Bel album au format agréable, très belle couv' – avec son aspect satiné devenant brillant sous le splendide abat-jour de la lampe Art nouveau (quelle classe !) – et surtout abordant un thème magnifique que celui de la tolérance et de la liberté de genre. J'ai adoré !... Un coup de coeur presque parfait. Presque parfait, car le scénario est un tantinet utopiste.
Toutefois, cette lecture m'a rendu joyeux et optimiste. Nous sommes en 1922 ; un jeune homme qui a dix-neuf ans au moment des faits et qui se prénomme Rose a grandit dans le très chic cabaret parisien que tient sa mère ; il n'a jamais cessé souhaiter faire partie de la troupe. le grand jour est arrivé… Rose va enfin pouvoir monter sur scène ce qui suscitera l'émotion et l'intérêt du public et celui d'un admirateur en particulier.
Ce dernier, Aimé d'Orpra, est fils unique et héritier d'une belle entreprise d'éditions. Voir le jeune Rose danser a provoqué chez lui un choc émotionnel, un éveil et un intérêt dévastateur. Pour la première fois de sa vie Aimé est vraiment tombé amoureux et cet intérêt est d'ordre passionnel ; il renaît littéralement !
C'est la période des années folles, juste à la suite de la « Belle Époque » qui avait apporté tant de bouleversements techniques et industriels, mais la guerre aussi… et ce long traumatisme avait laissé le pays exsangue et endeuillé. La phase de reconstruction favorisait la croissance économique. Les Français (enfin… ceux qui le pouvaient) vivaient de manière exaltée et fébrile, comme s'il n'y avait pas de lendemain ; Paris s'allumait, Paris vibrait, Paris dansait pour oublier l'horreur. Et comme Bruxelles, Riga, Budapest ou Barcelone, Paris se parait de ces accoutrements que l'on devait à ce courant artistique qui devait transcender les distinctions entre les arts ; la décoration, l'architecture, les transports, le vêtement, la typographie, la tapisserie… mais aussi les moeurs. C'est dans cette ambiance de fête que se tient cette histoire suscitant l'évocation des différences. Les personnages sont intéressants, le lieu aussi, ainsi que le dessin qui assimile les codes du manga et les magnifie dans un jeu de formes et de couleurs sensationnelles. Toutes les références à l'Art nouveau tombent à brûle-pourpoint.
Il est dommage que la sexualité dans cette histoire ne soit pas davantage abordée. L'androgynie de Rose l'est – son côté sensuel et son audace, sa sensibilité, son érotisme assumé qu'il partage par la danse – mais pas les relations entre Rose et Aimé qui n'apparaissent qu'amicales. de même les relations ambigües entre les filles ne sont abordées que par de simples suggestions. L'histoire aurait sans doute gagné en force avec un aspect davantage intimiste, plus sulfureux.
En conclusion, je dirais, comme
Gaëlle Geniller qui le fait grâce à son magnifique travail, que la norme est toute suggestive, qu'il n'y a pas de norme dans l'humain, et qu'il est nécessaire de transcender les identités pour mieux les rassembler.
Joli clin d'oeil également au roman "
La garçonne" paru en 1922 et adapté au cinéma l'année suivante. Ce roman fut jugé si scandaleux que sa parution avait valut la perte de sa légion d'honneur à
Victor Margueritte. A lire ou relire…