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Richard Millet (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070356584
96 pages
Gallimard (25/08/2008)
4.5/5   20 notes
Résumé :
Travaillée par le combat contre la médiation impure des mots et toutes les formes de leurre, la poésie de Louis-René des Forêts rend justice au chant autant qu'au silence.

Mince en volume mais pleinement efficiente, l'oeuvre poétique de Louis-René des Forêts (1918-2000) tient en deux recueils ne totalisant pas plus d'une soixantaine de pages. Publié en 1967 au Mercure de France,

Les Mégères de la mer est un long poème divisé en laisses... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique

Dans ce recueil, les vers de Louis-René des Forêts sont d'une puissance incroyable. Ils possèdent un rythme et une musicalité assez étonnantes, et dès lors les lire à haute voix pour les faire vibrer comme ils le méritent devient un impératif. Etrange aussi, car souvent, mimant des alexandrins, les vers possèdent en réalité 13 pieds, créant une sorte de déséquilibre surprenant, de rupture du rythme appris, qui ajoute au lyrisme et fournit un surcroît de force.

Les mégères de la mer, le plus court, n'est pas des deux celui que je préfère. Il est pourtant assez remarquable. Il va et vient, inlassable, dévastateur parfois, hurlant comme la marée qui submerge puis se découvre, rugit et gronde avec le vent chargé d'écume et de sel. Il est aussi par moment assez obscur et il arrive que l'on perde le fil de l'image ou de la perception. On ne demande pas à un poète de s'expliquer, et il n'y a guère que les imbéciles, je suppose, qui ne le comprennent pas (tant pis pour moi quand je me suis senti égaré, nulle main secourable ne s'est tendue vers moi).

Mais c'est la raison pour laquelle j'ai préféré le second : Poèmes de Samuel Wood. Ce long poème désespéré sur la mort atteint des hauteurs sublimes. Il a la dureté de la lucidité la plus crue, la violence sournoise de la fin qui approche, la nécessité de lutter, tout en acceptant la perspective inacceptable en tentant la voie de l'apaisement, car la mort ne connaît pas d'échec. Et le poème s'exalte dans une inflation de mots, une ultime ivresse verbale qui emporte tout sur son passage.

Pour le découvrir, je peux vous donner un conseil. Alain Cuny a déclamé en partie ce poème et un musicien, Jack Yantchenkoff, a plus tard composé une musique pour l'ajouter sur la voix (CD intitulé « Jack Yantchenkoff redonne la parole à Alain Cuny », sans doute difficile à trouver maintenant). le résultat est tout à fait remarquable. Alain Cuny, grand acteur de théâtre, possède la voix grave et puissante qui convient. Et il a aussi la compréhension du texte, de ce qui se joue. Ce n'est pas un poème pour rire, à l'inverse, tout de rage et de férocité, il supporte l'emphase. On pourra juger, certains jugeront, qu'Alain Cuny en fait trop, et peut-être auront-ils raison. Pourtant, il suffit ensuite d'écouter d'autres interprétations pour comprendre que c'est bien ainsi qu'il faut porter ces vers et les déployer comme une faux qui tranche tout sur son passage.

Ne nous quittons pas sans que je vous en donne un court extrait, que voici :

Dis-toi qu'aux deux extrémités du parcours
C'est la douleur de naître la plus déchirante
Et qui dure et s'oppose à la peur que nous avons de mourir,
Dis-toi que nous n'en finissons pas de naître
Mais que les morts, eux, ont fini de mourir.
Retourne d'où tu n'es venu que pour les rejoindre
Ces morts dont les noms tout muets sur la pierre
Nous rappellent à nous autres qui rêvons de survivre
Que n'être pas ou n'être plus ont absolument le même sens.


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« Les Mégères de la mer » est un long poème de Louis-René des Forêts publié en 1967 au Mercure de France. Mon édition de 1983 ne contient que ce poème épique qui mêle évocation et incantation.
La langue est belle et rythmée par les vagues de la mer et les souvenirs de la mère. Cela ressemble à une quête de l'origine, des lieux de l'enfance.
Le poète raconte par métaphores, la perte de l'innocence enfantine par une scène traumatique. C'est au bord de la mer, près de falaises, que vivent des mégères troglodytes. Elles sont toutes vieilles à l'exception de l'une d'elles. Fasciné, l'enfant est écartelé entre l'interdit et l'irrésistible attraction qu'exerce ce vaste corps maternel (le trouble et la faute).
Face aux mégères, Louis-René des Forêts nous fait assister au naufrage de son enfance sur fond de musique océane. C'est assez triste et plutôt négatif mais, ce qui est agréable, dans ce poème, c'est le bercement des mots.


