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Dès les premières lignes, je me suis faite toute petite et suis entrée sur la pointe des pieds dans le monde d'Émily Dickinson. Douceur, délicatesse, sensibilité sont au rendez-vous.
J'ai côtoyé ceux qu'elle a laissés et en qui elle demeure, tellement absente, tellement présente. Émily a laissé une empreinte indélébile sur sa famille et ses amis.
_ Millicent s'allonge sur l'herbe glacée. Elle aussi a l'impression de tomber dans le grand bassin d'étoiles. Sur la pulpe de son doigt, le flocon ne fond pas. Au contraire, il brûle ; c'est une toute petite flamme blanche.
_ Lavinia : Dimanche, au cimetière après s'être recueillie un instant devant la stèle d'Émily, elle prend l'étroit sentier qui mène jusqu'à la tombe de Gilbert, et dépose sur le sol le bonnet, l'écharpe, la paire de mitaines qu'elle a tricotés à son neveu pour le tenir au chaud les nuits de novembre.
_ Susan : Les livres sont des fantômes. Les lettres ne valent guère mieux, qui se construisent à m^eme l'absence de ceux qu'on aime. Même les plus belles, les plus tendres et les plus émouvantes ne cessent de chuchoter : je ne suis pas là.
Chacun vit son deuil à sa façon à l'ombre d'Émily.
J'ai adorée la Plume de Dominique Fortier qui s'immisce dans celle d'Émily. C'est un monde à part doux, feutré. J'y retrouve Émily Dickinson telle que je l'avais imaginé. Il ne me reste plus qu'à lire Les villes de papier.
L'auteure a écrit une bonne partie de ce livre pendant le confinement comme une invitation à ressentir ce qu'était vivre en recluse. Pourquoi une suite ? « Échafauder une suite à la mort, c'est ce que nous faisons tous les jours de notre existence. Ça s'appelle continuer à vivre. »
Un coup de coeur. Un livre envoûtant, magique, un lieu d'éternité avec une flamme en incandescence.
Merci aux éditions Grasset
#Lesombresblanches #NetGalleyFrance
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En 1890, à Amherst, dans le Massachusetts, Emily Dickinson est décédée à l'issue de plusieurs années de réclusion volontaire. le chagrin est immense pour sa famille. le vide que sa disparition laisse est peuplé des innombrables écrits disséminés sur des fragments de papier, perpétuant sa présence.
Mais que faire de cet héritage éclectique ? Si elle avait anticipé les choses pour son courrier et son journal, exigeant qu'ils soient détruits à sa mort, aucune consigne pour le reste.

La famille est unanime, il faut les publier. Mais la tâche est complexe. Parce qu'il n'existe aucun repère d'un quelconque classement ni même de ce qui doit être gardé ou supprimé. D'autre part, dans cette Amérique du 19è siècle, les écrits posthumes d'une femme se voient gratifiés d'emblée d'un mépris condescendant.

C'est Mabel, la maitresse du frère dEmily qui se sent investie des qualités nécessaires au défrichage de l'oeuvre. Son parcours brillant et sa proximité de la famille l'autorisent à s'emparer de l'affaire. Mais l'écriture d'Emily n'est pas simple. Entre les exigences de l'éditeur qui veut rendre les poèmes accessibles et les difficultés de Mabel pour comprendre intuitivement cette poésie, il faut une bonne dose d'obstination pour poursuivre, ou bien l'aide miraculeuse d'une enfant sensible…

C'est avec beaucoup de délicatesse que Dominique Fortier s'immisce dans l'entourage affligé de la poétesse américaine la plus célèbre. Elle restitue l'ambiance morose dans laquelle la perte d'Emily a plongé cette famille disparate. On partage les secrets d'alcôve et les regrets enfouis. On y lit aussi de nombreux extraits des écrits laissés par la recluse.

Le vide qu'elle a laissé, l'incertitude et les hésitations de la famille sur le devenir de l'oeuvre, la place d'une femme écrivaine à cette période de l'histoire, tout cela est abordé avec pudeur mais assurance. On devine à travers le récit l'admiration sans borne de l'autrice pour Emily Dickinson.

Très beau récit, indispensable pour tous les lecteurs fascinés par le destin de la poétesse et pour ceux qui souhaiteraient le découvrir.


