tome). Jamais, une auteure ne m'aurait fait cet effet. L'analyse par l'entremise d'Elena, des sentiments, des événements tant privés que collectifs s'est révélé pour moi géniaux. le récit ne bégaye pas, il insiste seulement sur certains points chers à l'auteure. J'ai accepté ce fait.
A travers une image récurrente de la ville tentaculaire, qui symboliquement détruit malgré les liens amicaux, familiaux, Elena Ferrante nous a offert une oeuvre à la fois sociale et féministe dont je comprends enfin l'étendu du succès mondial reçu. Finesse des portraits (principaux ou pas), réalisme brutal, narration fluide, tout est habilement construit, ici encore, comme dans les trois premiers volumes. Pas de temps mort.

Elena se raconte, Elena livre sa vision des évènements, et le recueil d'informations glanées ça et là. Elena (au même nom que l'auteur) remet à sa juste place cette longue intrigue, dans une impressionnante maitrise des fils dramatiques, dans un sens évident de la narration.
Ce long roman très dense en réflexions, plus encore qu'une enquête sur Naples établit une radiographie sociologique à dimension humaine que je ne suis pas prête d'oublier.

Il m'a questionnée sans cesse, et c'était délicieux que de sentir son esprit titillé ainsi par des interrogations comme…
- Peut-on se déstructurer quand on est femme, pour se recomposer ?
- La trame d'aujourd'hui n'est-elle que la suite du rouleur compresseur d'hier ?
- Quelle part pour l'inné ? pour l'acquis ?
- Toute relation était-elle invariablement douloureuse parce que vivante ?
- Toute blessure a-t-elle forcément des points de suture ?
- Lila est-elle méchante ou lucide ? Ses souffrances excusent-elles son caractère ? Son « cerveau virevoltant » est-il la conséquence d'une adaptabilité aux dangers inhérents à sa classe sociale ?
- Etc…

Dans cette collision permanente entre passé et présent, on peut lire aussi la dénonciation des compromis des partis politiques et la violence de l'Etat sur son peuple. Et je me demande tout simplement si L'amie prodigieuse, le nouveau nom, Celle qui fuit et celle qui reste, L'enfant perdue ne nous disent pas avant tout que « Tout rapport entre des êtres humains est truffé de pièges et, si on veut qu'il dure, il faut apprendre à les esquiver. »


Lien : http://justelire.fr/lamie-pr..
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C'est le plus épais des 4 tomes et il faut s'être lié d'amitié avec Léna et Lila et avoir été suffisamment séduit pas les opus précédents pour s'attaquer au dernier pavé de l'édifice.

Les héroïnes ont muri, selon les impératifs du temps qui s'écoule, et avec elles, les décors ont évolué. Avec les années 80, l'informatique fait son apparition , et qui , sinon Lila , pouvait envisager l'ampleur de cette révolution dans les modes de communication, là où Léna ne voit qu'une nouvelle façon de collecter les récits qu'elle crée?

La vie sentimentale de Léna est toujours aussi complexe, et Nino, l'amour d'enfance prend une place prépondérante dans cette histoire, même si l'auteur s'appuie sur les turpitudes du monde politique italien pour lui réserver un sort peu enviable.

Si les deux amies sont proches, Léna ayant choisi de revenir à Naples avec ses filles, la cohabitation reste houleuse et Lila la battante aura l'occasion de mettre à jour une fragilité jusque là masquée par l'emprise qu'elle exerçait sur son entourage.

L'auteur ne manque pas de nourrir son récit par des événements marquants, qu'ils soient authentiques (tremblement de terre) ou cantonnés au petit monde imaginaire du quartier napolitain (disparition, meurtres…), pour donner des accroches dynamisantes au fil narratif.

Contente de tourner la dernière page, d'une saga qui , bien que fort passionnante est cependant un peu bavarde. Un petit écrémage n'aurait pas nui à la compréhension, tout en évitant l'effet de trop-plein, et qu'inévitablement on se lasse des incertitudes de Léna et des fluctuations imprévisibles de Lila.

Il n'en reste pas moins que ce roman, est un remarquable  témoignage de l'ambiance politico-sociale de l'italienne la deuxième partie du 20è siècle, que l'auteur a su mêlé à une histoire pas si anodine que ça, celle d'une amitié indéfectible et du combat complexe d'une jeune femme pour sortir d'un milieu fermé et pour se faire accepter dans un milieu plus fermé encore. A la manière d'une Annie Ernaux napolitaine.


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Elena Ferrante est le pseudonyme de Erri De Luca, le véritable auteur des romans.

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