Les mille pages de ce beau livre sont consacrées à une littérature disparue, écrite dans une langue sémitique morte et déchiffrée à peine en 1840, l'akkadien, langue officielle des états mésopotamiens de l'ancien Irak. L'anthologiste, après avoir soigneusement introduit son objet, organise l'ouvrage chronologiquement en quatre périodes, archaïque (2300-1850), classique (1850-1500), de la maturité (1500-1000) et enfin tardive (1000-100 av. J.C.) On voit que mille pages pour plus de deux mille ans de création littéraire, c'est finalement peu. Tous les genres sont représentés, prose, poésie, et textes techniques ou correspondance : le lecteur sera intéressé par la riche production épique inspirée des Sumériens, récits de Gilgamesh, d'Ishtar, récits de la création, mais aussi par les chroniques royales, les prophéties et les psaumes dédiés aux dieux. La richesse de l'ouvrage est incalculable, et apporte aux lecteurs de la Bible d'utiles compléments de connaissances et de comparaison pour dégager clairement la relation spécifique des Hébreux avec cette tradition dont ils s'inspirèrent en lui imprimant leur marque propre. Dans ce paysage littéraire, mythologique et mental, leur place est vraiment particulière et les surprises ne manquent pas.
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(Le Poème Babylonien du Juste Souffrant, et le livre de Job). Le texte définit les notions mésopotamiennes de culpabilité et de pouvoir divin. L'appellation moderne de"juste souffrant" est impropre appliquée à cette oeuvre et à d'autres ; à tout le moins, Shubshi-meshre-shakkan (protagoniste du poème) n'est pas aussi certain de son innocence que Job. L'auteur de Job manifeste que la souffrance de Job n'a rien à voir avec sa justice, elle est une épreuve de sa foi. Ici le protagoniste pense qu'il a été juste, dans la mesure où il peut le savoir, mais des fautes qu'il a commises à son insu, il se repent et en demande pardon. Il n'éprouve rien de semblable à la colère et à l'amertume de Job. En somme, ce texte voit la souffrance et la rédemption comme des manifestations du pouvoir divin, alors que pour Job, elles sont une mise à l'épreuve des forces humaines. Malgré ces différences, les deux documents appartiennent à une tradition littéraire orientale commune. Chacun établit sa conception du problème de la souffrance infligée aux hommes par les dieux, d'une façon originale.
Le lecteur termine sur l'idée que Mardouk peut sauver qui il veut, même ceux qui semblent perdus au regard des hommes. Cette conclusion optimiste contrebalance le désespoir et le doute de l'auteur. pour exposer ce thème, le poète s'est servi de toute une culture et un savoir qui enrichissent le texte et le rendent savant. Le produit est un des plus beaux monuments de l'antiquité mésopotamienne.
p. 394
Descente d'Ishtar aux Enfers.
Vers les enfers, vers le pays sans retour,
Ishtar, fille de Sin, se dirigea.
En vérité, la fille de Sin se dirigea
Vers la maison mélancolique, le siège du monde souterrain,
Vers la maison que personne ne quitte après y être entré,
Vers la route dont personne ne revient,
Vers la maison dont les habitants sont privés de lumière,
Où la poussière est leur aliment et la boue leur nourriture.
Ils ne voient pas la lumière mais siègent dans les ténèbres,
Ils sont vêtus comme des oiseaux avec des ailes pour vêtements,
Et la poussière s'est accumulée sur la porte et sur les gonds.
Traduit de la traduction anglaise, p. 499