Ce tome contient les épisodes 1 à 6 de la série débutée en avril 2011. Il fait suite à The World Eaters (épisodes 615 à 621 et 620.1). Il ne s'agit pas d'un redémarrage, mais de la suite des aventures de Thor ramené par JM Strackzynski en 2007 dans Thor 1.
Une page d'introduction explique la situation d'Asgard, royaume flottant au dessus de la cité de Broxton dans l'Oklahoma, et l'état inhabituel d'Yggdrasil, l'Arbre Monde. En particulier l'Yggadrasil émet un geyser continu de lumières à partir de Broxton et le Silver Surfer est attiré par ce signal d'une source d'énergie inépuisable qui pourrait nourrir Galactus jusqu' à la nuit des temps. Odin a envoyé Thor et Sif aux racines de l'Yggdrasil pour récupérer un objet de pouvoir magique, appelé "Heart of Everything". La mission s'avère difficile et périlleuse. Loki se lance à son tour dans le flux de lumière pour aller aider son frère. Galactus approche de la Terre et d'Asgard. Sur terre, Mike, le pasteur de Broxton, voit sa foi soumise à rude épreuve. Il y a des dieux sur terre qui ne sont guère compatibles avec le Dieu de sa foi, et il y a des miracles dans sa ville comme ce geyser de lumières.
C'est le grand retour d'
Olivier Coipel sur Thor, celui qui a défini sa nouvelle apparence en 2007. Matt Fraction lui a concocté un récit grandiloquent qui lui permet d'exprimer toute la majesté visuelle de Thor et d'Asgard. Dès les 2 premières pages, le parti graphique est apparent. (1) Coipel adopte une mise en page reposant essentiellement sur des cases de la largeur de la page, empilée les unes sur les autres. (2) La mise en couleurs va compléter les dessins jusqu'à faire office de décors. Par exemple le geyser de lumières est rendu uniquement par les couleurs qui lui donnent jusqu'à sa forme. Heureusement, ces 6 épisodes bénéficient de Laura Martin pour ce travail (c'est elle qui avait mis en couleurs les épisodes d'Astonishing X-Men de
Whedon et
Cassaday). La deuxième page est une pleine page montrant le Silver Surfer de dos contemplant un monde en ruine. Là encore, l'image doit beaucoup (un bon tiers) à la mise en couleurs qui transforme quelques vagues formes de bâtiments calcinés en un incendie ravageur et apocalyptique. Grâce à Laura Martin, les couleurs font plus que cacher la misère des illustrations se concentrant surtout sur les personnages, pour vraiment créer des formes et une ambiance complémentaires. Ce dispositif fonctionne de manière très efficace lors de la plongée vers les racines d'Yggdrasil où chaque case vibre de cette énergie magique.
Et puis
Olivier Coipel ne sacrifie pas non plus tous les décors. Il y a quelques vues de Broxton et d'Asgard qui valent le déplacement, ainsi que la chambre de Thor qui n'est pas mal, même si l'oeil du lecteur est plus attiré par Sif. Mais il faut bien reconnaître que le point fort de Coipel ce sont les personnages et les tenues vestimentaires. Dès la deuxième page, Coipel impressionne avec sa vision du Silver Surfer qui respecte parfaitement les caractéristiques visuelles du personnage, tout en en donnant une interprétation personnelle. Quand on se rappelle que le Surfer est essentiellement un homme nu avec une planche de surf, ce n'est pas si facile que ça d'en trouver une interprétation originale. Thor est toujours aussi majestueux et puissant (quelle largeur d'épaules !), Sif dégage une puissance régalienne qui évoque la force brute des dessins de
Jack Kirby (la première pleine page de l'épisode 2). Mais l'art de Coipel ne se limite pas à des postures qui en imposent ou des visages emplis de sérieux, il a aussi un sens des costumes flamboyants qui mettent en valeur chaque asgardien, même le volumineux Volstagg. Seul le patch d'Odin semble peu réaliste. Son sens de la composition de chaque case offre des images saisissantes, en particulier Galactus en impose par sa seule présence. La nouvelle apparence de Loki est aussi savoureuse et craquante que lorsqu'il avait un corps de femme et une tête de Marylin Manson. Les combats en mettent plein la vue. le mariage complémentaire des dessins et des couleurs offrent des scènes merveilleuses venues d'ailleurs. Mais ces illustrations souffrent d'un défaut de reprographie. Comme systématiquement dans ces recueils, la reliure effectuée très près du bord intérieur des pages empêche de profiter d'une partie des dessins sur des planches qui sont pour la moitié composée avec des cases s'étalant sur les 2 pages en vis-à-vis. du coup ce défaut gâche vraiment la lecture et l'appréciation des illustrations. Il y a aussi l'apparition et la disparition inexplicable d'une barbe pour Thor au cours de l'épisode 6, en fonction des pages, qui diminue le sentiment d'immersion.
Afin de laisser le plus de place possible aux illustrations, Matt Fraction déroule un scénario assez décompressé, mais pas si convenu que ça. L'opposition entre Galactus et Asgard est massive et brutale. Fraction ose personnaliser un peu Galactus en le faisant parler et en lui donnant des motivations au-delà de sa faim inextinguible. le lecteur est même amené à contempler une partie de sa vie avant de devenir Galactus. Odin est redevenu le père intraitable et le monarque tyrannique un peu difficile à supporter. Loki dispose de nouvelles caractéristiques qui le rendent à la fois humain et craquant (oui, ça vaut vraiment le déplacement). Fraction ose même s'aventurer sur le terrain risqué de la religion avec le pasteur Mike. le lecteur constate qu'il y va sur la pointe de pieds avec cette situation paradoxale où un homme de Dieu contemple des dieux nordiques. Honnêtement, ce n'est pas l'aspect le plus réussi de l'histoire.
Matt Fraction et
Olivier Coipel proposent une aventure de Thor qui sort assurément des sentiers battus, tant par la franche confrontation entre Galactus et son héraut d'un coté, et Odin et Asgard de l'autre, que par ses visuels qui prennent leur distance avec les comics de superhéros de base pour proposer des images saisissantes. Je n'attribuerais pas une cinquième étoile du fait de la reliure trop serrée qui empêche d'apprécier les illustrations et du scénario à qui il manque un peu de densité pour accéder au rang d'indispensable. Mais comparé aux histoires de superhéros de base, cette histoire impressionne par la force de sa vision.