Quel épouvantable casse-tête pour une mère que de marier sa fille ! Que ce soit au début du XIXè siècle pour
Jane Austen ou cent ans plus tard à celui du XXè pour
EM Forster, le problème demeure aussi insurmontable !
Oui, mais il faut dire que la reine Victoria est passée par là et que durant son très long, trop long règne, il n'a guère été permis à la société anglaise de s'émanciper !
Donc après
Jane Austen,
EM Forster reprend peu ou prou les mêmes recettes qui ont fait le succès de
Orgueil et préjugés, à savoir l'angoisse d'une mère de la bonne bourgeoisie campagnarde anglaise souhaitant bien marier sa fille et les atermoiements de cette dernière face à son destin. le lecteur peut alors constater que les mentalités de cette société n'ont guère évolué durant ce siècle écoulé !
Mais si Lucy n'a pas comme Elizabeth Bennet la chance d'avoir une armée de soeurs autour d'elle pour lui permettre de prendre conscience de qui elle est vraiment, elle a, quant à elle, accompli un voyage à Florence qui va peu à peu lui dessiller les yeux, lui permettre d'entrevoir la spontanéité italienne et donc remettre en cause la valeur du carcan social dans lequel son éducation l'a enfermé. En l'occurrence, la rencontre des Emerson père et fils, qui vont lui offrir la vue sur l'Arno et bien d'autres choses encore, sera déterminante !
Cette prise de conscience va-t-elle lui permettre d'échapper à la voie tracée d'avance à laquelle elle se trouvait condamnée ?
Ce roman griffe avec humour et férocité la société étriquée de la campagne anglaise et épingle avec acuité leurs travers plus ou moins amusants, en offrant de réjouissants portraits des différents spécimens esquissés, entre autres :
la gémissante vieille fille à chichi, chaperonnant sa jeune cousine en veillant à ce que les convenances, ou ce qu'elle juge telles, soient scrupuleusement respectées !
la lady, fausse intellectuelle se prenant pour un écrivain, saoulant les autres de ses bavardages futiles,
le clergyman pontifiant et imbu de son savoir .... et bien d'autres
Dommage que le style parfois empesé et ampoulé de l'auteur (ou est-ce dû à la traduction ?) gâche le plaisir de cette immersion très humoristique dans cette société compassée, si rigoureusement corsetée et tellement formatée de ce début du 20è siècle, dans laquelle l'auteur secoue joyeusement le cocotier !