Ce tome regroupe les 6 épisodes de la minisérie paris en 2003/2004.
Lobo est un mercenaire de l'espace, spécialisé dans les assassinats dans l'univers partagé des superhéros DC. Cette histoire s'ouvre sur 2 pages rappelant les origines de Lobo, dessinées avec un style cartoon (malgré la nature du sujet). Maintenant : Lobo est en plein contrat, à savoir assassiner monsieur Gigante, un homme d'affaires louches. Il se trouve devant sa secrétaire, au mur une affiche rappelle l'interdiction de fumer. Lobo secoue les cendres de son cigare allumé dans le décolleté pigeonnant de la secrétaire aux gros seins, tout en insistant pour voir le chef. Il le trouve attablé, occupé à croquer et mastiquer ce qui ressemble à des mini-pieuvres vivantes. Monsieur Gigante essaye de dissuader Lobo d'accomplir sn contrat en triplant la mise : peine perdue, Lobo ne revient jamais sur sa parole. Il s'en suit un combat sans pitié au cours duquel le lecteur découvre que les 2 gros trucs sphériques posés sur la table ne sont autres que les testicules de Monsieur Gigante (vêtu d'un kilt) qui s'en sert comme de massue pour frapper Lobo. Après cette introduction dans le vif du sujet, Lobo accepte un autre contrat : tuer un dirigeant politique sur une planète reculée, à l'importance stratégique mal définie.
En 1983, dans une série disparue depuis (Omega Men), apparaît un chasseur de primes interstellaire, au comportement hâbleur, macho, égocentrique : Lobo, extraterrestre à la peau blanche, très costaud et quasiment indestructible. 1990,
Keith Giffen (scénario), Alan Grant (dialogues) et
Simon Bisley (illustrations) ramènent ce personnage qui a tout de l'antihéros pour 2 miniséries (rééditées dans Lobo, Portrait of a Bastich). Il se révèle être toujours aussi égocentrique, à la recherche de plaisirs immédiats (baston & biture), motard interstellaire, ressemblant fortement à
Lemmy Kilmister de Motörhead. Ce Bad Guy connaît un succès amplement mérité ; il s'agit d'une caricature réussie de la tendance Punisher & Wolverine de plus en plus implacables et adeptes de justice expéditive.
De temps à autre, DC Comics ramène le personnage sur le devant de la scène, comme ce fut le cas avec cette minisérie confiée à l'âme du personnage :
Keith Giffen. Les responsables éditoriaux lui ont lâché la bride, et ça se voit. Giffen est un grand malade, doté d'un humour particulier. Il maîtrise à la fois l'exagération poussée à son maximum, et un sens de la dérision marié à l'absurde irrésistible. Au final, l'intrigue principale est assez mince. Giffen prend la précaution de la mener à son terme avec un dénouement aussi prévisible que logique. Passé le troisième épisode, il devient évident que la moitié du récit est consacrée à cette forme d'humour trash, graveleux et absurde. En particulier l'épisode 4 est pris en otage par un autre personnage emblématique de
Keith Giffen : Ambush Bug.
Pour cette aventure, Lobo ressemble à un croisement entre Lemmy et Rob Zombie. Il continue à résoudre tous ses problèmes en cognant jusqu'à ce qu'ils disparaissent. Il rencontre des victimes qui sortent de l'ordinaire (et dire qu'il les avait posées sur la table, c'est dégoûtant). Et il rencontre des femmes généreusement pourvues par la nature, et par la chirurgie esthétique. Ce qui ne gâche rien, c'est que Alex Horley (l'illustrateur) a également bénéficié d'une grande latitude (inhabituelle même pour des comics estampillés DC puisqu'il y a même un ou deux tétons dénudés).
Horley dispose d'un sens de la démesure visuelle complètement en phase avec la démesure loufoque et le mauvais goût du scénario. Dès la première page lorsque Lobo arrive sur l'astéroïde de monsieur Gigante, Horley a peint un panneau indiquant Star Whores (Putes stellaires, un jeu de mots sur Star Wars). La réceptionniste à la poitrine plantureuse respire une vulgarité éhontée. Les petits mollusques croqués par Gigante gigotent encore pour un effet à la fois comique et morbide. Il arrive à rendre visuellement crédible l'utilisation des testicules comme fléau d'armes, etc. Horley réalise ses illustrations à la peinture avec des formes exagérées et une palette de couleurs personnelle. Je vous laisse découvrir les inventions visuelles d'Horley, il suffit de mentionner une caricature de rappeur proxénète, et une salope gonflée au silicone voulant trucider Lobo pour prouver sa valeur, en string, avec des talons aiguilles et des sparadraps en croix comme cache téton. Une partie des illustrations (un sixième en tout) est réalisé sur le mode cartoon par Byron Vaughns et Mike DeCarlo.
Keith Giffen est un grand malade avec un sens magnifique de la dérision et de l'absurde. Alex Horley a un sens de la démesure et du comique visuel qui rappelle les grandes heures de
Métal Hurlant. le résultat n'est pas que jouissif au premier degré, dérivatif et moqueur au second degré ; le récit finit par devenir une mise en abyme des codes et des stéréotypes des récits d'aventure et de baston.