Récit d'une grande souffrance qui se plaît et qui s'aime encore, toujours vive à l'esprit de Louis-René des Forêts lorsqu'il essaie de la raconter et donc indiscutable en ce qui concerne la matière même du propos. Dans
Ostinato, le parcours d'une vie observée sous le prisme de la différence se déploie. Louis-René des Forêts reste aussi troublé par ses souvenirs les plus anciens que par ses impressions les plus récentes. L'exercice est périlleux pour tout autobiographe rétrospectif : quel langage employer pour décrire le cheminement de décennies qui ne se sont pas données à connaître sous la même forme de pensées ?
Louis-René Des Forêts utilise une prose poétique élusive dans le fond, comme si ses confessions ne méritaient peut-être pas, après réflexion, d'être happées par l'esprit de n'importe quel lecteur avide. Pourtant, leur forme est à l'exact opposé de cette pudeur. On peut certainement être séduit par l'écriture d'
Ostinato mais quant à moi, je l'ai trouvée corrompue, sans émotion, agressive à la fois vis-à-vis du lecteur qu'elle essaie de tenir à distance et de l'écrivain qu'elle met dans une position schizophrène, entre le désir de se confesser et la peur de se dévoiler.
« Toi qui ne sais rien de l'aventure de ta mort que seuls vaincus par elle nous avons à vivre sans toi côte à côte comme déjà couchés nous-mêmes dans la tombe. »
(on comprend que ce n'est rien de très gai mais c'est déférent et j'ai du mal à associer le vrai désespoir et l'opacité littéraire qui ne peut résulter, selon moi, que de deux choses : 1° une mauvaise capacité à s'exprimer ; 2° la recherche du style plaisant à outrance (la flatterie selon
Platon))
Et pourtant, il est difficile de renier totalement cet
Ostinato. L'édifice si fragile ne tient qu'à un fil : en disant qu'on lui trouve peu de consistance, on craindrait de le voir s'effondrer et de provoquer la mort définitive d'un écrivain qui semble être resté en sursis toute sa vie.