256 pages Grasset 11 janvier 2023
#Lesombresblanches #NetGalleyFrance

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Choses qui vivent dans le ciel
Les oiseaux
Les libellules
Les nuages
Les chauves-souris
Les étoiles
La lune
Mademoiselle Emily
(p.143)

A l'instar de sa soeur Lavinia, Dominique Fortier s'empare de l'oeuvre d'Emily Dickinson
Lorsque le 15 mai 1886, Emily Dickinson, alors parfaite inconnue, décède, un microcosme s'agite autour de ses écrits.
Si sa soeur Lavinia a respecté ses dernières volontés en jetant ses lettres au feu, une intuition la retient d'y jeter ses nombreux poèmes dont elle découvre avec surprise l'existence. Que faire de tous ces petits bouts de papier griffonnés à la hâte, dans l'urgence, parfois sur des emballages ?
Avec beaucoup de délicatesse et une plume poétique, Dominique Fortier reconstitue l'atmosphère de la maison presque vide, qui n'est plus habitée que par Lavinia, ses chats et quelques fantômes.

« Cela la frappe à ce moment-là, en plein soleil : ses fantômes n'habitent pas à la maison, ni même le cimetière, c'est elle qu'ils habitent, elle les transporte partout où elle va. Elle est, nous sommes des assemblages de poupées russes, spectres, souvenirs, disparus jusqu'au coeur en bois vivant et mort à la fois, jamais à l'abri d'une flambée. (p.133) »

Emily a écrit sans tenir compte des codes de la poésie en vogue à l'époque comme de donner un titre à chaque poème, elle met des majuscules où ça lui chante, des tirets un peu partout, en faisant fi des conventions. Qu'à cela ne tienne, l'éditeur Thomas Higginson et Mabel Todd chargée de déchiffrer les pattes de mouche d'Emily remettront « de l'ordre » dans tout cela. Il faudra ainsi attendre 1955 pour que paraisse un recueil au plus près de l'écriture d'Emily Dickinson.

« Elle [Lavinia] voudrait dire que, pour ce qu'elle en comprend, la poésie de sa soeur est le contraire de la correction, qu'elle appartient au domaine de la faute, de ce qui ne figure ni dans les manuels ni dans les dictionnaires, qu'elle réside dans cette distance qui l'éloigne de ce qui est normal, attendu, que la poésie vit dans cette surprise, qu'elle se construit avec de l'étonnement comme la ruche se construit avec du miel. Les poèmes d'Emily sont le contraire d'une ligne droite - labyrinthe, vol d'abeille - en même temps qu'ils vont droit vers leur but, comme la flèche vers sa cible, qu'ils sont à la fois à la flèche, la cible, la main qui tire et l'air fendu par la pointe d'acier. » (p.123)

A pas de louve, Dominique Fortier retisse avec patience les fils entre les personnages.
L'auteure a une très belle écriture, douce, dépouillée, lumineuse, elle touche au coeur avec ses mots. le lecteur se coule dans la vie solitaire et austère de Lavinia et suit avec bonheur l'attachante petite Millicent, fille de Mabel, qui avec son coeur d'enfant est celle qui comprend le mieux les poèmes d'Emily, dont elle deviendra plus tard l'une des plus grandes spécialistes.
Un livre hommage contemplatif, sensible et profond, qui donne envie de découvrir l'oeuvre d'Emily Dickinson, ainsi que le précédent livre de Dominique Fortier, « Les villes de papier » sur la vie de celle reconnue aujourd'hui comme l'une des plus grandes poétesses américaines.
Mon bémol serait que malgré la beauté de certains passages, les nombreuses libertés prises par l'auteure m'ont parfois un peu dérangée, l'histoire étant beaucoup plus romancée que fidèle à la réalité. Les nombreuses projections de Dominique Fortier sur les sentiments prêtés aux personnages prennent beaucoup de place. Cependant, pour ceux, qui comme moi, ne connaissaient pas l'histoire des Dickinson, ce roman se révèle riche en enseignements.

« Quand elle pense à Emily, à Gilbert ou à sa cousine Sophia, morte à quinze ans, Lavinia les voit tels qu'ils étaient au printemps ou à l'été de leur vie, insouciants comme des chiots. Mais elle sait que la vérité est tout autre, plus merveilleuse encore ; leurs chairs fragiles se sont défaites, leurs os sont aussi lisses que les touches d'un piano, leurs cheveux, telles des soies d'araignée, leurs coeurs, leurs poumons, le blanc de leurs yeux et la pulpe rose de leurs doigts sont allés rejoindre la terre et ils nourrissent l'herbe tendre, ils sont devenus saule, tilleul, sycomore, il servent de maison aux oiseaux et leurs bras grands étendus touchent enfin les étoiles dans le ciel.
Au jardin, à la tombée du jour, les lucioles dessinent des guirlandes mouvantes, qui dansent un instant et se défont aussitôt. Lavinia les observe de la fenêtre de la cuisine, empêche les chats de sortir pour ne pas troubler les fées. Lorsqu'elle monte à l'étage, des heures plus tard, en passant devant la chambre d'Emily, dont la porte est entrouverte, elle découvre qu'une mouche à feu, une seule, est entrée dans la maison et clignote au-dessus de l'oreiller. » (p.114 115)
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Il y a des livres qui nous plongent dans la noirceur de l'âme humaine, celui-ci nous élève dans la blancheur éthérée de la poésie…

