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Citations sur Le bavard (29)

Le silence - ce silence pour lequel il éprouve le mélange de terreur et d'attachement que détermine la seule approche d'une chose à la fois attirante et dangereuse, prestigieuse et redoutée, ce silence aux lois arides duquel il n'a jamais consenti à se plier, qu'il n'a cessé de haïr mais auxquelles il reste pourtant lié par une nostalgie cuisante, il se surprend à l'appeler secrètement de ses vœux.
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Un bavard ne parle jamais dans le vide; il a besoin d'être stimulé par a conviction qu'on l'écoute , fut ce machinalement ; il n'exige pas la répartie, c'est à peine s'il cherche a établir un rapport vital entre son interlocuteur et lui; s'il est vrai que sa loquacité grandit jusqu'à l'exaltation la plus folle devant l'assentiment ou la contradiction , elle se maintient en tout cas très honorablement devant l'indifférence et l'ennui.
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Les réverbères etaient éteints et, de fait il faisait demi-jour. L'aube couleur de citron inondait la jardin désert, s'égouttait des branches et des corniches , émiettait les blocs d'ombre entre les arbres et déjà la fumée des chalands flottait bas sur l'eau opaque . je me sentais frileux et fatigué.
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La seule part de moi-même que je considère comme vraiment importante demeurant toujours caché aux regards des êtres que je chéris le plus, tandis que tout ce que je peux montrer d'autre est sans importance, je ne serai jamais compris , compris se confondant pour moi avec aimé, et c'est la une cruelle constatation dont il m'arrive parfois de rire pour ce qu'elle a évidemment de puéril.
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Je courus en titubant vers la porte mais, avant de l'ouvrir, je me retournai. Elle était toujours assise, secouée par le fou rire, le visage inondé de larmes.

Autour d'elle se pressaient en cercle les clients qui riaient aussi aux éclats, une main sur la hanche, leur ventre chassé en avant et de côté, ravis sans doute de sortir enfin du silence où mon long discours les avait relégués et de donner libre cours à leur exaspération qui d'ailleurs ne s'exprimait en fin de compte que par une hilarité frénétique entrecoupée de glapissements aigus et de tape sur les cuisses. C'était un spectacle trop écœurant ! Dès que j'eus fermé la porte derrière moi, toute la salle s'emplit d'un staccato de voix semblable au tic-tac d'une mitrailleuse. Dans la rue, je me sentis d'abord heureux d'être sorti de cette salle surchauffée et bruyante. La neige avait durci et il faisait plus froid. Un froid qui pénétrait à travers les vêtements, à travers les pores dilatés par l'alcool et se glissait sournoisement jusqu'aux os. Les rues étaient désertes, les réverbères clairsemés et lointains. Les mains douillettement enfouies dans mes poches, le col de mon manteau relevé et boutonné sous le menton, je me glissai le long des murs en regardant avec prudence autour de moi et en prenant soin de me retourner de temps à autre pour m'assurer que je n'étais pas suivi. Au milieu de la chaussée vide, une ligne blanche allait s'amenuisant là-bas, en avant sur la surface blafarde et glacée de l'asphalte tigré de plaques neigeuses. Les rires et les éclats de voix parvenaient encore jusqu'à moi, lointains, assourdis par l'air ouaté, tissant une rumeur touffue que prolongeaient en sourdine les sons cuivrés de l'orchestre qui s'était remis à jouer. L'air froid me coupait le souffle, je fis halte un instant pour respirer, embrassant d'un coup d’œil satisfait la rue dans toute sa longueur bordée, à l'endroit où je m'étais arrêté, d'un côté par un long bâtiment bas dont la façade était constituée seulement par un mur blanc percé d'une immense porte aux lourd battants ouverts, tapi au fond d'un jardin grillé transformé en steppe neigeuse par la saison, de l'autre par une succession de petites maisons que rien ne distinguait sinon, si l'on veut, qu'elles étaient toutes de pierre et que leurs fenêtres étaient pourvues chacune d'un balcon de fer dont la neige qui s'étalait partout en couches minces faisait ressortir le dessin aux arabesques toutes rigoureusement identiques...

