Reine, c'est mon destin

Quand on est un enfant et qu'on n'a pas de télé, de temps en temps on n'a plus rien à lire, et on s'ennuie. Dans ce cas, il arrive qu'on aille piocher dans les vieux livres d'enfants de ses parents, voir de ses grands-parents. C'est comme cela que j'ai rencontré l'impératrice Hatchepsout. Dans l'un de ces vieux livres pour petites filles modèles à couverture verte, aux illustrations élégantes et soignées, et aux histoires bien moins gnangnan que ce qu'on pourrait croire.

Nous sommes il y a trois mille cinq-cents ans, et le pharaon Thoutmès Ier règne sur l'Égypte. Il a mené guerre sur guerre, conquis de nouveaux pays, repoussé les frontières de son empire. le pays est en paix. Mais il est soucieux. Ses deux fils ainés son mort, et l'héritier présomptif est d'une totale incompétence.

Mais il a une fille aussi. Une petite princesse qui n'en fait qu'à sa tête, mais qui n'a pas l'intention de se laisser marcher sur les pieds. Parce qu'elle est une fille, on l'empêcherait de régner sur l'Égypte ? On va bien voir ! Elle a un ami très cher, un jeune garçon nommé Senmout. Il est d'origine modeste, mais il est particulièrement brillant. Il soutient son amie dans ses ambitions, et lui murmure ses idées à l'oreille : et si, au lieu de faire guerre la guerre, on construisait des monuments et l'on faisait du commerce avec les autres nations ?

Le style, bien qu'un peu daté, a plutôt bien vieilli et reste très plaisant à lire. On découvre avec beaucoup de plaisir la vie de cette petite princesse si décidée, qui deviendra « la première femme dont l'histoire ait conservé le nom », selon la formule de certains historiens. Elle fera construire le temple de Deir el Bahari, et lancera la première grande expédition documentée par l'histoire, jusqu'à un énigmatique « pays de Pount ».

Mais le plus étonnant… C'est que le récit est d'une très grande fidélité historique ! Ce que j'ai pu constater en lisant la biographie d'Hatchepsout de Christiane Desroches-Noblecourt, qui fait référence en la matière. Oh certes il y a des passages romancés, l'auteur a comblé les trous de l'histoire avec des évènements de son invention. Mais ils sont crédibles, et pour le reste il c'est visiblement très bien documenté. En fait, leurs sources sont à peu près les mêmes ! Souvent ils citent les mêmes détails : un petit âne sur une fresque, une essence de bois dont on ignore à quoi elle correspond, l'agencement d'un temple… On réalise même que les historiens n'ont pas tellement progressé entre les deux. A peine quelques stèles, quelques dates de plus, qui dissipent légèrement le mystère…

Un livre d'enfant charmant qui m'a permis de découvrir un grand personnage oublié, et qui était bien mieux sourcé que bien des romans plus récents. En fait, il m'a rarement été donné depuis d'en rencontrer d'aussi fidèles sur une époque dont on sait si peu de choses.