Nous sommes dans un monde marqué par les automatismes. Le véritable langage, ce ne sont plus les écritures mais les chiffres qui, pixélisés en 0 ou 1, forment le monde numérique dans lequel nous évoluons. Les protocoles, les algorithmes, tout ce qui règle les comportements humains et qui visent à « supprimer le facteur subjectif », visent à remplacer une conduite aléatoire par des automatismes et à nous mettre dans une situation de servitude devant nos machines. Ce faisant, nous en venons à nous comporter comme les rouages d’une machine. Il se pourrait que la souffrance au travail trouve là sa source la plus importante. La réactivité remplace la réflexion. C’est ainsi que le Pentagone a remarqué que l’usage de Power point était à terme dangereux car il empêchait les militaires de penser : « c’est dangereux, parce que ça peut créer l’illusion que l’on comprend et que l’on contrôle une situation. Or, dans le monde, certains problèmes ne sont pas transformables en puces » a déclaré le général McMaster en 2005, après les avoir interdits pour la guerre en Irak. Tout se passe comme si l’on réduisait l’intelligence à l’instinct, quitte à appeler « intelligence » l’instinct, comme si les algorithmes allaient supprimer l’errance et le hasard. On cherche ainsi à garantir la prévisibilité de nos sociétés.
p. 41-42
Intervention de Dominique Folscheid, philosophe, professeur émérite, Université Gustave Eiffel, lors du colloque "La médecine confrontée aux limites" au Collège des Bernardins.
Pour en savoir plus : https://bit.ly/3ooeImo
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