Ce tome regroupe les épisodes 1 à 6 de la série Defenders, parus en 2012. Les scénarios sont de Matt Fraction, les illustrations de Terry et
Rachel Dodson (prologue et épisodes 1 à 3),
Michael Lark (épisode 4),
Mitch Breitweiser (épisode 5) et Victor Ibáñez (épisode 6).
Stephen Strange (Doctor Strange) effectue une promenade d'agrément dans le quartier de Greenwich Village et il observe avec plaisir Notebook Joe (un excentrique) en train d'asticoter un couple de touristes. Il le raccompagne chez lui et découvre que Joe ne dort plus depuis des mois. Ailleurs, Nul (le Briseur de Mondes) est enfin libre et se met en route pour atteindre le Moteur de Concordance. Hulk perçoit sa démarche et va demander de l'aide à Doctor Strange. Ce dernier estime qu'il a besoin d'aide et il recrute Namor, puis SIlver Surfer, She-Hulk (la version rouge) et Iron Fist.
Régulièrement,
Marvel Comics essaye de trouver la bonne formule pour relancer cette équipe qui a connu son heure de gloire avec des scénaristes comme
Steve Gerber ou
David Anthony Kraft (par exemple
Essential Defenders 3) dans les années 1976 à 1978. le principe est de réunir dans une série des superhéros surtout connus pour être des solitaires et des seconds couteaux ; ils forment alors ce qui était qualifié de non-équipe. C'est à dire qu'ils sont ensemble par hasard, sans réelle structure, sans objectif clairement établi. Plusieurs scénaristes ont dû renoncer, au bout de quelques épisodes, à rendre viable ce postulat de départ boiteux.
Ce tome commence bien car Fraction s'intéresse à un seul personnage dans le prologue : Stephen Strange. Il présente une idée de départ intrigante avec cet individu qui ne dort plus et il sait donner une personnalité charmante à Strange. À partir du premier épisode, les choses se gâtent car Fraction passe par le point d'étape obligé : recruter un à un les membres des Defenders. Il le fait de manière mécanique sans grande imagination. La première histoire repose sur un bidule artificiel (Concordance engine) avec des bagarres basiques, malgré un site sortant de l'ordinaire (la montagne de Wundagore avec ses habitants) et la réapparition d'un vieil ennemi, à savoir Prester John apparu pour la première fois dans le numéro 54 de Fantastic Four, en septembre 1966. Les jolies illustrations des époux
Dodson sont toujours aussi agréables à contempler, mais elles semblent curieusement inadaptées à ces affrontements brutaux. En cours de route, Norrin Radd a recours à un niveau de violence qui ne lui est pas habituel et qui dénote fortement par rapport à sa personnalité.
Heureusement, le quatrième épisode semble repartir dans une narration plus convaincante.
David Aja a un style plus adapté : assez réaliste avec un encrage qui accentue légèrement les ombres, parfait pour l'ambiance urbaine de l'épisode. Matt Fraction fait preuve de plus d'inventivité et se concentre sur un seul personnage; à nouveau Stephen Strange. Il est question de 2 de ses anciens amours et d'une nuit d'égarement, ce qui le rend tout de suite beaucoup plus humain. Fraction pousse plus loin l'utilisation de Prester John et le mystère commence à s'installer.
Nouvel épisode, nouveau dessinateur,
Mitch Breitweiser utilise un style assez proche de celui de
David Aja, en moins subtil, pour une ambiance tout aussi convaincante. Fraction articule l'épisode autour d'un autre personnage central : Namor. L'évocation de la vie au fond des mers est comme toujours très kitch dans les comics, et exige une augmentation significative du niveau de suspension consentie d'incrédulité quand le lecteur finit par avoir l'impression que seule une vague teinte bleutée permet de comprendre que l'histoire se passe sous l'eau. En effet tous les personnages se comportent comme s'ils évoluaient à l'air libre.
Nouvel épisode, nouveau dessinateur, c'est au tour de Victor Ibáñez de se montrer convaincant pour mettre en scène un épisode centré sur Iron Fist. Il réussit moins bien qu'Aja et Breitweiser, mais l'aspect visuel reste de bonne facture. Matt Fraction se souvient donc de la mythologie qu'il a aidé à développer avec
Ed Brubaker à partir de The last Iron Fist story. À nouveau la narration s'avère beaucoup plus intense quand Fraction met en avant un personnage, plutôt qu'un groupe. Il développe avec conviction et habilité son intrigue autour du moteur de concordance et il arrive à donner envie de revenir pour connaître la suite de l'histoire.
Avec ce début de série, Matt Fraction et ses illustrateurs tâtonnent maladroitement pour trouver le ton juste de la série. le début est laborieux et poussif. le lecteur observe la constitution de l'équipe avec ennui, ainsi que son combat ras-les-pâquerettes contre un ennemi vite évacué. Passé cette phase introductive indigeste, Matt Fraction revient à une structure narrative plus adaptée à ses capacités de scénariste en structurant chaque épisode autour d'un personnage. Il montre que le bidule introduit dans la première histoire recèle des intrigues intéressantes et génère des situations imaginatives et divertissantes. Malgré le passage de 3 illustrateurs en autant d'épisodes, le lecteur y trouve son compte et finit par s'immerger dans cette histoire déconcertante.