Le roman est la suite de « Les villes de papier », où Dominique Fortier racontait l'histoire de la poétesse américaine Emily Dickinson. Recluse dans la dernière partie de sa vie, Emily écrivait constamment de la poésie, mais n'avait jamais publié ses oeuvres.

« Les ombres blanches » commence à la mort de la poétesse. Sa soeur célibataire qui avait toujours veillé sur elle doit apprendre à vivre avec l'absence, mais doit aussi ouvrir les coffres et les tiroirs pour trouver les lettres et les poèmes. Si Emily lui avait demandé de brûler ses lettres, elle n'avait pas mentionné les poèmes et Lavinia entreprendra d'en faire un livre, avec la collaboration de Mabel, l'amante de son frère et un vieil ami éditeur. On fera connaissance de Millicent, la fille de Mabel, qui se passionnera aussi de la poésie de Dickinson et il sera question du sens de la vie et des livres.

Je m'aperçois que ce bref résumé ne montre pas la beauté de ce roman.

Ce n'est pas un suspens plein de rebondissements. C'est une dentelle de mots, décorée de perles de muguet, au son des trilles de merles…
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Il y a une sorte de fascination nimbée de mystère voire de fantastique autour des révélations artistiques à titre posthume, que ce soit celles de créatifs exerçant dans le secret de leur vivant, ou d'oeuvres d'artistes déjà connus empêchées par le contexte historique. On pense au trésor laissé par Vivian Maier avec sa ribambelle de films même pas développés, en littérature Kafka ou Anne Franck cités dans ce livre, on pourrait rajouter Fernando Pessoa, Irène Némirovski et sa « Suite française » sorti des ténèbres en 2004. Et puis il y a Émily Dickinson bien sûr.
Emily avait demandé à sa soeur cadette Lavinia de détruire ses lettres, mais qu'en est-il de ses poèmes ? Qui décide, quelles synergies se mettent en place pour la révélation d'une oeuvre ? Sûrement des forces vives, ou pas. Recluse dans sa chambre d'Homestead à Amherst les dernières années, Émily Dickinson était « diaphane et évanescente dans son âge mûr», elle devient après sa disparition physique « le plus vivant des fantômes » sous la plume transcendante de Dominique Fortier qui fait appel aux ombres, blanches cela va de soit avec la prédilection d'Emily pour cette couleur, en se demandant qui fait un livre : « Combien de personnes faut-il pour faire un livre? Combien d'êtres chacune de ces personnes contient-elle à son tour, combien de fantômes ? Et si c'étaient les fantômes qui écrivaient ? Quand aujourd'hui je dis « je », qui est-ce qui parle ? » À moins que ce ne soit l'oeuvre elle-même qui décide. Après avoir brûlé les lettres présentes à Homestead, Lavinia ouvre le coffre en camphrier des poèmes, mais ne réussira pas à les y remettre :« qui a jamais réussi à faire remonter la neige dans les nuages, la lave dans le volcan, les larmes dans les yeux ? »
C'est bien la vie qui déborde de ce roman, une vie sublimée qui peut s'insérer dans les objets comme une trace laissée par Emily, « une sorte de souvenir cristallisé autour du vide ». Elle s'envole de ses poèmes et s'installe peu à peu dans les personnages au quotidien, de Lavinia à Millicent en passant pas Mabel ou Susan, toutes proches d'Emily, décidées pour certaines à se frotter aux contraintes éditoriales pour confier sa poésie à un livre, malgré les inimitiés qu'il peut y avoir entre elles. C'est peu dire que les personnages prendront de l'épaisseur, ils sont habités eux-aussi par le souffle de la poétesse et semblent prendre le pouvoir sur la romancière. de Susan au « coeur trop grand » à la petite Millicent sur les pas d'Emily, une galerie féminine et foisonnante, magnifique.

Le sujet de la révélation posthume est passionnant, le livre l'est tout autant, sous la plume délicate et sensuelle de Dominique Fortier. Mais il souffle aussi dans ce roman transcendant un vent de liberté, amenant l'autrice à parler d'elle ou sa relation au sujet, même si la prouesse principale ici semble être dans l'imprégnation, l'acculturation à l'univers d'Emily Dickinson, omniprésent. Un roman égrené de perles de mots qui est à déguster, car il se finira sûrement trop tôt.

