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Citations sur 77 (56)

Ils ont rien dit sur son coquard à l'oeil gauche. Ça devait aller avec son genre de beauté. Mais ils lui ont quand même demandé comment allait son papa et comment allait sa maman. A moi, cette question, on me la posait plus. Le silence du 77.

p.56
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Mais quand on est entrés dans la salle, le carillon de la porte, ça s'est tu un court temps, et puis tous les yeux et les mots se sont mis à se braquer sur nous. C'est toujours comme ça, les vieux. D'abord c'est méfiant, mais si ça te reconnaît, ça s'arrête pas de parler. Vu qu'ils ont presque plus de temps, ils te le prennent à chaque instant. A te montrer quelle taille tu faisais quand ils t'ont vue la première fois, à insister comme eux ils se rappellent bien mais que toi t'en as aucun souvenir, ce petit pouvoir qu'ils ont sur toi, à dire que t'as bien grandi, que t'es bientôt costaud, bientôt baraque, bientôt un homme, à te demander comment va la famille, et à se remémorer ta dernière connerie en date. [...] Le loto, pour nos vieux, c'est important. [...] Ils viennent des quatre coins du village, ils s'organisent un mois à l'avance par hameau pour que le fils ou la petite-fille d'untel les ramasse chez eux en voiture une heure à l'avance, les installe confortablement à l'arrière et les emmène jusqu'à la salle communale à côté du lavoir. Là, on les aide à descendre, et ils se mettent à boitiller jusqu'à la petite porte d'entrée. Y entrer et embaumer l'espace de leurs odeurs de peau. Toutes et tous agglutinés. Rance. L'odeur de peau des vieux, faudrait réussir à l'isoler. Pour comprendre. Comprendre l'odeur du temps, des paquets d'années entassés. Comme les strates de terre en cours de SVT, à l'époque où j'y allais encore. Cette odeur qui te fout le vertige des falaises, cette odeur de peau de vieux, elle imprégnait la salle, tu la sentais dans ton nez à peine passé la porte. [...] Drôle comme leurs voûtes se déplient quand on leur apporte des cartons colorés avec du quadrillage et des numéros dessus.

pp56-57
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D'habitude, Philippe Daudet il est au croisement de la rue principale et de la ruelle de Monsieur Saïd, il mate du matin au soir le miroir signalétique pour angle mort en se bouffant les doigts. On sait pas trop s'il regarde la rue ou bien son propre regard dans le miroir. Il bouge pas. Il reste dans l'angle mort. Philippe Daudet, c'est notre idiot du village. le père Mandrin dit que pour chaque village, il en faut un, et que lui c'est le nôtre.

p.55
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Il y avait ses mots pires que le silence. Et puis il y avait le kick et il y avait cette phrase, cette phrase qu'était restée coincée dans mon crâne : Toutes les femmes sont des battantes. Mais contre qui ? Ma paume s'est contractée, mes doigts se sont refermés, mes phalanges ont blanchi, mon poing a rencontré d'un coup avec son nez et c'est comme si la phrase avait trouvé une issue de secours à mon crâne. Toutes les femmes sont des battantes.

p.208
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Ton corps, me disait le type, et je retournais à mes paupières, à mon mouvement, bien dans le kick. Mon corps, c'était déjà beaucoup à s'occuper. Ma colonne vertébrale, je l'entendais crépiter dans mon dos, j'en étais sûr. D'abord ça a été un grincement, chaque jointure de ma colonne grinçait dans le kick. C'est qu'elle cherchait le mur de l'abri, ma colonne, instinctivement. A chaque mouvement elle voulait son support, sa limite d'ouverture, son tuteur. Et comme elle n'a rient trouvé que le vide puis le kick, le vide puis le kick , intermittence de lâcher-prise et d'étau dans l'espace, elle a fait balancier, ma colonne, avant en arrière, libre et retenue, et c'est comme ça que j'ai dansé. Pour la première fois je dansais. C'était bon. Pour la première fois je faisais quelque chose de mon corps, quelque chose d'important, quelque chose pour moi.

p.207
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Le coup parfait, c'était de balancer son corps et son auto dans l'arrière-train de l'autre, pile poil dans l'un des deux angles arrière de sa carrosserie. Part en vrille. Tête à queue. Et d'un coup, c'est toutes les autres autos qui se rentraient dedans, embouteillage de bout de piste, impacts à répétition, cumul des chocs. Une fois tout bloqué, fallait faire une marche arrière et se remettre à tourner, prendre de la vitesse, rôder en cercle et trouver sa proie. Il y avait quelque chose dans les yeux de ceux qui se frôlaient et des sourires au coin des lèvres quand ça s'entrechoquait.
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D’habitude, en règle générale, c’est métallisé et c’est rapide, ça ne fait que passer, ça ne s’attarde pas. Et pourquoi ça s’attarderait ? Courts cris stridents, ils foncent. Pour le boulot, pour le mouvement, pour le tumulte, foncent sur Paris, foncent sur le bitume, foncent dans le brouillard.
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Toute la journée, calme moi aussi, les nuages à mater. Ça bougeait toujours, les nuages, une forteresse qui devient un chien qui devient un cheval qui devient un bateau qui devient un flingue qui devient une bagnole qui devient une masse, qui devient une gueule. Et quelques avions qui la percent comme on s'éclate les boutons.
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L'odeur de peau des vieux, faudrait réussir à l'isoler. Pour comprendre. Comprendre l'odeur du temps, des paquets d'années entassés. Comme les strates de terres en cours de SVT, à l'époque où j'y allais encore. Cette odeur de peau de vieux, elle imprégnait la salle, tu la sentais dans ton nez à peine passé la porte.
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Faut dire que chaque matin il faisait que passer d’un banc d’abribus à un fauteuil de car, d’un fauteuil de car à un banc de station de gare, d’un banc de station de gare à un fauteuil de train, et ça toujours bien calé, toujours en place comme sur des rails, jusqu’à sa chaise de classe qu’il traînait sur le sol, crissement sourd, et puis s’installait la tête dans les bras, casquette BMW sur le regard, là-bas dans son bahut à Melun. Intestable. À Melun, moi j’y vais pas souvent. Il y a plein de voies dans la gare et même un tunnel pour passer des unes aux autres. C’est une vraie gare. Pas comme chez nous où on doit traverser les rails en faisant gaffe au train qui en cache un autre
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