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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
POÈMES DE SAMUEL WOOD


Encore combien de fois faudra-t-il dire
Ce qu'on a dit et redit maintes fois ?
Combien de fois encore rêver d'un langage
Non asservi aux mots comme en ces jours
Où tout tremblant d'un timide désir
On n'avait soif que d'étreintes silencieuses
Qui comblent mieux que les plus graves échanges ?
Faut-il que soit sans cesse à recommencer
Ce qu'on cherche et n'arrive jamais à saisir ?
Peut-être y renoncer serait plus sage
Mais raison et folie luttent à forces égales
Sans qu'aucune des deux ne l'emporte sur l'autre.
L'esprit aspire-t-il si peu au repos
Qu'il fasse de ce combat stérile un jeu
Dont chaque partie ne se gagne qu'en perdant ?
Quel mouvement l'agite et quel autre l'arrête
Au moment où il s'apprête à bondir ?
Serait-ce au-delà d'interminables ambages
Toucher le port son unique obsession
Il y a encore trop de brume qui l'aveugle
Rien pour le guider que des signes dans le vide
Porteurs de messages toujours en souffrance
S'ils dérivent sans atteindre leur destinataire
Comme lancés chaque fois d'une main hésitante
Est-ce à dire qu'ils ne demandent pas de réponse ?
Trouver la formule pour sortir de l'impasse
Et au plus vite, le salut est à ce prix
Mais autant attendre de la nuit qu'elle éclaire
La voie étroite par où aborder au port.

p.61-62
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…Si je reprends haleine, c’est pour esca­la­der les pentes
Où per­ché sur l’encolure d’un éperon rocheux
A l’auvent de ma paume que les fétides effluves orientent
Je vois que six arbres à la sève tarie
Nos gor­gones che­nues ins­crire sur un brouillard de feu
Leurs pro­fils gémi­nés mor­dant au tronc des tuber­cules
Momies des cavernes qui ne semblent vêtues que de leur ombre
Dans la brume argen­tine où leurs mains ges­ti­culent
Quelle hargne sombre vous endiable, méduses baveuses,
A lan­cer au rebours du vent vos gerbes de dérai­son !
Et moi qui gar­dait si pur le grand rire de l’enfance,
Moi qui fus naguère ce fier gar­çon si dur à flé­chir,
Elles m’ont tiré de mes fran­chises pour m’attirer en leur gîte
Et fermerais-je les yeux, c’est encore leur voix que j’entends
Ron­geuses, âpres à nuire dans la séduc­tion de leur invite !
Comprends-moi dont la svelte gloire est aujourd’hui éteinte,
Cette cita­delle agreste fut le théâtre de ma pas­sion
Et dans ma mémoire souf­frante qui est mon seul avoir
Je cherche où l’enfant que je fus a laissé ses empreintes.
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Une ombre peut-être, rien qu'une ombre inventée
Et nommée pour les besoins de la cause
Tout lien rompu avec sa propre figure.
Si faire entendre une voix venue d'ailleurs
Inaccessible au temps et à l'usure
Se révèle non moins illusoire qu'un rêve
Il y a pourtant en elle quelque chose qui dure
Même après que s'en est perdu le sens
Son timbre vibre encore au loin comme un orage
Dont on ne sait s'il se rapproche ou s'en va.

POÈMES DE SAMUEL WOOD
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LES MÉGÈRES DE LA MER


C'est pour inscrire au débit de mes fiertés mal gardées
Sur ce registre où me couche une mémoire sans merci
La convoitise pétrie de crainte, l'obscure meurtrissure
À l'unisson des vagues qui tambourinent ma mort
De ce double moi-même qui me suit à la trace
Et toujours me rattrape avec son même cri de douleur.
Ô mère dont les mains quiètes reposent sur le giron à plat
J'ai vu scintiller mon ombre dans le cercueil de tes yeux
Et s'y débattre le morveux empiégé comme un rat !
Sa grimace acide, je la sens encore me serrer les dents
Comme aux jours où rusant par des chemins divergents
Pour faire mine de fuir sans échapper à leur orbe
Je les voyais, ces vieilles, de leurs ongles en crochet
M'inviter enfant à les suivre au tréfonds de leur grotte.

p.21-22
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Encore combien de fois faudra-t-il dire
Ce qu’on a dit et redit maintes fois ?
Combien de fois encore rêver d’un langage
Non asservi aux mots comme en ces jours
Où tout tremblant d’un timide désir
On n’avait soif que d’étreintes silencieuses
Qui comblent mieux que les plus graves échanges ?
Faut-il que soit sans cesse à recommencer
Ce qu’on cherche et n’arrive jamais à saisir ?
Peut-être qu’y renoncer serait plus sage
Mais raison et folie luttent à forces égales
Sans qu’aucune des deux ne l’emporte sur l’autre.
L’esprit aspire-t-il si peu au repos
Qu’il fasse de ce combat stérile un jeu
Dont chaque partie ne se gagne qu’en perdant ?
Quel mouvement l’agite et quel autre l’arrête
Au moment où il s’apprête à bondir ?
Serait-ce au-delà d’interminables ambages
Toucher le port son unique obsession
Il y a encore trop de brume qui l’aveugle
Rien pour le guider que des signes dans le vide
Porteurs de messages toujours en souffrance
S’ils dérivent sans atteindre leur destinataire
Comme lancés chaque fois d’une main hésitante
Est-ce à dire qu’ils ne demandent pas de réponse ?
Trouver la formule pour sortir de l’impasse
Et au plus vite, le salut est à ce prix
Mais autant attendre de la nuit qu’elle éclaire
La voie étroite par où aborder au port.
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Video de Louis-René des Forêts (1) Voir plusAjouter une vidéo

Louis René des Forêts : Ostinato
Dans les jardins de l'hôtel Miyako à Tokyo, Olivier BARROT présente le livre de Louis RENE DES FORETS "Ostinato"
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