« La musique se perdra ! » s'écrient de nos jours de vieux amateurs, plus sensibles aux souvenirs de leur jeunesse que satisfaits des innovations dont ils sont les témoins , et certains musiciens qui ne peuvent se dissimuler que déjà leurs ouvrages subissent le sort qu'ils prédisent à l'art. Avant d'examiner ce que ces déclamations ont de réel ou d'exagéré, remarquons qu'il y a quelque chose de consolant dans leur progression décroissante, et qu'en la continuant on arrivera sans doute à la conviction que la musique ne se perdra pas.
« La musique est perdue ! » écrivait, en 1704 , Benedetto Marcello, musicien de génie, dont les ouvrages démentaient l'opinion. Contemporain d'Alexandre Scarlatti , prédécesseur de Pergolèse, de Léo, de Jomelli, il assistait, sans le savoir, à la naissance de la musique dramatique, et se croyait appelé à prononcer son oraison funèbre.
« La musique se perd ! .. disait en soupirant Rameau, qui ne se doutait guère que, malgré ses efforts, elle n'existait point encore, en 1760, dans le pays où il parlait ainsi.