« Ce soir-la, en s'endormant, elle trouve une autre réponse à la question de son père : les poèmes de Mademoiselle Emily non plus n'ont pas d'ombre. Ces poèmes sont des ombres blanches, des textes tissés à même les silences entre les mots, une maison faite de fenêtres. »

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I'M NOBODY ! WHO ARE YOU ?

Les Ombres blanches... qui sont ces ombres ?
Celle d'Emily Dickinson, la poétesse recluse. C'est de son oeuvre poétique qu'il s'agira au fil des pages, pas d'elle. Elle vient de mourir au début du roman.
Celle de Lavinia, la soeur d'Emily. Celle qui a brûlé ses lettres, mais qui n'avait pas d'instruction concernant la poésie... et donc veut la faire éditer.
Celle de Susan, la meilleure amie d'Emily mais aussi sa belle-soeur, la femme d'Austin. La femme trompée et malheureuse.
Celle de Mabel, la maitresse d'Austin, celle qui aura la tâche de recopier et d'éditer les poèmes d'Emily. Celle par qui nous connaissons Emily Dickinson.

Et là est l'esprit de ce roman, cet entrelac de femmes qui ont permis que nous soit connu cette poésie diaphane et aérienne.
Les Ombres blanches nous parle de deuil aussi, beaucoup... mais il transpire de la poésie de son personnage principal.

Attention, c'est une suite, celle des Villes de Papier, mais les deux romans peuvent se lire de façon indépendante.




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Aujourd'hui vous trouverez dans toutes les librairies, le roman Les ombres blanches de Dominique Fortier signé aux éditions Grasset.

L'auteure nous écrit être habitée par cette grande poétesse, Emily Dickinson.
Emily si mal connue en son temps, éloignée de la scène littéraire, préférant à celle-ci, sa famille, sa maison, sa chambre.
C'est ainsi, comme une évidence, après avoir imaginé la vie de cette dernière dans Les villes de papier, que Dominique Fortier décide d'écrire sur les femmes qui lui ont survécu. Celles qui ont oeuvré à donner naissance au premier recueil édité.
" Sans Lavinia, Emily serait morte comme tombe un arbre dans la forêt quand personne n'est là pour l'entendre, sans bruit et sans écho. "

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Un magnifique livre qui se veut la suite des Villes de papier, qui portait sur la vie et l'oeuvre de la poète américaine Emily Dickinson, et qui a valu en 2020 le prix essai Renaudot à Dominique Fortier. Elle reprend l'histoire après la mort d'Emily.

“Elle a laissé derrière elle une oeuvre considérable, mais que personne ne connaissait. Je me suis dit que le livre, ça va être l'histoire de cette oeuvre-là. Après la mort de son auteure, la naissance d'un livre.”

J'ai ce livre en ma possession depuis sa parution. Je le regardais à chaque semaine, comme un ami qu'on néglige, à qui on dit : attends moi, je te reviens dès que mon agenda se libère. Négligence criminelle.
Plus jamais je ne ferai pareil affront à un livre de cette écrivaine qui a ce don des mots qui touchent.

On retrouve, bien sûr, la famille de la poétesse où sa soeur, Lavinia, sa belle-soeur Susan, et Mabel, la maîtresse d'Austin, farfouillent dans les écrits d'Emily espérant y trouver un sens à leurs vies et un chemin vers la publication d'une oeuvre rendant hommage à la mystérieuse mademoiselle Emily. Millicent, la fille de Mabel, y met également son grain de sel, car qui est mieux placé qu'une enfant pour visualiser le monde dans les mots d'une poète .

« Combien de personnes faut-il pour faire un livre? Combien d'êtres chacune de ces personnes contient-elle à son tour, combien de fantômes? Et si c'étaient les fantômes qui écrivaient? »

Dominique Fortier nous transporte au XIXe siècle, nous permettant d'entrer dans l'intimité de ces femmes extraordinaires, chacune vivant son deuil de façon différente, en perte d'amour et à la recherche de raisons de vivre. Susan est celle qui me touche le plus. Amie de coeur d'Emily, avec un mari aux abonnés absents et un fils décédé, elle est un fantôme qui n'écrit pas.