[...]Le souvenir de la salle enfumée et étouffante, l'éclairage brutal sous lequel se pressaient étroitement les danseurs, le rire vulgaire de cette femme..., enfin tout cet aspect de fête populaire dont je me délectais quelques instants auparavant ne rendaient que plus vif le plaisir que j'éprouvais maintenant à contempler ce paysage immobile, glacial et silencieux où j'étais seul...
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Bien qu'il me parût nécessaire pour entretenir l'état agréable où je me trouvais de conserver intacte toute ma lucidité, j'avais une connaissance assez éprouvée de ma faiblesse pour prévoir avec certitude qu'aucune considération de ce genre ne me retiendrait de céder à la tentation absurde et immédiate de vider ce verre qui brillait devant moi ; et je crois même que c'est la certitude absolue d'une chute prochaine qui m'entraînait à en avancer l'échéance. Je bus quatre verre consécutifs, c'était bien agréable aussi. La meilleure justification à ma faiblesse me semblait résider dans le fait que ma sensibilité, au lieu de se brouiller, devenait à la fois plus nette et plus réceptive, et je me sentais plein de sympathie, une sympathie formidable, pour tous ces gens agités. Qu'ils avaient raison de rire, de danser, de boire, de se préparer par des mots et des gestes à faire l'amour ! Quel passe-temps utile ! Dans le spectacle de ces gens emplis d'espoir ou de désespoir qui s'aiment ou cherchent l'amour, dans ce bruit de rafale, dans cette odeur chaude et confinée, consiste tout le secret de la vie, me disais-je en soulevant mon verre. Vivre c'est sentir, et boire, danser et rire c'est sentir, donc boire, danser et rire c'est cela vivre et sur ce plaisant syllogisme je vidais mon verre.
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La lune se leva



… / …

  La lune se leva, je sursautai : la grille se refermait avec un petit grincement aigrelet, quelqu'un venait d'entrer dans le jardin. Je me soulevai un peu sur les mains et je regardai au-delà du massif empâté de neige si rien n'apparaissait au tournant du sentier : le pont était désert, encombré seulement de deux tonneaux de goudron superposés et d'un tas de pavés surmonté d'un drapeau rouge que le vent agitait doucement. Je sentais l'odeur fine et glacée de l'eau, j'entendais le torrent, et le pont apparaissait à présent clairement, avec ses lignes raides et étincelantes, dans la pénombre tachée de lune. Je me secouai, je crois m'être mis à rire ; je sortis mon mouchoir pour essuyer la sueur qui perlait à mon front. Pour l'instant, j'étais encore très maître de moi, pour l'instant je voulais encore me laisser exalter lentement par cette nuit blanche, sentir encore le temps couler entre mes doigts et me refuser à tout ce qui m'engagerait à une dépense de forces excessive, et, pour cela, garder totalement vacante ma faculté d'attention. Et cependant, je ne pouvais m'empêcher de regarder fixement tour à tour le pont et le sentier qui, entre les taches rondes des réverbère, se perdait dans l'obscurité.
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Je me regarde souvent dans la glace. Mon plus grand désir a toujours été de me découvrir quelque chose de pathétique dans le regard. Je crois que je n'ai jamais cessé de préférer aux femmes qui, soit par aveuglement amoureux, soit pour me retenir près d'elles, inventaient que j'étais un vraiment bel homme ou que j'avais des traits énergiques, celles qui me disaient presque tout bas, avec une sorte de retenue craintive, que je n'étais pas tout à fait comme les autres. En effet, je me suis longtemps persuadé que ce qu'il devait y avoir en moi de plus attirant, c'était la singularité. C'est dans le sentiment de ma différence que j'ai trouvé mes principaux sujets d'exaltation. Mais aujourd'hui où j'ai perdu quelque peu de ma suffisance, comment me cacher que je ne me distingue en rien?
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"[...] lorsqu’un silence religieux s’établit en bas comme un majestueux point d’orgue, l’oiseau fit entendre là-haut quelques vocalises pures, presque grêles, mais dont l’ironique désinvolture me causa cette ivresse qui est le désespoir absolu voisin du bonheur."
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"Bien que lié à un sentiment de chute sans fond, l'état de jubilation que je ressentis par la suite m'apparaît comme la preuve irréfutable que seule une souffrance physique avait le pouvoir d'apaiser le honteux malaise où m'entretenait le souvenir de ma faute ; cet état imprévu qui se manifestait par une sorte de gaieté, d'humeur enfantine, de disponibilité heureuse, d'entier détachement, me faisait à la fois trembler et rire et son intensité était telle qu'il n'y avait pas de torture, me semblait-il, que je n'eusse été capable d'endurer si j'avais eu des raisons de croire qu'elle entraînerait ma réhabilitation en me déchargeant du poids de mon remords ; car aucune épreuve n'était au-dessus de mes forces, je les sentais illimitées."
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