Silences sur le toit

JUGEMENT DERNIER


Extrait 2

Cœur à cœur et les doigts noués sous ta colère
Nous ne craignons plus rien de tes tristes éclairs
Seigneur, vois notre joie — pourquoi la foudroyer ?
Je l'aime plus que toi ma femme et ton image
Elle est lourde comme l'armoire de noyer
Elle est belle comme un sourire de fontaine
Et je l'aime, Seigneur, autant qu'on peut prier.
Je l'emporte avec moi de mes amours terrestres
Et nous ne craignons plus ton jugement dernier.

RÉVEIL


ON prit pour celle des anges
La trompette du laitier.
L'aurore roule ses oranges
Sur chaque sentier…

Ah ! cette trompette dérange
Ton petit sommeil de rentier ?
— Mais ce n'est plus trompette d'ange,
Si c'est trompette de laitier !

En France
N'est-ce pas,
On attache de l'importance
Aux choses qui n'en ont pas !

                        1925

JUGEMENT DERNIER


Extrait 1

JE l'emporte avec moi de mes amours terrestres,
Seigneur, nous voici ma femme et moi devant vous
Nous nous sommes aimés ici-bas. Tout le reste
A passé près de nous comme une fête vaine
Seule votre lueur éclairait notre peine
Seule votre splendeur allumée sur nos jours.
Nous voici devant vous. Durs ancêtres gothiques
Roides comme on les voit devant les cathédrales
Était le premier couple immortel et menteur.
Nous, nous avons suivi les barques de nos cœurs
Maintenant nous voici purs ainsi qu'au jardin
Scellés comme le ciel au ciel, comme les pierres
Soudés, comme le lierre au lierre et saignant l'un par l'autre
C'est la même résine enlaçant les deux pins.
…