J'ai trouvé le récit de ce crime sans importance disparate. Que cela soit au sens premier, "Qui produit un effet discordant par les éléments divers qui le constituent", ou dans sa seconde acception, "Composé d'éléments hétérogènes". Merci à Larousse pour les définitions.
L'ouvrage tient du récit, du témoignage, du pamphlet, de l'essai, du roman aussi (mais finalement assez peu).
On démarre sur le récit d'un cambriolage doublé d'un meurtre. La victime, une vieille dame seule, meurt en fait quelques semaines plus tard. On y reviendra. Ensuite,
Irène Frain passe à une sorte de radioscopie de nos banlieues-dortoirs, qui jouxtent des quartiers de pensionnés ou des cités "difficiles".
On fait un focus sur l'enterrement, puis sur la vie de Denise, soeur aînée d'
Irène Frain. On évoque le passé, doux, tendre, cocoonesque, délicat, "mieux que le présent violent et terne". On passe ensuite aux velléités d'enquête d'
Irène Frain, qui rameute les séries américaines ou autres "Faites entrer l'accusé". Puis on secoue la justice immobile et la police incompétente, ou lente, c'est selon. On clôture sur la dernière partie, intitulée Réparation... et qui ne répare rien.
Le choix du titre est déjà une indication de la construction structurée, planifiée, organisée par l'autrice. Peut-on dire qu'un crime soit sans importance. Figure de style redoutable. Surtout qu'elle est doublée du portrait d'
Irène Frain, récupérée d'une photo plus large où figure Denise. Pas d'explication au fait que Denise, personnage central du récit disparaît de la photo au profit d'
Irène Frain. Cela m'a pertrurbé. Droits d'auteur, refus de la famille.
Irène Frain aurait sans doute pu en dire davantage.
Dire davantage... effectivement, ce roman démarre par un fait divers, et ne se termine pas vraiment. J'ai senti
Irène Frain en roue libre. Elle s'arrête à 250 pages, mais elle pourrait faire 2 ou 3 fois plus. Un essai ou un pamphlet se boucle, un récit aussi. Ici, le temps est suspendu.
Que cela soit clair... Je comprends son indignation, sa colère, son dégoût. Je ne fais pas que le comprendre, je le partage également. Il y a tant d'injustice, tant de paradoxes, de dysfonctionnements. Un seul récit ne suffirait pas. Mais je me suis senti otage du récit d'
Irène Frain, otage bien davantage que partenaire ou témoin. Car le lecteur apprend en fin de livre que celui-ci ne voit le jour que parce qu'
Irène Frain souhaite faire pression sur la justice en profitant de sa notoriété.
Cela jette un éclairage particulier sur le livre. On a donc un récit froid, finalement, car empreint d'une certaine vengeance, de comptes à rendre, d'une volonté d'en découdre, de croiser le fer. Et cela ne m'a pas plus, au-delà du récit simple et efficace, percutant du fait divers. Ce n'est plus un hommage à Denise, morte seule dans des conditions atroces. C'est
Irène Frain contre la République, dont on n'a jamais dit qu'elle était parfaite. C'est dommage, la première partie, radioscopie de nos banlieues démarrait bien. C'est à mon avis la meilleure partie du livre.