Je me regarde souvent dans la glace. Mon plus grand désir a toujours été de me découvrir quelque chose de pathétique dans le regard.
"Bien que lié à un sentiment de chute sans fond, l'état de jubilation que je ressentis par la suite m'apparaît comme la preuve irréfutable que seule une souffrance physique avait le pouvoir d'apaiser le honteux malaise où m'entretenait le souvenir de ma faute ; cet état imprévu qui se manifestait par une sorte de gaieté, d'humeur enfantine, de disponibilité heureuse, d'entier détachement, me faisait à la fois trembler et rire et son intensité était telle qu'il n'y avait pas de torture, me semblait-il, que je n'eusse été capable d'endurer si j'avais eu des raisons de croire qu'elle entraînerait ma réhabilitation en me déchargeant du poids de mon remords ; car aucune épreuve n'était au-dessus de mes forces, je les sentais illimitées."
"[...] je compris que je devais vider un certain nombres de verre avant d'atteindre le niveau de leur ébriété et de participer de gaieté de cœur à leurs plaisirs malsains. Ils me plaisantèrent sur ce que je ne me mêlais à la conversation que pour faire entendre des paroles de grand-mère, on préférait encore mon sempiternel silence à ces plaisants discours de morale, j'avais d'ailleurs l'esprit beaucoup trop lucide pour dire quelque chose de sensé."
"[...] mes amis disent que je suis le silence même, ils ne nieront pas qu'en dépit de leur extrême habileté, ils n'ont jamais su me tirer ce que j'avais à cœur de tenir secret. On a même convenu de voir dans cette impossibilité à me livrer une insuffisance assez grave qui excitait la pitié et je ne résiste pas au plaisir, identique à celui décrit plus haut, d'ajouter qu'une vanité sournoise me pousser à tirer profit de cette croyance en simulant ou en seulement en exagérant la souffrance que me causait cette infirmité déplorable, comme si j'avais eu quelque grand secret que j'eusse été soulagé de confier si je ne l'avais tenu, à cause de son caractère à la fois exceptionnel et intime, pour absolument inavouable."
C’est entendu, je suis un bavard, un inoffensif et fâcheux bavard, comme vous l’êtes vous-mêmes, et par surcroît un menteur comme le sont tous les bavards, je veux dire les hommes.
Je parlais et c’était une sensation magnifique.
Je ne suis pas de ceux que l’opinion d’une jolie femme laisse indifférents. Le travail qui consiste à organiser mentalement, à regrouper ou à mettre bout à bout les diverses appréciations, recueillies sur le vif ou indirectement rapportées, de telle personne sur mon compte, pour en venir ensuite à recomposer une image assez vraisemblable qui, flatteuse ou défavorable, ne correspond jamais tout à fait à la réalité permanente de ce que je suis, se reproduit à chaque nouveau contact et constitue pour moi la plus torturante des épreuves. L’esprit naturellement lucide que j’y apporte ne m’incline jamais à tricher en éludant ce qui pourrait m’être trop désagréable ; même s’il m’arrive de ne pas savoir réduire tel facteur avantageux à de plus justes proportions, je ne suis pas dupe, ayant un mépris foncier pour toute supercherie avec soi-même.