« Car, à cinquante ans passés, elle sait qu'on a beau chercher l'absolu dans les voyages, dans les livres, dans la foi, dans la morphine, dans les bras de ceux qu'on croit aimer ou même dans le ciel étoilé, comme ce pauvre David, on ne le trouve jamais que dans la mort. Certains matins, elle est si fatiguée en ouvrant les yeux qu'elle a l'impression d'être faite du même bois que le lit. »

Un livre d'espoir et de résilience. Lavinia porte en elle un fort instinct de survie. Millicent porte en elle l'avenir. Mabel porte un livre sur ses épaules et de fort belle façon. Susan porte Emily dans son coeur.
Et moi, j'absorbe tous ces beaux mots et je m'en nourris. Coup de coeur et de corps…
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Ce roman est à l'image de son sujet : éparpillé.
Un patchwork, une somme d'impressions qui m'a déroutée. Un peu comme si vous fixiez le détail, grossi dix fois, d'une peinture de Georges Seurat. Toute la minutie, toute l'originalité de la représentation sera perdue.
La famille entière s'émeut de la disparition d'Emily Dickinson. Rien ne nous explique pourquoi. Quelle femme était-elle vraiment ? Quelles relations entretenait-elle avec les uns et les autres ? On n'en sait peu. Se recueillir sur une tombe, humer le parfum de la disparue, faire rejaillir quelques souvenirs, cuisiner des tartes… C'est un peu court pour lui redonner vie.
Peut-être était-ce pour mieux faire ressortir l'incroyable découverte de ses écrits secrets, ses poèmes griffonnés sans volonté de plaire, dans l'instant et l'instinct, au mépris des règles établies ? Elle n'a pas donné l'ordre de brûler son oeuvre. Alors on s'engouffre dans ce vide, on ressuscite l'aimée. Et là encore, la magie n'opère pas. Ce petit monde emprunté qui s'agite autour d'un fantôme, ces incessants jeux d'ombres, obéissent à des règles qui m'ont échappées.
Il y a aussi quelque chose d'impudique dans le fait de décortiquer les vers de la poétesse, de s'en remettre à l'étymologie (foyer, forêt, du déjà-lu…). Révéler la mécanique du génie, et les petits secrets qui l'accompagnent, m'a dérangée. Ne me dites pas ce qui péchait. Ne soulignez pas la virtuosité de l'éditeur. Laissez-moi savourer la musique des mots. Plaisir impossible puisque la lecture m'a été confisquée et que l'hommage attendri s'est transformé en un millefeuille de situations fantasmées. C'est le problème de la rêverie. Intime et personnelle, elle se comprend et se partage rarement.
Je me suis sentie dépossédée d'un trésor.
Bilan : 🔪
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Emily Dickinson ombre blanche cloîtrée volontaire entre les quatre murs de sa chambre pendant de très longues années a écrit des centaines de lettres et autant sinon plus de poèmes posés en quelques mots, quelques lignes, sur une multitude de petits bouts de papier de toute sorte.

A son décès le 15 mai 1886, à Amherst, dans le Massachusetts, elle a demandé que toute sa correspondance soit brûlée, ainsi que tous ses papiers. C'est ce qu'a accepté de faire Lavinia, sa soeur, pour les lettres, nombreuses, les journaux intimes, mais le geste s'est fort heureusement arrêté là.

Pourquoi et par quel heureux hasard a-t-elle décidé de ne pas obéir à cette soeur singulière à qui elle n'avait jamais rien refusé ? Impossible de le savoir, mais pour notre plus grand bonheur elle a fini par réunir tous ces bouts de papier, chaque phrase, chaque mot, chaque respiration, chaque soupir d'Emily pour qu'ils soient retranscrits dans des livres.

C'est cette aventure incroyable que nous conte Dominique Fortier dans ce roman.

Pourquoi je l'ai aimé ? D'abord parce qu'il n'est ni une autofiction, ni une captation par un auteur de l'actualité, de l'air du temps, des catastrophes quotidiennes ou des malheurs du monde dont nous entendons parler déjà chaque jour aux informations.

J‘ai aimé cette singularité, cette originalité et surtout rencontrer Emily Dickinson, sa soeur, son frère, mais aussi Mabel, la maîtresse de celui-ci, sa nièce Millicent, les femmes de son entourage qui ont su comprendre l'importance de son oeuvre et la faire parvenir jusqu'à nous. Si les premières retranscriptions ont été peu respectueuses des écrits d'Emily, modifiés, corrigés, en particulier pour les majuscules ou les tirets placés en apparence au hasard, la sténographie première de la poétesse lui a été restituée par la suite, offrant ainsi aux lecteurs une oeuvre magistrale et unique.

Un roman qui sort du lot en cette rentrée littéraire, à la fois intimiste, poétique, délicat et intelligent.

chronique en ligne sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2023/03/07/les-ombres-blanches-dominique-fortier/
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